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Voltaire, POÈME SUR LE DÉSASTRE DE LISBONNE (1756)

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Voltaire, POÈME SUR LE DÉSASTRE DE LISBONNE (1756) [...] Ce monde, ce théâtre et d'orgueil et d'erreur, Est plein d'infortunés qui parlent de bonheur. Tout se plaint, tout gémit en cherchant le bien-être : Nul ne voudrait mourir, nul ne voudrait renaître. Quelquefois, dans nos jours consacrés aux douleurs, Par la main du plaisir nous essuyons nos pleurs; Mais le plaisir s'envole, et passe comme une ombre; Nos chagrins, nos regrets, nos pertes sont sans nombre. Le passé n'est pour nous qu'un triste souvenir; Le présent est affreux, s'il n'est point d'avenir, Si la nuit du tombeau détruit l'être qui pense. Un jour tout sera bien, voilà notre espérance; Tout est bien aujourd'hui, voilà l'illusion. Les sages me trompaient, et Dieu seul a raison. Humble dans mes soupirs, soumis dans ma souffrance, Je ne m'élève point contre la Providence. Sur un ton moins lugubre on me vit autrefois Chanter des doux plaisirs les séduisantes lois : D'autres temps, d'autres moeurs : instruit par la vieillesse, Des humains égarés partageant la faiblesse Dans une épaisse nuit cherchant à m'éclairer, Je ne sais que souffrir, et non pas murmurer. Un calife autrefois, à son heure dernière, Au Dieu qu'il adorait dit pour toute prière: « Je t'apporte, ô seul roi, seul être illimité, Tout ce que tu n'as pas dans ton immensité, Les défauts, les regrets, les maux et l'ignorance. » Mais il pouvait encore ajouter l'espérance.

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