La fin du siècle
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La fin du siècle
La fin siècle commence en 1885, à la mort de Victor Hugo.
Date importante : la même année, Mallarmé ouvre aux jeunes poètes sa salle à manger de
la rue de Rome, et Edmond de Goncourt, aux jeunes romanciers, son Grenier d'Auteuil.
Certes, les cénacles n'avaient pas attendu 1885 pour
s'affirmer en tant que foyer d'activité novatrice.
Depuis l'hôtel de Rambouillet si l'on fait abstraction des cours d'amour les poètes avaient
toujours éprouvé le besoin de s'assembler pour échanger des idées, réciter leurs vers et se faire admirer les uns des autres.
A l'époque romantique,
il y avait eu le cénacle de la Muse française, celui de la rue Notre-Dame-des-Champs et celui de la rue du Doyenné, plus tard celui de la rue des
Canettes et de la rue Hautefeuille, plus tard encore celui du passage Choiseul.
On peut soutenir cependant qu'en 1885 s'est ouverte une ère
nouvelle destinée à finir quarante ans plus tard par le triomphe de la N.R.F.
et de la littérature non-conformiste.
Pourquoi donc l'esprit de cénacle, de chapelle, s'exaspéra-t-il à la fin du XIXe siècle ? Sans doute parce qu'à ce moment s'aggrava la séparation
d'une littérature toujours plus quintessenciée et d'une société bourgeoise toujours plus matérialiste et jouisseuse.
Le règne des poètes avait pris
fin avant la mort de Hugo, avant même celle de Lamartine.
Dès le second EmpireP5T04 avait commencé celui des romanciers.
A la littérature
poétique avait succédé la littérature d'observation à prétentions scientifiques.
Il était naturel que, perdant de plus en plus l'audience du public, les
poètes cherchassent une revanche au sein de leur propre confrérie.
La Rive gauche poétique prit corps et conscience dans les cafés du Quartier
latin, cependant que Montmartre voyait commencer son règne au Chat Noir dont l'installation rue de Laval date, comme le Grenier d'Auteuil et la
salle à manger de Mallarmé, de cette même fatidique année 1885.
Dès lors, la géographie littéraire de Paris peut se décrire de la façon suivante : l'Académie et ses salons dont, à l'époque parnassienne, la
souveraineté était restée incontestée, le Boulevard dont la décadence ne devait pas tarder à se précipiter, le milieu naturaliste, et enfin la bohème,
c'est-à-dire Montmartre et la Rive gauche où VerlaineL230 n'allait pas tarder à connaître la célébrité.
A l'Académie, la poésie, c'était Sully PrudhommeL1875, François CoppéeL1239, Théodore de BanvilleL1066, Leconte de LisleL1536, HerediaL1439 ;
c'était le ParnasseKW147, en somme.
Le roman, c'était Octave FeuilletL1336, Victor CherbuliezL1215, Paul BourgetL1141, Pierre LotiL1556, Anatole
FranceL078, André TheurietL1901 ; la critique, c'était Désiré NisardL1652, TaineL216, BrunetièreL1161, Jules LemaitreL1539, Émile FaguetL1325 ; le
théâtre, Henri de BornierL1131, Victorien SardouL1805, MeilhacL1607 et HalévyL1426, Dumas filsL1302, LabicheL1517, AugierL1053,
PailleronL1676.
L'histoire : RenanL180, Albert SorelL1850, Henry HoussayeL1452, HanotauxL1428...
L'Académie représentait à la fin du siècle une
puissance dont ces noms ne peuvent malheureusement plus donner l'idée.
Cinq poètes à l'Académie ! Que l'on compare ce nombre aux poètes
académiciens d'aujourd'hui et l'on mesurera l'importance sociale qu'a perdue la poésie.
Le nombre des auteurs dramatiques n'est pas moins
caractéristique et l'on peut en dire autant de la critique.
On ne prétend pas que la qualité moyenne ait baissé à l'Académie, mais son recrutement
souffre du malentendu qui ne cesse de s'aggraver entre elle et le public, malentendu provoqué par l'effacement de l'esprit bourgeois et de l'esprit
universitaire dont elle était le rempart.
La bourgeoisie n'a plus de romanciers et la critique universitaire a pratiquement cessé d'exister en tant que
telle.
