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Pierre de MARBEUF (1596-1645) - L'anatomie de l'oeil

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Pierre de MARBEUF (1596-1645) - L'anatomie de l'oeil L'oeil est dans un château que ceignent les frontières De ce petit vallon clos de deux boulevards, Il a pour pont-levis les mouvantes paupières, Le cil pour garde-corps, les sourcils pour remparts. Il comprend trois humeurs, l'aqueuse, la vitrée, Et celle de cristal qui nage entre les deux, Mais ce corps délicat ne peut souffrir l'entrée A cela que nature a fait de nébuleux. Six tuniques tenant notre oeil en consistance L'empêchent de glisser parmi ses mouvements, Et les tendons poreux apportent la substance Qui le garde, et nourrit tous ses compartiments. Quatre muscles sont droits, et deux autres obliques, Communicant à l'oeil sa prompte agilité, Mais par la liaison qui joint les nerfs optiques, Il est ferme toujours dans sa mobilité. Bref l'oeil mesurant tout d'une même mesure, A soi-même inconnu, connaît tout l'univers, Et conçoit dans l'enclos de sa ronde figure Le rond et le carré, le droit et le travers. Toutefois ce flambeau qui conduit notre vie De l'obscur de ce corps emprunte sa clarté. Nous serons donc ce corps, vous serez l'oeil, Marie, Qui prenez de l'impur votre pure beauté.

« Pierre de Marbeuf, « L'anatomie de l'œil ». 1.

L'œil est dans un château que ceignent les frontières 2.

De ce petit vallon clos de deux boulevards, 3.

Il a pour pont-levis les mouvantes paupières, 4.

Le cil pour garde-corps, les sourcils pour remparts. 5.

Il comprend trois humeurs, l'aqueuse, la vitrée, 6.

Et celle de cristal qui nage entre les deux, 7.

Mais ce corps délicat ne peut souffrir l'entrée 8.

A cela que nature a fait de nébuleux. 9.

Six tuniques tenant notre oeil en consistance 10.

L'empêchent de glisser parmi ses mouvements, 11.

Et les tendons poreux apportent la substance 12.

Qui le garde, et nourrit tous ses compartiments. 13.

Quatre muscles sont droits, et deux autres obliques, 14.

Communicant à l'oeil sa prompte agilité, 15.

Mais par la liaison qui joint les nerfs optiques, 16.

Il est ferme toujours dans sa mobilité. 17.

Bref l'oeil mesurant tout d'une même mesure, 18.

A soi-même inconnu, connaît tout l'univers, 19.

Et conçoit dans l'enclos de sa ronde figure 20.

Le rond et le carré, le droit et le travers. 21.

Toutefois ce flambeau qui conduit notre vie 22.

De l'obscur de ce corps emprunte sa clarté. 23.

Nous serons donc ce corps, vous serez l'oeil, Marie, 24.

Qui prenez de l'impur votre pure beauté. Pierre de Marbeuf (1596-1645) est un poète baroque français du XVIIe siècle. Auteur de sonnets baroques et du Recueil de vers, il met en œuvre les thèmes de la nature, de la fragilité de la vie et de l'amour.

Ce poète joue beaucoup sur les registres comique et pathétique.

Connu tardivement, il est apprécié non seulement pour ses qualités de poète, mais aussi pour ses talents satiriques. *** Petit point culturel sur le baroque : Vient du portugais barroco (= « perle de forme irrégulière ») et a pour origine le terme latin verruca (= « verrue ; défaut ; tâche »). Dans son Dictionnaire universel (1690), Furetière définit ainsi « Baroque » : « terme de joaillier, qui ne se dit que des perles qui ne sont pas parfaitement rondes ». Le baroque a ensuite pris un sens littéraire, culturel, esthétique… fin XVIe, début XVIIe siècle. Préoccupations que l’on retrouve dans les œuvres baroques : - Fragilité de l'instant et de la vie ; - Instabilité, inconstance et mobilité… Écriture qui privilégie les hyperboles, les oppositions, les paradoxes et qui insiste sur les illusions (le théâtre dans le théâtre, etc.), les songes… ***. »

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