Catégorie : Français / Littérature
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Marguerite Duras - Un barrage contre le Pacifique
La vie qu'on mène n'est pas toujours - pas souvent ? - à la hauteur de nos rêves, ambitions ou illusions... Pour certains, aux jours ternes et monotones de la vie quotidienne, il faut substituer des jours en couleurs, des jours de lumière où l'esprit se perd : quelques-uns s'évadent dans des paradis artificiels, d'autres préfèrent les paradis, plus nobles, de la poésie, d'autres encore - Emma Bovary - s'élancent par des romans faciles vers des cieux plus beaux... Le XXe siècle inventa la plus su...
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MALRAUX - La Condition Humaine: 21 mars 1927. Minuit et demi.
Cet incipit doit son originalité à une ouverture in médias res, à la focalisation interne et à une nouvelle forme d'écriture. Contrairement à la technique balzacienne, la narration se caractérise chez Malraux par l'absence de tout préliminaire : le lecteur entre de plain-pied dans un monde inconnu, il lie connaissance avec un tueur, il s'intéresse enfin à une action violente, un assassinat imminent. Mais s'il connaît la date des événements (21 mai 1927), il ignore tout du lieu : seul le nom Tche...
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Jean-Paul SARTRE, préface au guide Nagel sur la Suède.
Nous ne croyons plus qu'il y ait dans une cité, dans une nation, des parties nobles et des parties infâmes. Nous pensons qu'un pays est un organisme complexe dont chaque organe s'explique par tous les autres. Nous pensons qu'une belle ruine est un vestige du passé, mais qu'elle est aussi une partie vivante d'une ville moderne. Nous aimerions savoir ce que les habitants pensent d'elle, s'ils passent avec indifférence le long de ses murs ou s'ils en sont fiers. Mais pour cela il faudrait qu'on nou...
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Pour un anniversaire - Eluard
Eluard est un poète surréaliste qui a été inspiré par la guerre et les combats, mais aussi d'une façon très opposée par l'amour qu'il a considéré comme une des valeurs les plus importantes de la vie. Ce poème « Pour un anniversaire » lui donne l'occasion de nous en faire la preuve d'autant plus qu'il s'adresse directement à celle qui fait l'objet de cet amour. (« Objet » est peut-être ici maladroit, nous le verrons plus tard.) Bien qu'il n'y ait pas de ponctuation, ce qui est fréquent chez les s...
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MALHERBE: Prière pour le Roi Henri le Grand, allant en Limousin
Localisation du morceau. Cette poésie est une œuvre de circonstance. Elle a été composée pu Malherbe h la demande du roi Henri IV qui allait partir (septembre pour le Limousin, où devaient se tenir les Grands Jours. Malherbe, alors âgé de cinquante ans, venait d'arriver à Paris et fut présenté à la cour par un de ses amis, le poète normand Des Yveteaux, mais y était précédé par sa réputation. On lui propose d'être l'interprête de la nation à l'égard du roi, qui est en train d'accomplir la enivre...
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Victor HUGO, Notre-Dame de Paris
De ce personnage hors du commun qu'est Quasimodo, le sonneur de cloches de Notre-Dame, Victor Hugo fait un portrait original par la structure, par l'accumulation de traits et d'images dénotant la laideur et par tout un réseau de connotations. D'abord, le passage tout entier converge vers la dernière ligne. Après avoir opposé Quasimodo à ses concurrents, le narrateur provoque un effet de choc en révélant que la grimace n'est pas chez lui l'effet passager d'une contorsion, mais l'expression perman...
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Pierre de MARBEUF (1596-1645) - L'anatomie de l'oeil
Pierre de Marbeuf, « L'anatomie de l'œil ». 1. L'œil est dans un château que ceignent les frontières 2. De ce petit vallon clos de deux boulevards, 3. Il a pour pont-levis les mouvantes paupières, 4. Le cil pour garde-corps, les sourcils pour remparts. 5. Il comprend trois humeurs, l'aqueuse, la vitrée, 6. Et celle de cristal qui nage entre les deux, 7. Mais ce corps délicat ne peut souffrir l'entrée 8. A cela que nature a fait de nébuleux. 9. Six tuniques tenant notre oeil en consistance 10. L...