A la fin du siècle, l'ancien esprit du Boulevard survivait tant bien que mal dans les journauxL155M2 et dans les cafés.
Quelques boulevardiers
plastronnaient encore aux terrasses.
Aurélien SchollL1818 avait pour successeurs MendèsL1610, La JeunesseL1515, CourtelineL1245, Jean de
Bonnefon, Jean LorrainL1555, René MaizeroyL1572, Louis Marsolleau, Jean de Mitty, Alphonse AllaisL1020, Georges Maurevert, sans oublier
Joseph Renaud, arbitre dans toutes les affaires d'honneur alors si nombreuses.
Le Figaro, le Gil BlasL239M2, fondé en 1879, l'Écho de Paris, en 1885, le Journal, en 1892, tenaient un peu le rôle de nos journauxL155M2
littéraires.
L'Affaire DreyfusKW016 fut pour la presse un âge d'or.
La polémique y connut une prospérité sans précédent.
A côté des quotidiens
littéraires, des journauxL155M2 graves à très grand format, le Gaulois, le Temps et les Débats, succursales des grandes revues, touchaient un
public plus sérieux.
Là régnaient la chronique académique et la critique officielle.
Les vedettes du journalisme non politique de la fin du siècle
furent, outre ceux que nous avons déjà dits, Jules ClaretieL1227, Adolphe BrissonL1153, François CoppéeL1239, Octave MirbeauL1621, Alfred
CapusL1185, Léon DaudetL1263, Octave UzanneL1932, Armand SilvestreL1837, SéverineL1829, Émile BergeratL1101, Paul AdamL1003, Pierre
MilleL1618, etc.
Tous n'étaient pas des boulevardiers, mais tous se rencontraient sur le boulevard, lieu géométrique de ce qui subsistait de la
légèreté légendaire de Paris.
Paul BourgetL1141 était le peintre attitré de la mondaine fin de siècle.
Dans ses premiers romans, il démontait, avec une minutie non exempte de
lourdeur et de pédanterie, états d'âme et sentiments.
En 1889, année où BarrèsL1074 publia Un homme libre, le Disciple souleva une grande
discussion sur la responsabilité intellectuelle ; le déterminisme de TaineL216 y était visé.
Cependant, en 1894, Bourget était encore tenu pour un
esprit inquiétant.
Le roman bourgeois gardait à l'Académie des représentants qualifiés et elle en recrutait qui s'annonçaient capables de prolonger et même de
renouveler le genre.
A côté de Bourget, imbu de la tradition de BalzacL011 et de StendhalL209, Anatole FranceL078 incarnait le classicisme élégant
et délié, l'humanisme, l'épicurisme, le scepticisme renanien.
Son roman le plus accompli, le Lys rouge, évoque l'existence oisive, saturée d'art, des
privilégiés de ce temps-là, de même que les romans de Bourget de la première époque nous permettent de reconstituer les complications
sentimentales où s'exténuait délicieusement le coeur des belles comtesses.
MaupassantL133 s'était rallié à l'école psychologique et mondaine ; il rivalisait de faveur avec Paul BourgetL1141 dans les salons israélites et
aristocratiques du faubourg Saint-Honoré, mais sa vraie vie était ailleurs : au bon soleil, sur l'eau, et le fait est qu'il voyagea beaucoup.
De 1885,
année de Bel-AmiL133C, datait son entrée dans la grande notoriété parisienne.
L'abus de l'amour et des stupéfiants acheva de détraquer son
tempérament déjà taré.
Il mourut en 1893 après avoir en quinze ans parcouru une carrière et réalisé une oeuvre qu'un autre n'aurait pu accomplir en
trente ans.
Il a été le type de l'écrivain aimé des femmes que, depuis les romantiques, poètes et romanciers ont presque tous rêvé d'être et dont
l'exemple a déterminé bien des vocations vraies ou fausses.
Il y eut en cette fin de siècle une obsession de l'amour et de la femme qui, dans la
littérature et dans l'art, devait durer jusqu'aux approches de la Première Guerre mondiale.
MaupassantL133 venait du naturalisme.
GoncourtL1391 l'avait mis sur la liste de sa future Académie, puis l'en avait rayé comme impur.
On n'aimait.
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