Le lyrisme de MUSSET
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SON LYRISME
Les premières oeuvres de Musset révèlent une sensibilité très vive, qui s'épanche en jeux d'esprit.
La verve du jeune poète met à profit
toutes les ressources du romantisme : décors pittoresques (l'Espagne, l'Italie, plus rarement le moyen âge), passions frénétiques,
thèmes ossianiques ou byroniens, versification tourmentée.
Il s'amuse de ses propres excès, qui vont jusqu'à la parodie.
Toutefois
cette désinvolture juvénile trahit ce qui deviendra bientôt le drame de Musset : le conflit de l'idéal et des jouissances vulgaires.
L'influence de George Sand le convertit au lyrisme pathétique.
Il prend au sérieux les grands sentiments, auxquels jusqu'alors il ne
croyait guère.
Le ton devient d'une éloquence passionnée.
Pourtant, bien qu'il suive, selon la doctrine qu'il a toujours professée,
l'inspiration de son propre coeur, il n'est guère prodigue de confidences circonstanciées.
Il brouille les pistes.
Dans Les Nuits, il mêle au
souvenir de George Sand d'autres souvenirs amoureux, lointains ou récents.
Le sentiment et l'idée le préoccupent plus que l'anecdote.
Son analyse prend ainsi un caractère général, qui l'apparente à l'art classique.
Une fois passée cette crise intellectuelle, qui déborde la crise sentimentale, il revient à une manière plus détendue.
Lorsqu'il
complimente une jolie femme, lorsqu'il se laisse aller à sa rêverie, lorsqu'un événement fortuit vient secouer son indifférence, il
retrouve sa fantaisie d'autrefois, mais sous une forme moins éclatante.
Au cours de cette période, d'ailleurs peu féconde, son goût pour
la sobriété classique s'accentue.
SON THÉÂTRE
Même diversité dans ses oeuvres dramatiques, écrites presque toutes pour la lecture et non pour la représentation, mais avec un sens
très sûr des techniques de la scène.
Il n'a pas manqué d'être tenté par le drame historique.
André del Sarto , n'est qu'un essai aux
proportions encore modestes, mais où l'action très ramassée se déroule selon un rythme haletant.
Lorenzaccio atteint à la grandeur
shakespearienne.
Toute une époque y est ressuscitée avec ses moeurs, son décor, sa couleur, ses foules.
Ce tableau grouillant de vie
ne vaut pas seulement par son pittoresque, mais par certaines vérités profondes qu'il laisse entrevoir : les ravages du vice, le néant de
l'amour, l'effroi du penseur devant l'action.
Mais les dispositions naturelles du poète et ses habitudes d'esprit le portent plutôt vers un théâtre de fantaisie, qui hésite entre la
comédie et le drame Formule très souple, qui lui a inspiré d'exquis chefs d'oeuvre : Les Caprices de Marianne, Fantasio, On ne badine
pas avec l'amour, Le Chandelier.
Dans un décor le plus souvent factice, se meuvent des personnages idéalement gracieux, amants
pleins d'audace, jeunes filles ou femmes ni trop pudiques, ni trop coquettes et d'amusants fantoches.
Ils tiennent de poétiques propos.
Derrière cette fantaisie, les passions restent ardentes et vraies.
Les caractères se révèlent dans la riche complexité de leur nature faite
d'élans, de velléités, de contradictions, de mensonges.
Il en est que l'auteur a peints avec une complaisance extrême : Marianne,
Fantasio, Perdican, Jacqueline, Fortunio.
Les pièces écrites par Musset à partir de 1836 sont d'une qualité moins haute.
Elles se rattachent pour la plupart à un genre littéraire
illustré au XVIIIe siècle par Carmontelle et encore prisé à l'époque romantique, le proverbe, comédie de salon, qui consiste à faire
deviner ou à illustrer un proverbe.
Les proverbes de Musset mettent en scène, non sans l'idéaliser, la bonne société du temps, et se
développent autour d'une légère intrigue d'amour, dans une atmosphère de marivaudage.
SON OEUVRE DE CONTEUR
Très conscient de ses dons poétiques, Musset manifesta parfois quelque dédain pour la prose.
Il voulut pourtant consacrer un roman à
l'histoire de ses amours avec George Sand.
C'est une oeuvre souvent grandiloquente, où le narrateur ne craint pas de se rabaisser luimême, pour mieux exalter sa maîtresse.
La Confession a une autre signification, plus large : ce libertin, qui s'analyse avec tant de
pénétration, rattache son cas au désarroi intellectuel et moral de sa génération, et par là il définit le mal du siècle.
A partir de 1837, Musset se mit à composer également des nouvelles.
Elles sont agréables et spirituelles, rédigées dans un style très
pur, mais elles manquent de vigueur.
C'est un travail qu'il faisait sans joie.
Soi" talent y donne des signes d 'essoufflement.
Il a
beaucoup réfléchi sur les conditions de son art.
• SES CONCEPTIONS LITTÉRAIRES
La faculté créatrice lui paraît dépendre de l'intensité du sentiment.
Tous les excès se justifient, du moment qu'ils aboutissent à une
sorte d'ivresse poétique.
Le vrai poète ne fait que traduire aussi directement que possible les émotions qu'il ressent.
La souffrance
devient donc un principe de poésie, ce qui la rend précieuse.
Pour ne pas perdre le contact avec sa propre émotion, Musset se refuse
au travail minutieux du style.
Il n'a que mépris pour le versificateur laborieux, qui « rature et barbouille ».
Du moins, n'a-t-il jamais
douté des bienfaits de la culture.
Il est fier de sa formation classique.
Il a subi l'imprégnation de ses lectures à tel point que l'utilisation
qu'il en fait, est toute naturelle, à peine consciente.
Il place au-dessus de tout le don poétique.
Il a conscience de posséder ce don.
« Il m'est permis, dit-il, de m'exprimer dans une langue
que le premier venu ne parle pas.
» Il trouve sans peine la formule la plus heureuse, le rythme le mieux approprié.
Son style fourmille
d'images neuves et hardies, charmantes ou cocasses.
C e renouvellement perpétuel des idées et des images a quelque chose
d'éblouissant, mais il en résulte parfois des incohérences et des obscurités.
Il a traversé deux crises romantiques.
En 1829 et 183o, il a lutté avec ses amis du Cénacle pour l'idéal littéraire nouveau.
Lorsqu'il a vu
que le romantisme prenait figure de dogme intolérant, il s'en est dégagé.
En 1833 et 1834, George Sand l'a ramené au romantisme
conçu non plus comme une doctrine d'école, mais comme une philosophie et une esthétique du sentiment.
Le reste du temps, s'il a été
romantique, ce n'est pas en vertu d'une théorie, mais par le fait de son tempérament passionné, excessif et à certains égards
désespéré.
Pourtant son intelligence est classique.
Il a le goût des idées claires, une sorte de discrétion aristocratique, le souci de la vérité
humaine, le respect de la tradition littéraire.
La beauté antique le ravit.
Régnier, Molière, La Fontaine, Racine, Chénier comptent parmi
ses maîtres favoris.
En 1838, à une époque où d'ailleurs il est amoureux de la jeune tragédienne Rachel, il envisage avec faveur une
renaissance de la tragédie, dont les règles lui semblent non des entraves, mais « des armes, des recettes, des leviers ».
Par indépendance d'esprit, par horreur du dogmatisme, par orgueil peut-être, il n'a jamais consenti à se ranger de façon définitive dans
l'un ou l'autre des deux camps.
Littérairement il a été très seul.
Sa carrière en a certainement souffert..
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