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Le déclin du romantisme

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On peut fixer raisonnablement la fin de la mode romantique en France vers 1840. C'est l'année de la publication des Rayons et les Ombres, qui contenait un des plus grands poèmes romantiques, la Tristesse d'Olympio. Mais, en 1843, c'est la chute des Burgraves et le triomphe de la Lucrèce de Ronsard. C'est la fin du romantisme au théâtre. Il est vrai que ce qui lui succéda était un classicisme bien plus faux encore que le romantisme déjà vieilli et artificiel. On a écrit que le 7 mars 1843 a été le Waterloo du romantisme puisque les Burgraves furent sifflés. Peut-être plus significatif encore est le long silence de Hugo entre 1843 et 1853. En 1853, il y aura les Châtiments et en 1856 les Contemplations. Mais dans les Châtiments comme dans les Contemplations il y a bien autre chose que du romantisme. Il y a cependant beaucoup de romantisme, et peut-être même que l'essentiel est romantique, mais ce n'est plus le romantisme qui allait tout emporter entre 1820 et 1830. De même chez les grands écrivains de la période, Gérard de Nerval, Baudelaire, Emily Brontë et sa soeur Charlotte, les Browning, entre 1840 et 1880, l'essentiel du romantisme existe toujours, mais parfois déguisé, et la forme est tout à fait changée.

« Le déclin du romantisme On peut fixer raisonnablement la fin de la mode romantique en France vers 1840.

C'est l'année de la publication des Rayons et les Ombres, qui contenait un des plus grands poèmes romantiques, la Tristesse d'Olympio.

Mais, en 1843, c'est la chute des Burgraves et le triomphe de la Lucrèce de Ronsard.

C'est la fin du romantisme au théâtre.

Il est vrai que ce qui lui succéda était un classicisme bien plus faux encore que le romantisme déjà vieilli et artificiel.

On a écrit que le 7 mars 1843 a été le Waterloo du romantisme puisque les Burgraves furent sifflés.

Peut-être plus significatif encore est le long silence de Hugo entre 1843 et 1853. En 1853, il y aura les Châtiments et en 1856 les Contemplations.

Mais dans les Châtiments comme dans les Contemplations il y a bien autre chose que du romantisme.

Il y a cependant beaucoup de romantisme, et peut-être même que l'essentiel est romantique, mais ce n'est plus le romantisme qui allait tout emporter entre 1820 et 1830. De même chez les grands écrivains de la période, Gérard de Nerval, Baudelaire, Emily Brontë et sa soeur Charlotte, les Browning, entre 1840 et 1880, l'essentiel du romantisme existe toujours, mais parfois déguisé, et la forme est tout à fait changée. Pourquoi une mode littéraire finit-elle ? Il est très probable que la raison est à la fois très profonde et très superficielle.

C'est que le public se fatigue à la fois de certains sujets et de certaines formes d'art, et veut à tout prix du nouveau, ce que Baudelaire a très simplement exprimé : Il me faut du nouveau, n'en fût-il plus au monde. Le public de 1840 a, en effet, assez du romantisme.

Remarquons d'ailleurs que les vrais classiques en France, depuis le Cid en 1636, jusqu'à Phèdre en 1677, n'avaient duré que deux générations.

En Europe, on peut considérer que le XVIIIe siècle est déjà tout miné par le préromantisme.

Les Français, d'ailleurs, étaient en retard pour la mode romantique, car en Europe le romantisme commence avec Blake vers 1790 et n'existe plus guère après la mort de Byron.

Goethe vieillissant n'est déjà plus romantique.

Le romantisme français est une survivance, mais la réputation des Français devint telle qu'ils donnèrent le change encore pendant vingt ans.

En fait, les Français n'ont pas vraiment été romantiques.

Lamartine, le plus pur romantique de tous, peut-être le seul véritable romantique par le sentiment, est extrêmement classique dans sa forme et dans ses idées.

Il est souvent une sorte de Boileau redevenu jeune, passionné et vivant.