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Jean de SPONDE (1557-1595) - Je sens dedans mon âme une guerre civile
Jean de SPONDE, « Je sens dedans mon âme une guerre civile ». 1. Je sens dedans mon âme une guerre civile, 2. D'un parti ma raison, mes sens d'autre parti, 3. Dont le brûlant discord ne peut être amorti 4. Tant chacun son tranchant l'un contre l'autre affile. 5. Mais mes sens sont armés d'un verre si fragile 6. Que si le coeur bientôt ne s'en est départi 7. Tout l'heur vers ma raison se verra converti, 8. Comme au parti plus fort, plus juste et plus utile. 9. Mes sens veulent ployer sous ce pes...
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Germain NOUVEAU (1851-1920) (Recueil : Autres vers) - Mendiants
Germain NOUVEAU, Autres vers, « Mendiants ». 1. Pendant qu'hésite encor ton pas sur la prairie, 2. Le pays s'est de ciel houleux enveloppé. 3. Tu cèdes, l'oeil levé vers la nuagerie, 4. A ce doux midi blême et plein d'osier coupé. 5. Nous avons tant suivi le mur de mousse grise 6. Qu'à la fin, à nos flancs qu'une douleur emplit, 7. Non moins bon que ton sein, tiède comme l'église, 8. Ce fossé s'est ouvert aussi sûr que le lit. 9. Dédoublement sans fin d'un typique fantôme, 10. Que l'or de ta pr...
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Madame de Sévigné, Lettre du 3 février 1695 à Emmanuel de Coulanges.
Mme de Chaulnes me mande que je suis trop heureuse d'être ici avec un beau soleil ; elle croit que tous nos jours sont filés d'or et de soie. Hélàs ! mon cousin, nous avons cent fois plus de froid ici qu'à Paris ; nous sommes exposés à tous les vents ; c'est le vent du midi, c'est la bise, c'est le diable, c'est à qui nous insultera ; ils se battent entre eux pour avoir l'honneur de nous renfermer dans nos chambres ; toutes nos rivières sont prises ; le Rhône, ce Rhône si furieux, n'y résiste pa...
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Simone SCHWARZ-BART, Pluie et vent sur Télumée-Miracle.
Le plus mystérieux d'entre eux était un certain Tac-Tac ainsi nommé à cause de son voum-tac, l'énorme flûte de bambou qu'il portait toujours à l'épaule, suspendue pour l'éternité. C'était un vieux nègre couleur de terre brûlée, avec une figure un peu plate où venaient s'ouvrir deux yeux perdus, qui roulaient sur vous avec surprise et précaution, toujours émerveillés, dans l'étonnement de retrouver bêtes et gens. Il habitait cahute logée dans un arbre et à laquelle il accédait par une échelle de...
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Jules RENARD « Le cygne », Histoires naturelles.
Jules RENARD « Le cygne », Histoires naturelles. II glisse sur le bassin, comme un traîneau blanc, de nuage en nuage. Car il n'a faim que des nuages floconneux qu'il voit naître, bouger et se perdre dans l'eau. C'est l'un d'eux qu'il désire. Il le vise du bec et il plonge tout à coup son col vêtu de neige. Puis, tel un bras de femme sort d'une manche, il le retire, il n'a rien. Il regarde : les nuages effarouchés ont disparu. Il ne reste qu'un instant désabusé, car les nuages tardent peu à reven...
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Il n'y a pas d'amour heureux - Louis ARAGON - La Diane Française
Il n'y a pas d'amour heureux - Louis ARAGON - La Diane Française Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix Et quand il croit serrer son bonheur il le broie Sa vie est un étrange et douloureux divorce Il n'y a pas d'amour heureux Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes Qu'on avait habillés pour un autre destin A quoi peut leur servir de se lever matin Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés in...
