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Pour un anniversaire - Eluard

Extrait du document

Je fête l'essentiel, je fête ta présence Rien n'est passé la vie a des feuilles nouvelles Les plus jeunes ruisseaux sortent de l'herbe fraîche Et comme nous aimions la chaleur il fait chaud Les fruits abusent du soleil les couleurs brûlent Puis l'automne courtise ardemment l'hiver vierge L'homme ne mûrit pas il vieillit ses enfants Ont le temps de vieillir avant qu'il ne soit mort Et les enfants de ses enfants il les fait rire Toi première et dernière tu n'as pas vieilli et pour illuminer mon amour et ma vie Tu conserves ton coeur de belle femme nue Pour un anniversaire - Eluard

« Eluard est un poète surréaliste qui a été inspiré par la guerre et les combats, mais aussi d'une façon très opposée par l'amour qu'il a considéré comme une des valeurs les plus importantes de la vie.

Ce poème « Pour un anniversaire » lui donne l'occasion de nous en faire la preuve d'autant plus qu'il s'adresse directement à celle qui fait l'objet de cet amour.

(« Objet » est peut-être ici maladroit, nous le verrons plus tard.) Bien qu'il n'y ait pas de ponctuation, ce qui est fréquent chez les surréalistes, mais aussi les autres poètes du vingtième siècle, le rythme n'en est pas moins édifiant et nous permettra de mieux apprécier le poème, où est reprise l'image de la vie avec les saisons.

D'autres procédés, comme les oppositions, surtout dans les deux dernières strophes, vont nous montrer la force, en même temps que la reconnaissance et la naïveté qui habitent le poète lorsqu'il évoque son amour. Ce rythme, donc, n'est pas à proprement parler régulier du fait de coupes assez nombreuses.

Tout d'abord, l'emploi de quatre strophes d'alexandrins pourrait nous faire croire à un rythme monotone que souligneraient certaines répétitions. Mais Éluard a brisé quelque peu ce rythme, seuls les derniers vers de chaque strophe restent longs et fluides.

Cela montre qu'Éluard a conscience de la fuite du temps mais dans les premiers vers de chaque strophe, il nous prouve aussi que pour lui la vie ne s'écoule pas d'une façon linéaire, que certains moments ressortent par rapport à d'autres. Par exemple, « Rien n'est passé la vie a des feuilles nouvelles » met en valeur sa jeunesse qu'il a su apprécier, puis « Et comme nous aimons la chaleur il fait chaud » est en quelque sorte ce que l'on appelle la force de l'âge et cette période aussi est importante pour lui.

De même « Les fruits abusent du soleil les couleurs brûlent » : cette coupe met en lumière l'intensité de la vie et des sentiments de l'auteur à ce moment-là.

Nous pourrions poursuivre cette liste d'exemples dans les strophes suivantes pour montrer qu'Éluard n'emploie pas d'alexandrins d'une façon plate mais qu'il y rajoute une touche personnelle en changeant son rythme habituel.

L'enjambement du premier vers de la troisième strophe est aussi significatif de cela et cette phrase est particulièrement longue dans le but de montrer la durée, la longueur de la période qu'il décrit.

Dans les deux derniers vers, Éluard respecte la structure de l'alexandrin et grâce à cela, la notion d'éternité, de continuité de l'amour subsiste et ressort puisque c'est la note finale.

Malgré tout, si la régularité n'existe pas dans les vers en particulier, une certaine ressemblance est présente puisque chaque strophe est un peu construite de la même façon (coupures des premiers vers, ampleur du dernier).

De plus, certaines résonances contribuent encore à apporter une impression de progression parfois ralentie et surtout une unité du poème par l'emploi du présent, quelle que soit la période de la vie que l'auteur évoque.

Le seul passé composé est entouré d'une négation qui l'annule en quelque sorte.

Les résonances dont je parlais sont sensibles dans chaque texte : « je fête » bien entendu puis « chaleur » et « chaud », « vieillir », « enfants ».

Le dernier texte étant très opposé aux autres, et surtout au précédent, il en est en même temps très différent, c'est pourquoi la résonance y est particulière : « première et dernière ».