Victor Hugo, lui-même, n'est romantique que parce que c'est la mentalité à la mode.

En son âme, il est épique, cynique et plutôt réaliste.

Ses sentiments sont plutôt de la rhétorique que du coeur.

Même sur la mort de sa fille, il est plutôt déclamateur que sentimental (cela ne diminue en rien, d'ailleurs, la grandeur de sa poésie : Shakespeare, lui-même, est presque entièrement déclamateur).

Il faut dire, d'ailleurs, que le terrain français, de 1820 à 1840, était extrêmement défavorable au romantisme.

Cette époque s'est exprimée au mieux dans la devise que lui a donnée Louis-Philippe : " Enrichissez-vous.

" Les grands poètes romantiques, Lamartine et Hugo, ont gagné des fortunes considérables dans la poésie.

Balzac, dans Illusions perdues, dépeint par le détail l'affaire que fut le romantisme.

Même dans la vie privée et les amours des poètes, le côté sordide n'est que trop apparent.

Pour ce manque d'harmonie entre la grande littérature et l'époque, il ne faut pas blâmer les romantiques.

Les classiques étaient dans une situation semblable.

Le règne de la raison n'a jamais existé dans les faits du XVIIe siècle.

La Fronde est une complète absurdité.

La conduite de La Rochefoucauld se lançant dans la guerre civile pour faire plaisir à une femme dont il était amoureux est d'un romantisme excessif, ainsi que ses deux abominables vers préservés par Voltaire : Pour mériter son coeur, pour plaire à ses beaux yeux, J'ai fait la guerre aux rois, je l'aurais faite aux dieux. La mentalité de la France entre 1630 et 1670 était infiniment plus romantique qu'entre 1820 et 1840.

Ainsi la littérature d'une période n'est ni entièrement parallèle aux sentiments dominants dans cette période ni non plus, évidemment, opposée aux tendances privées.

C'est pour cela qu'il y a du romantisme dans Racine et du cynisme dans Victor Hugo.

Mais cela aide à comprendre aussi pourquoi les modes littéraires ne peuvent pas durer.

Ce ne sont pas seulement la satiété et l'ennui qui se révoltent, ce sont aussi des sentiments plus profonds négligés pendant quelque temps.

Mais les âmes poétiques ne se laissent pas si facilement opprimer par leur période.

Aussi, l'époque que nous appelons ici la fin du romantisme contient-elle quelques-unes des plus belles manifestations littéraires du romantisme, et non seulement littéraire.

L'idéal de l'amour romantique, idéal de félicité entre un homme et une femme qui ont défié les conventions sociales et appartiennent l'un à l'autre pour l'éternité, n'a jamais été atteint par les romantiques eux-mêmes.

Les amours de Musset et de George Sand ont bien mal fini.

La grande aventure romantique de Mme d'Agoult et Liszt, bien plus mal encore.

Les amours de Victor Hugo sont des catastrophes : son grand mariage romantique tourne très mal après 1830 ; sa passion romantique avec Juliette Drouet vint échouer dans l'épisode de Mme Biard, et la plus grande partie de la vie d'Olympio est remplie d'aventures qui n'ont absolument rien de romanesque.

Les Chansons des Rues et des Bois en font d'ailleurs un aveu clair.

Mais voilà que la réussite de l'amour romantique est obtenue dans cette fin du romantisme, et peut-être pour la seule fois : ce sont les Browning qui défient les conventions sociales, qui s'enfuient de Londres en Italie, qui réalisent l'idéal de la fidélité parfaite et de l'amour éternel sans une tache, sans une faute, sans une aventure, du commencement jusqu'à la mort. Il est curieux, en un sens, et naturel dans un autre, que la réussite d'un idéal, comme chez les Browning, coïncide dans le temps avec la banqueroute de cet idéal, comme chez Baudelaire.

Il est évident que la perfection d'une forme d'art rend impossible toute nouvelle tentative dans cette forme : on se trouve alors en présence d'imitations. »

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