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Corneille, L'Illusion comique, Acte III, scène 6.

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Corneille, L'Illusion comique, Acte III, scène 6. LYSE. L'ingrat ! Il trouve enfin mon visage charmant, Et pour se divertir il contrefait l'amant ! Qui néglige mes feux m'aime par raillerie, Me prend pour le jouet de sa galanterie, Et par un libre aveu de me voler sa foi, Me jure qu'il m'adore, et ne veut point de moi. Aime en tous lieux, perfide, et partage ton âme ; Choisis qui tu voudras pour maîtresse ou pour femme ; Donne à tes intérêts à ménager tes voeux ; Mais ne crois plus tromper aucune de nous deux. Isabelle vaut mieux qu'un amour politique, Et je vaux mieux qu'un coeur où cet amour s'applique. J'ai raillé comme toi, mais c'était seulement Pour ne t'avertir pas de mon ressentiment. Qu'eût produit son éclat, que de la défiance ? Qui cache sa colère assure sa vengeance ; Et ma feinte douceur prépare beaucoup mieux Ce piège où tu vas choir, et bientôt, à mes yeux. Toutefois qu'as-tu fait qui te rende coupable ? Pour chercher sa fortune est-on si punissable ? Tu m'aimes, mais le bien te fait être inconstant : Au siècle où nous vivons, qui n'en ferait autant ? Oublions des mépris où par force il s'excite, Et laissons-le jouir du bonheur qu'il mérite. S'il m'aime, il se punit en m'osant dédaigner, Et si je l'aime encor, je le dois épargner. Dieux ! à quoi me réduit ma folle inquiétude, De vouloir faire grâce à tant d'ingratitude ? Digne soif de vengeance, à quoi m'exposez-vous, De laisser affaiblir un si juste courroux ? Il m'aime, et de mes yeux je m'en vois méprisée ! Je l'aime, et ne lui sers que d'objet de risée ! Silence, amour, silence : il est temps de punir ; J'en ai donné ma foi : laisse-moi la tenir. Puisque ton faux espoir ne fait qu'aigrir ma peine, Fais céder tes douceurs à celles de la haine : Il est temps qu'en mon coeur elle règne à son tour, Et l'amour outragé ne doit plus être amour.

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