Il s'agit plutôt d'une opposition. Nous avons déjà évoqué l'image de la vie avec le déroulement des saisons et l'étude du rythme nous a fait entrevoir son aspect que l'on peut bien sûr approfondir grâce au vocabulaire d'Éluard, si personnel et si caractéristique.

Toute la première strophe évoque le printemps : surtout les adjectifs comme « nouvelles », « les plus jeunes », « fraîche ».

Il s'en dégage toute une atmosphère de bien-être, de renouveau, il y a du mouvement, ce mouvement qui est spécifique à la jeunesse, cet espoir aussi.

La vie n'est pour l'instant qu'un ruisseau (et non une rivière ou un fleuve), elle est donc rapide, gaie, les espoirs s'y forment.

L'espérance est toujours présente dans ce passage par les couleurs, ou plutôt la couleur verte des « feuilles » et de « l'herbe ».

L'été est la suite logique : le « Et » exprime cette suite.

Ici, le sens des couleurs est moins sollicité tandis que l'atmosphère, les sensations s'épanouissent : « chaleur », « chaud » « brûlent ». A noter une progression ascendante de « chaleur » à « brûler » qui confirme l'intensité soulignée à propos du rythme devenant haché.

De plus, les verbes utilisés n'indiquent plus de mouvements : nous arrivons dans une période de jouissance, de plaisir de plus en plus intense : « aimons » associé à « chaleur ».

Tout ceci nous transpose donc l'image de la force de l'âge où les sentiments sont les plus forts (surtout l'amour).

Ils évoluent tellement qu'ils deviennent peut-être trop intenses : « abusent » et « brûlent ».

Ce que j'appelais la force de l'âge va peu à peu vers la vieillesse ; « les fruits » en est le premier signe car ils signifient la récolte, en même temps que la fécondité qui altère la jeunesse, puis le milieu de la vie (surtout pour la femme).

Pour moi, le « soleil » est peut-être l'amour qui est abusé mais non détruit, puisqu'il est rappelé de temps en temps par « courtise », puis éclate de nouveau en pleine lumière, toutefois sous un autre visage L'automne et l'hiver sont évoqués très rapidement, ils sont associés étroitement l'un à l'autre d'une façon originale et pittoresque : l'automne et l'hiver sont deux jeunes gens et cette image est rendue par les mots « courtise » et « vierge ».

« Ardemment » nous rappelle le « soleil » du vers précédent et accélère encore l'arrivée de la vieillesse, accélération continuée par les sonorités en « V » qui donnent une impression de vitesse.

On a coutume de prendre cette image de la vie avec les saisons pour se rassurer, c'est-à-dire comparer la vieillesse à la maturité d'un fruit (ce qui est beau) et ne pas constater que la vieillesse est l'approche de la mort.

Mais Éluard détruit cette croyance en continuant l'image d'une façon plus appliquée.

Il constate que l'automne est bien le fruit qui mûrit mais l'hiver n'apporte que des négations (cf.

« vierge »). Il détruit donc cette impression rassurante que l'on avait l'habitude de se former et cela, d'une façon sèche par « l'homme ne mûrit pas, il vieillit ».

Il a donc continué l'image jusqu'au bout et c'est en cela que le thème qu'il reprend ne nous paraît pas commun, parce qu'il le transforme. L'image de la vie qu'il a donc développée s'accompagne de cruauté, de réalisme ironique, un peu sadique.

C'est un des points qui opposent les deux dernières strophes.

Nous allons nous attacher à démontrer combien ces deux derniers tercets sont totalement différents et contribuent à une poésie d'autant plus vraie et percutante.

J'ai tout d'abord parlé du ton cruel et ironique de ce premier tercet : « vieillit » surtout en est l'artisan car c'est un mot que l'on a souvent peur d'employer et qu'Éluard utilise plusieurs fois sans aucun égard, de même « mort ».

Par contre la dernière strophe est écrite sur un ton doux, reconnaissant, parfois admiratif : « illuminer », « amour », « belle ».

Les sonorités en « ll » donnent une musique à la fois lente, apaisante, qui soulage après la souffrance que s'est causée l'auteur du fait même de sa cruauté.

Et puis « lle » est une sonorité féminine par excellence.

D'autres oppositions sont visibles ; « l'homme » peut être compris dans le sens général et l'on peut opposer à cela l'attribution spécifique du dernier tercet à une. »

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