Comment Racine fait du sentiment amoureux une passion tragique dans cette seconde scène d'aveu de cette pièce ? (Racine, Phèdre, I, 3 v.269-316)
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Sujet déposé :
Problématique : Comment Racine fait du sentiment amoureux une passion tragique dans cette seconde scène d'aveu
de cette pièce ? (Racine, Phèdre, I, 3 v.269-316)
Introduction :
Dès le début du Vème siècle avant Jésus-Christ, la tragédie apparaît à Athènes.
On la représente dans le cadre des
fêtes de Dionysos qui se déroulaient fin janvier et fin mars.
A l'opposé de la comédie, elle a pour but d'inspirer «
terreur et pitié » au spectateur.
Elle met en scène des personnages de haut rang et se dénoue souvent par la mort
d'un ou de plusieurs personnages.
Les oeuvres d'Eschyle, de Sophocle ou encore d'Euripide, de grands auteurs
tragiques de la Grèce antique, ont été reprises à l'époque Classique.
Les deux dramaturges les plus importants de
cette époque furent Pierre Corneille avec, entre autres, Le Cid écrit en 1637, et Jean Racine.
Ce dernier, protégé de
Louis XIV dès 1663 et historiographe du roi à partir de 1677, écrivit une dizaine de pièces tragiques ayant un succès
croissant d'Andromaque en 1667 en passant par Britannicus en 1669 jusqu'à Phèdre en 1677.
Cette dernière pièce
est l'exemple type de la tragédie au XVIIème.
C'est une tragédie exemplaire.
Dans l'extrait que nous allons étudier,
Phèdre avoue à Oenone, nourrice et confidente de la reine, qu'elle est amoureuse d'Hippolyte son beau-fils et
préfère mourir de honte.
Nous allons observer la passion fatale et irrévocable de Phèdre pour Hippolyte.
Développement en deux parties :
L'extrait étudié de Phèdre confirme le courage du héros tragique accablé par le fatum.
Ici, en l'occurrence, c'est le
cas de Phèdre, une reine lucide.
Durant tout l'extrait, le spectateur perçoit la clairvoyance de la femme de Thésée.
Elle a le sens du devoir malgré sa
passion douloureuse pour Hippolyte.
Phèdre respecte le devoir de son statut avec la belle métaphore v.300 « De son
fatal hymen je cultivais les fruits ».
Même si son titre royal lui assure une certaine tranquillité, v.271 « Mon repos,
mon bonheur semblait être affermi.
» elle est soucieuse de conserver les apparences v.309 « Je voulais en mourant
prendre soin de ma gloire » et v.299 « Soumise à mon époux, e cachant mes ennuis.
» Sa passion qui, pour elle, est
un « crime », un inceste démontre aux spectateurs que Phèdre a une certaine hauteur morale.
Elle traite son beaufils, Hippolyte comme « son plus grand ennemi ».
Ainsi la personnification au vers 272 prend tout son sens « Athènes
me montra mon superbe ennemi.
» Nous venons de traiter le coté lucide de Phèdre, continuons à présent sur son
courage.
Dès le vers 291, sa bravoure pour que sa passion pour Hippolyte ne soit plus qu'un lointain souvenir
s'exprime : « Contre moi-même, enfin, j'osai me révolter : j'excitai mon courage à le persécuter ».
L'aspect vaillant
de la reine réapparaît vers la fin de la tirade v.312 « Je t'ai tout avoué ; je ne me repens pas ».
Elle reconnaît ses
faiblesses : elle a donc une sorte de noblesse d'esprit et d'héroïsme.
Dès la découverte de son incestueuse passion, Phèdre entame une lutte qui va s'avérer vaine et sans succès.
A
partir du vers 279, la femme de Thésée attaque la première phase de son combat contre cette passion qui la
dévore.
Elle s'en remet aux Dieux, v.279 « Par des voeux assidus je crus les détourner ».
Les tournures
hyperboliques suivantes démontrent qu'elle ne lâchera pas prise et qu'elle continuera ses efforts, v.280 à 282 « Je
lui bâtis un temple et pris soin de l'orner […] je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée ».
Phèdre prend
la place du prêtre.
Cela montre sa grande piété religieuse.
La deuxième partie de sa lutte est beaucoup moins noble.
Elle « jou(e) la marâtre » v.294.
Elle endosse le masque de la comédie pour persécuter Hippolyte.
L'exil de celui-ci
est un succès pour Phèdre.
V.294-296 « J'affectai les chagrins d'une injuste marâtre ; […] L'arrachèrent du
sein et du bras paternel.
» Après ce semblant de victoire contre Vénus, Phèdre « coule dans l'innocence ».
Cette
accalmie trompeuse, v.297 « Je respirais Oenone ; » laisse place à l'annonce de Thésée.
Il décide de retourner à
Trézène, là où vit son fils à la suite de l'exil, v.302-304 « Par mon époux lui-même à Trézène amenée […] Ma
blessure trop vite aussitôt a saigné.
» Les triomphes illusoires et les échecs à répétition de Phèdre face à Vénus
l'amènent vers un suicide déguisé mais qui n'aura pas lieu comme on le verra par la suite.
Pour Phèdre, cette tirade a pour but de justifier sa conduite auprès d'Oenone.
Dès le vers 311, elle demande à sa
nourrice de la laisser mourir en paix.
« Je n'ai pu soutenir tes larmes, tes combats […] Un reste de chaleur
tout prêt à s'exhaler.
».
Elle sait que son ennemie est plus forte qu'elle : pour Phèdre, Vénus est la cause de ses
malheurs.
La déesse de l'Amour la poursuit de sa haine et oeuvre incessamment à la perte de sa famille car sa mère,
Pasiphaé, a connu des amours dépravés avec un taureau donnant naissance au Minotaure.
Par sa mère, Phèdre
remonte au Soleil et par son père, Minos, elle est rattachée aux mondes infernaux.
Cette « cohabitation » de l'ombre
et de la lumière entraine chez Pasiphaé le dérèglement des sens ainsi que chez sa fille.
C'est une femme acculée qui
a combattu avec vaillance mais qui découvre qu'elle est la victime du destin, du fatum mis en marche : v.277 « Je
reconnus Vénus et ses feux redoutables D'un sang qu'elle poursuit tourments inévitables.»
Dans cette tirade, Phèdre nous dévoile donc la genèse de son amour, de ses terribles malheurs.
Racine nous fait
découvrir ici le tableau d'une passion tragique.
Ce mal terrifiant pour Phèdre est une métaphore de l'amour comme maladie et comme blessure.
La description
clinique de cette passion valétudinaire commence dès le vers 273 avec deux superbes tétramètres « Je le vis, je
rougis, je palis à sa vue […] Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
» Nous remarquerons aussi les très.
»
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