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Alfred de MUSSET (1810-1857) (Recueil : Poésies complémentaires) - Un rêve

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Alfred de MUSSET (1810-1857) (Recueil : Poésies complémentaires) - Un rêve Ballade La corde nue et maigre, Grelottant sous le froid Beffroi, Criait d'une voix aigre Qu'on oublie au couvent L'Avent. Moines autour d'un cierge, Le front sur le pavé Lavé, Par décence, à la Vierge Tenaient leurs gros péchés Cachés ; Et moi, dans mon alcôve, Je ne songeais à rien De bien ; La lune ronde et chauve M'observait avec soin De loin ; Et ma pensée agile, S'en allant par degré, Au gré De mon cerveau fragile, Autour de mon chevet Rêvait. - Ma marquise au pied leste ! Qui ses yeux noirs verra, Dira Qu'un ange, ombre céleste, Des choeurs de Jéhova S'en va ! Quand la harpe plaintive Meurt en airs languissants, Je sens, De ma marquise vive, Le lointain souvenir Venir ! Marquise, une merveille, C'est de te voir valser, Passer, Courir comme une abeille Qui va cherchant les pleurs Des fleurs ! Ô souris-moi, marquise ! Car je vais, à te voir, Savoir Si l'amour t'a conquise, Au signal que me doit Ton doigt. Dieu ! si ton oeil complice S'était de mon côté Jeté ! S'il tombait au calice Une goutte de miel Du ciel ! Viens, faisons une histoire De ce triste roman Qui ment ! Laisse, en tes bras d'ivoire, Mon âme te chérir, Mourir ! Et que, l'aube venue, Troublant notre sommeil Vermeil, Sur ton épaule nue Se trouve encor demain Ma main ! Et ma pensée agile, S'en allant par degré Au gré De mon cerveau fragile, Autour de mon chevet Rêvait ! - Vois-tu, vois-tu, mon ange, Ce nain qui sur mon pied S'assied ! Sa bouche (oh ! c'est étrange !) A chaque mot qu'il dit Grandit. Vois-tu ces scarabées Qui tournent en croissant, Froissant Leurs ailes recourbées Aux ailes d'or des longs Frelons ? - Non, rien ; non, c'est une ombre Qui de mon fol esprit Se rit, C'est le feuillage sombre, Sur le coin du mur blanc Tremblant. - Vois-tu ce moine triste, Là, tout près de mon lit, Qui lit ? Il dit : " Dieu vous assiste ! " A quelque condamné Damné ! - Moi, trois fois sur la roue M'a, le bourreau masqué, Marqué, Et j'eus l'os de la joue Par un coup mal visé Brisé. - Non, non, ce sont les nonnes Se parlant au matin Latin ; Priez pour moi, mignonnes, Qui mon rêve trouvais Mauvais. - Reviens, oh ! qui t'empêche, Toi, que le soir, longtemps, J'attends ! Oh ! ta tête se sèche, Ton col s'allonge, étroit Et froid ! Otez-moi de ma couche Ce cadavre qui sent Le sang ! Otez-moi cette bouche Et ce baiser de mort, Qui mord ! - Mes amis, j'ai la fièvre, Et minuit, dans les noirs Manoirs, Bêlant comme une chèvre, Chasse les hiboux roux Des trous.

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