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Théophile GAUTIER (1811-1872) (Recueil : La comédie de la mort) - La spirale sans fin dans le vide s'enfonce

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Théophile GAUTIER (1811-1872) (Recueil : La comédie de la mort) - La spirale sans fin dans le vide s'enfonce La spirale sans fin dans le vide s'enfonce ; Tout autour, n'attendant qu'une fausse réponse Pour vous pomper le sang, Sur leurs grands piédestaux semés d'hiéroglyphes, Des sphinx aux seins pointus, aux doigts armés de griffes, Roulent leur oeil luisant. En passant devant eux, à chaque pas l'on cogne Des os demi-rongés, des restes de charogne, Des crânes sonnant creux. On voit de chaque trou sortir des jambes raides ; Des apparitions monstrueusement laides Fendent l'air ténébreux. C'est ici que l'énigme est encor sans Oedipe, Et qu'on attend toujours le rayon qui dissipe L'antique obscurité. C'est ici que la mort propose son problème, Et que le voyageur, devant sa face blême, Recule épouvanté. Ah ! Que de nobles coeurs et que d'âmes choisies, Vainement, à travers toutes les poésies, Toutes les passions, Ont poursuivi le mot de la page fatale, Dont les os gisent là sans pierre sépulcrale Et sans inscriptions ! Combien, dons juans obscurs, ont leurs listes remplies Et qui cherchent encor ! Que de lèvres pâlies Sous les plus doux baisers, Et qui n'ont jamais pu se joindre à leur chimère ! Que de désirs au ciel sont remontés de terre Toujours inapaisés ! Il est des écoliers qui voudraient tout connaître, Et qui ne trouvent pas pour valet et pour maître De Méphistophélès. Dans les greniers, il est des Faust sans Marguerite, Dont l'enfer ne veut pas et que Dieu déshérite ; Tous ceux-là, plaignez-les ! Car ils souffrent un mal, hélas ! Inguérissable ; Ils mêlent une larme à chaque grain de sable Que le temps laisse choir. Leur coeur, comme une orfraie au fond d'une ruine, Râle piteusement dans leur maigre poitrine L'hymne du désespoir. Leur vie est comme un bois à la fin de l'automne, Chaque souffle qui passe arrache à leur couronne Quelque reste de vert, Et leurs rêves en pleurs s'en vont fendant les nues, Silencieux, pareils à des files de grues Quand approche l'hiver. Leurs tourments ne sont point redits par le poëte Martyrs de la pensée, ils n'ont pas sur leur tête L'auréole qui luit ; Par les chemins du monde ils marchent sans cortège, Et sur le sol glacé tombent comme la neige Qui descend dans la nuit.

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