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Gérard de NERVAL (1808-1855) (Recueil : Odelettes) - Fantaisie
Nerval - Odelettes « Fantaisie » Il est un air pour qui je donnerais Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber, Un air très vieux, languissant et funèbre, Qui pour moi seul a des charmes secrets. Or, chaque fois que je viens à l'entendre, De deux cents ans mon âme rajeunit : C'est sous Louis treize ; et je crois voir s'étendre Un coteau vert, que le couchant jaunit, Puis un château de brique à coins de pierre, Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs, Ceint de grands parcs, avec une r...
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Arthur RIMBAUD (1854-1891) (Recueil : Poésies) - Roman
Essai d'introduction Image rêveuse de l'adolescence, Roman fut peut-être en son temps, et est longtemps resté, une image de liberté : à l'adolescent penché sur ses livres, à l'image de l'écolier qui attendait pour connaître la « vraie vie », il substituait un adolescent sollicité par les premiers désirs sensuels; le texte assumait cette sensualité au lieu de la censurer. Mais Roman prend-il au sérieux cette image qu'il donne, ou la tourne-t-il en dérision, en se moquant de la naïveté et, finalem...
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Pierre de RONSARD (1524-1585) (Recueil : Les Elégies) - Contre les bucherons de la forest de Gastine
Commentaire de l’élégie de Ronsard : « Contre les bucherons de la forest de Gastine » Introduction : Le texte à commenter est extrait de l’élégie de Ronsard intitulée « Contre les bucherons de la forest de Gastine ». Dans ce poème, Ronsard évoque la destruction de la forêt de Gastine, à côté de laquelle il vit, oscillant entre accusation et mélancolie. Projet de lecture : Comment l’écriture poétique dans ces deux strophes permet le développement d’une argumentation efficace et le passage de la d...
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Jean de SPONDE (1557-1595) - Si c'est dessus les eaux que la terre est pressée
Jean de SPONDE, « Si c est dessus les eaux que la terre est pressée ». 1. Si c'est dessus les eaux que la terre est pressée, 2. Comment se soutient-elle encor si fermement, 3. Et si c'est sur les vents qu'elle a son fondement, 4. Qui la peut conserver sans être renversée ? 5. Ces justes contrepoids qui nous l'ont balancée 6. Ne penchent-ils jamais d'un divers branlement ? 7. Et qui nous fait solide ainsi cet élément, 8. Qui trouve autour de lui l'inconstance amassée ? 9. Il est ainsi, ce corps...
- Arthur RIMBAUD (1854-1891) (Recueil : Illuminations) - Marine
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Théophile de VIAU (1590-1626) - Chère Isis, tes beautés ont troublé la nature
Chère Isis, tes beautés ont troublé la nature, Tes yeux ont mis l'Amour dans son aveuglement, Et les Dieux occupés après toi seulement Laissent l'état du monde errer à l'aventure. Voyant dans le soleil tes regards en peinture, Ils en sentent leur coeur touché si vivement Que s'ils n'étaient cloués si fort au firmament, Ils descendraient bientôt pour voir leur créature. Crois-moi qu'en cette humeur ils ont peu de soucis Ou du bien ou du mal que nous faisons ici ; Et tandis que le Ciel endure que...
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Automne malade de Guillaume Apollinaire
Automne malade de Guillaume Apollinaire Automne malade et adoré Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies Quand il aura neigé Dans les vergers Pauvre automne Meurs en blancheur et en richesse De neige et de fruits mûrs Au fond du ciel Des éperviers planent Sur les fixes nicettes aux cheveux verts et naines Qui n’ont jamais aimé Aux lisières lointaines Les cerfs ont bramé Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs Les fruits tombant sans qu’on les cueille Le vent et la forêt qui...