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MALHERBE: Prière pour le Roi Henri le Grand, allant en Limousin

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MALHERBE: Prière pour le Roi Henri le Grand, allant en Limousin Ô Dieu, dont les bontés de nos larmes touchées Ont aux vaines fureurs les armes arrachées, Et rangé l'insolence aux pieds de la raison, Puisqu'à rien d'imparfait ta louange n'aspire, Achève ton ouvrage au bien de cet empire, Et nous rends l'embonpoint comme la guérison. Nous sommes sous un roi si vaillant et si sage, Et qui si dignement a fait l'apprentissage De toutes les vertus propres à commander, Qu'il semble que cet heur nous impose silence, Et qu'assurés par lui de toute violence, Nous n'ayons pas sujet de te rien demander. Certes quiconque a vu pleuvoir dessus nos têtes Les funestes éclats des plus grandes tempêtes Qu'excitèrent jamais deux contraires partis, Et n'en voit aujourd'hui nulle marque paroître, En ce miracle seul il peut assez connoître Quelle force a la main qui nous a garantis. La terreur de son nom rendra nos villes fortes, On n'en gardera plus ni les murs ni les portes, Les veilles cesseront aux sommets de nos tours : Le fer mieux employé cultivera la terre, Et le peuple qui tremble aux frayeurs de la guerre, Si ce n'est pour danser n'orra plus de tambours. Tu nous rendras alors nos douces destinées : Nous ne reverrons plus ces fâcheuses années, Qui pour les plus heureux n'ont produit que des pleurs : Toute sorte de biens comblera nos familles, La moisson de nos champs lassera les faucilles, Et les fruits passeront la promesse des fleurs.

« Localisation du morceau. Cette poésie est une œuvre de circonstance.

Elle a été composée pu Malherbe h la demande du roi Henri IV qui allait partir (septembre pour le Limousin, où devaient se tenir les Grands Jours.

Malherbe, alors âgé de cinquante ans, venait d'arriver à Paris et fut présenté à la cour par un de ses amis, le poète normand Des Yveteaux, mais y était précédé par sa réputation.

On lui propose d'être l'interprête de la nation à l'égard du roi, qui est en train d'accomplir la enivre de restauration de la France, à peine sortie des guerres de religion.

Il s'agit de lui apporter l'assurance du loyalisme de ses sujets.

L'occasion ? Le roi va ouvrir les assises solennelles des Grands Jours.

Les Grands Jours étaient un tribunal extraordinaire de justice destiné à juger dans les provinces les affaires criminelles.

Par les temps troublés comme ceux que la France venait de traverser, beaucoup de criminels, et souvent très haut placés, avaient échappé aux poursuites des tribunaux ordinaires et avaient pu se targuer de l'impunité.

Il fallait frapper ces coupables, pour rétablir la paix intérieure et affirmer l'autorité royale à travers tout le royaume. Les vers de Malherbe furent offerts au roi à son retour du Limousin, et publiés en 1607.

Il sera désormais le poète officiel, il le demeurera sous Louis XIII {Pour le roi allant châtier les Rochelois). Le thème et ses développements. Pour bien étudier ce morceau, il est nécessaire de se reporter au texte complet, dont ces strophes sont extraites. C'est une prière à Dieu pour le Roi, en voici l'argument en bref : Malherbe prie Dieu « d'achever son ouvrage » : pacification et restauration de la France déchirée et malheureuse.

Cette œuvre s'accomplira par le roi « vaillant et sage », véritable chef, « digne de commander ».

Souvenir des « tempêtes passées ».

Un vrai « miracle » a pu les apaiser par « la force de sa main ».

Mais tous les dangers n'ont pas disparu, des craintes subsistent, « l'hydre de la rébellion », hélas! est féconde...

Que Dieu conseille le roi pour que le retour de nos malheurs soit évité.

La protection de Dieu est plus efficace que « le nombre des armées ».

C'est la justice royale, « la rigueur des lois » qui maintiendra l'ordre, affirmera l'autorité d'Henri IV.

