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Commentez et discutez cette affirmation de Montesquieu : « j'aime les paysans ; ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers »

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Pascal a consacré maintes réflexions dans ses Pensées aux « puissances trompeuses» qui l'accompagnent immanquablement. L'imagination, la coutume, l'amour-propre sont autant de principes d'erreur qui viennent fausser notre jugement. Les passions et l'intérêt s'y ajoutent : « Plaisante raison qu'un vent manie, et à tous sens ! » Aussi est-il nécessaire de compléter l'expérience directe de la vie par une instruction méthodique et rigoureuse. Les détracteurs d'une formation purement livresque que nous citions plus haut ont été eux-mêmes de grands lecteurs. Gargantua doit s'initier à toutes les sciences pratiquées de son temps et deviendra un érudit ; Montaigne insiste dans son chapitre « De l'Institution des enfants» sur le rôle important du maître; Emile doit éveiller sa curiosité à tous les phénomènes de la nature. Une bonne formation intellectuelle obligera l'élève à s'imposer une discipline psychologique. Elle sera un apprentissage de la rigueur, de l'esprit critique et de l'objectivité, qualités sans lesquelles il est vain de parler de raison. Pierre Bayle, peu de temps avant Montesquieu, nous invitait dans ses Pensées sur la Comète à une vigilance incessante à l'égard de l'esprit d'autorité et de la logique apparente : « C'est raisonner pitoyablement que de conclure que deux choses sont l'effet l'une de l'autre de ce qu'elles se suivent constamment l'une l'autre ». Aussi, plus la science progresse, plus il s'avère indispensable d'étendre ses connaissances fondamentales pour comprendre le monde. L'expérience individuelle est beaucoup trop limitée, et l'instruction doit venir la prolonger.

« INTRODUCTION « J'aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers ».

Voilà une affirmation surprenante sous la plume de Montesquieu qui fut à la fois un érudit et un lettré à l'aube d'un siècle avide de connaissances ! Il est intéressant de préciser la signification de cette formule paradoxale qui met sans doute beaucoup moins en cause les résultats d'une authentique formation intellectuelle qu'une certaine catégorie d'«esprits savants». I.

LA FORMULE DE MONTESQUIEU Les paysans tiennent peu de place dans la littérature avant Montesquieu.

Lorsqu'ils y apparaissent, c'est le plus souvent sous des dehors burlesques.

Ils sont stupides, de moeurs grossières, leur langage est cocasse dans les farces médiévales comme Maître Pathelin ou dans les comédies du XVIIe siècle.

Madame de Sévigné les considérait comme des êtres méprisables.

Les seules exceptions peut-être à cette peinture dépréciatrice sont les passages pleins de générosité qu'Agrippa d'Aubigné consacre aux « simples paysans » dans ses Tragiques et le rapide tableau ému que La Bruyère nous trace d'eux dans ses Caractères : « L'on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés de soleil...

» Montesquieu attire particulièrement notre attention sur l'ignorance des paysans.

Il n'y avait pas d'école en effet pour les enfants des familles paysannes au XVIIIe siècle et leur instruction se bornait à une éducation rudimentaire par des parents eux-mêmes ignorants.

L'analphabétisme régnait presque absolument dans les campagnes et les chances de « promotion sociale » étaient nulles. Mais Montesquieu considère ce manque d'instruction comme un avantage.

Les notions apprises dans les écoles faussent le jugement et plus on est savant, plus on a de chances de raisonner de travers.

N'est-ce pas le résultat auquel était parvenu Maître Thubal Holopherne, le précepteur sophiste du jeune Gargantua ? Celui-ci, nous dit Rabelais, était devenu « fou, niais, tout rêveux et rassoté » à force d'apprendre « par coeur et à rebours ». Montaigne s'est élevé lui aussi dans ses Essais contre l'instruction des écoles : « On ne cesse de criailler à nos oreilles comme qui verserait dans un entonnoir », et il conseillait à Diane de Foix de « tirer » de son fils « plutôt un habile homme qu'un homme savant ». Une éducation saine doit donc se limiter à l'expérience d'une vie simple.

La pratique d'un métier manuel, impliquant des relations sans artifices avec autrui, semble forger plus sûrement le bon sens que les arcanes de la science. C'est l'une des raisons qui entraîneront J.-J.

Rousseau à choisir pour son Emile le métier de menuisier, après l'avoir rendu familier dans sa première enfance avec tous les travaux rustiques. Plus qu'aucun autre état, celui de paysan invite à la réflexion et à la méditation, sources de sagesse.

Le contact direct avec la nature enseigne les grandes vérités mieux que n'importe quel livre.

Le villageois Garo du Gland et la Citrouille chez La Fontaine reçoit, seul sous son chêne, une admirable leçon de philosophie.

C'est devant le spectacle de la nuit- qu'Emile apprend l'astronomie.

George Sand, au siècle suivant, vantera dans un roman comme Les Maîtres Sonneurs la richesse d'âme des gens simples de la campagne. Un jugement droit ne doit donc rien à l'instruction.

Descartes posait cette constatation en véritable principe au début de son Discours de la Méthode : « La puissance de bien juger et distinguer le vrai d'avec le faux qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison est naturellement égale en tous les hommes ». II.

CRITIQUE DE CETTE CONCEPTION Elle manque de réalisme Faut-il faire aussi rapidement confiance à notre bon sens naturel ? Dans les faits le manque d'instruction s'accompagne le plus souvent d'un manque de jugement.

Les préjugés, les superstitions et les généralisations hâtives trouvent un terrain d'expansion privilégié parmi les couches ignorantes d'une population.

Balzac dans Le médecin de campagne nous montre les difficultés rencontrées par le docteur Benassis pour lutter contre les préjugés d'une commune rurale.

Zola dans La Terre nous peint la bestialité des hommes de la campagne.

Maupassant dans ses contes nous présente un tableau peu flatteur de l'âme des paysans normands guidés dans leurs actes beaucoup plus par les courtes vues de la cupidité que par le bon sens. C'est que la raison n'est jamais seule en nous.

Pascal a consacré maintes réflexions dans ses Pensées aux « puissances trompeuses» qui l'accompagnent immanquablement.

L'imagination, la coutume, l'amour-propre sont autant de principes d'erreur qui viennent fausser notre jugement.

Les passions et l'intérêt s'y ajoutent : « Plaisante raison qu'un vent manie, et à tous sens ! » Aussi est-il nécessaire de compléter l'expérience directe de la vie par une instruction méthodique et rigoureuse.

Les détracteurs d'une formation purement livresque que nous citions plus haut ont été eux-mêmes de grands lecteurs. Gargantua doit s'initier à toutes les sciences pratiquées de son temps et deviendra un érudit ; Montaigne insiste dans son chapitre « De l'Institution des enfants» sur le rôle important du maître; Emile doit éveiller sa curiosité à tous les phénomènes de la nature. Une bonne formation intellectuelle obligera l'élève à s'imposer une discipline psychologique.

Elle sera un apprentissage de la rigueur, de l'esprit critique et de l'objectivité, qualités sans lesquelles il est vain de parler de raison.

Pierre Bayle, peu de temps avant Montesquieu, nous invitait dans ses Pensées sur la Comète à une vigilance incessante à l'égard de l'esprit d'autorité et de la logique apparente : « C'est raisonner pitoyablement que de conclure que deux choses sont l'effet l'une de l'autre de ce qu'elles se suivent constamment l'une l'autre ».. »

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