La France pourra alors cesser d'être sur le pied de guerre, elle se livrera aux travaux de la paix, pourra se réjouir; l'abondance et la prospérité succéderont aux « fâcheuses années ».

Longue vie au roi, le meilleur que la bonté de Dieu nous ait jamais donné! Une impression se dégage de l'ensemble : un double sentiment qui, au fond, n'en fait qu'un : sentiment religieux et sentiment monarchique vont présider à la restauration du pays : foi en Dieu qui protège le roi, qui aime et bénit la France; confiance dans ce roi dont la sage autorité sera la sauvegarde et l'espoir de son peuple.

Malherbe interprète ici très exactement les dispositions de notre pays sous Henri IV, le poète officiel est bien en même temps le poète national, porte-parole de tous les bons Français. Explication littérale. * 1re strophe : mots à expliquer : vaines fureurs : celles des hérétiques, dont l'insolence (équivalent d'audace) s'est opposée à la raison (saine doctrine et sage politique représentées par l'autorité religieuse et le pouvoir royal). ont...

les armes arrachées, remarquer l'accord du participe avec son complément d'objet direct, ce complément étant placé 'avant, par une inversion que permettait la syntaxe du XVIIe siècle, exemple « Le centième décembre a les plaines ternies » (Malherbe).

« Quand les tièdes zéphyrs ont l'herbe rajeunie.

» (La Fontaine.) l'embonpoint : le bon état, la prospérité. Malherbe énonce dans cette première strophe le thème général du morceau : Que Dieu, qui a déjà permis la pacification de la France, la guérisse de ses maux et aide le roi à réaliser sa restauration. * 2e strophe : heur, sort favorable (latin : augurium).

Aujourd'hui, deux formes composées diversifient le sens de heur : bonheur, malheur, mais nous avons conservé l'adjectif : heureux. assurés de : nous dirions aujourd'hui : assurés contre.

Cette strophe fait du roi un double éloge : il est vaillant dans la guerre, il est sage, habile politique dans la paix.

Henri IV fut, en effet, un des rares rois de France qui eut au même degré les qualités militaires et politiques.

Son apprentissage du commandement se fit sur les champs de bataille, comme dans les complications, les intrigues, les dissensions civiles au milieu desquelles il dut manœuvrer pour arriver au pouvoir.

La fin de la strophe introduit l'idée qu'il reste encore quelque chose à demander à Dieu, car toute crainte n'est pas écartée pour l'avenir. * 3e strophe : dessus nos têtes : l'adverbe, souvent mis à la place de la préposition sur, dans la langue classique. deux contraires partis : catholiques et huguenots, puis la Ligue, luttant contre Henri de Navarre.

Divisions qui se multiplient dans la dernière phase des guerres de religion, créant une situation inextricable ; comment en sortir sans un « miracle » ? C'est par « la force de sa main » qu'Henri IV a sauvé la France. * 4e strophe : rendra nos villes fortes : littéralement : remplacera les fortifications, nul ennemi n'osant plus les assaillir. Veilles...

il n'y aura plus besoin de veilleurs au sommet des tours...

Le fer mieux employé qu'à forger des armes, cultivera la terre avec la charrue.

N'orra plus de tambours : n'entendra (futur du verbe ouïr, que nous retrouvons dans le Cid : « Mon sang criera vengeance et je ne l'orrai pas »).

Le poète ouvre les heureuses perspectives de la sécurité restaurée ; les travaux de la paix succéderont à ceux de la guerre; l'agriculture, pour laquelle Henri IV et Sully montrèrent tant de sollicitude, parce qu'elle est la première nécessité d'un pays à reconstruire, commencera l'œuvre de rénovation.

Le peuple pourra se réjouir : plus de tambours guerriers, mais les tambourins qui feront danser sur les places des villages le bon peuple de France ! * 5e strophe : nos douces destinées.

La France semble, par sa situation géographique, ses ressources, les qualités de sa race, faite pour un destin heureux.

(« France, belle contrée, terre généreuse...

» dira André Chénier dans l'Hymne à la France.) Fâcheuses années, le mot est plus fort dans la langue classique que de nos jours.

Toute sorte de biens comblera :. »

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