Saint-Simon historien
Extrait du document
«
Saint-Simon a déclaré : « Je n'ai songé qu'à l'exactitude et à la vérité.
J'ose dire que l'une et
l'autre se trouvent étroitement liées dans mes Mémoires, qu'elles en sont la loi et l'âme.
» De
fait, il apporte sur le règne de Louis XIV une foule de renseignements précis.
Ses témoignages,
pourtant, sont sujets à caution.
UNE INFORMATION PRÉCISE
Saint-Simon a réuni dans ses Mémoires des impressions prises sur le vif et des documents de
première main.
Bien placé pour connaître la Cour, il a observé et noté, « perçant de ses
regards clandestins chaque visage, chaque maintien, chaque mouvement, et y délectant sa
curiosité ».
En outre, il a interrogé de nombreux témoins : non content de mettre à
contribution les hauts personnages qui ont survécu au grand règne et qui sont pour la plupart
ses amis personnels, les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers, la princesse des Ursins, il
s'informe auprès des médecins, des chirurgiens, des laquais et des servantes, bref, auprès de
tous ceux qui ont pu pénétrer dans l'intimité des grands, dans le secret de leurs intrigues ou de
leurs aventures.
D'autre part, il a puisé à de nombreuses sources.
Il possédait à portée de la main, dans sa
bibliothèque, tous les mémoires antérieurs, et des ouvrages encyclopédiques comme le
dictionnaire de Bayle ou celui de Moreri.
Il put également utiliser les documents diplomatiques
mis à sa disposition par le marquis de Torcy, ancien ministre des Affaires étrangères.
DES TÉMOIGNAGES SUSPECTS
Saint-Simon, cependant, ne contrôle pas toujours son information.
Recueille-t-il des
renseignements sur ses ennemis personnels, il ne lui vient pas à l'esprit d'en contester
l'authenticité.
Sans discernement, il accepte les anecdotes qui, transmises de bouche en
bouche, s'éloignent chaque fois un peu plus de la vérité.
Or, comme sa verve métamorphose
les ragots en récits brillants, le lecteur sous le charme risque de ne pas déceler la crédulité
excessive du mémorialiste.
Surtout, il n'est pas objectif.
Il reconnaît lui-même que la passion l'aveugle : « Je ne me pique
pas d'impartialité.
On trouvera trop dans les Mémoires que la louange et le blâme coulent de
source à l'égard de ceux dont je suis affecté, et que l'un et l'autre est froid sur ceux qui me
sont le plus indifférents.
» Ses sympathies s'exaltent jusqu'à l'adoration; il est « épris » de M.
de Beauvilliers; il admire profondément M.
de Rancé; il fait un héros du duc de Bourgogne; il est
tout à la dévotion du duc d'Orléans.
Ses haines s'expriment avec violence : il se déchaîne
contre les parvenus, Colbert, Louvois, Mme de Maintenon; contre les bâtards; contre les gens
de robe, les bourgeois et la « canaille ».
Ce grand seigneur pousse à l'extrême le préjugé
aristocratique; il ne peut pardonner à Louis XIV d'avoir réduit la noblesse à un rôle de parade et
reproche à son règne d'avoir été celui « de la roture et de la vile bourgeoisie ».
Constamment,
sous l'historien, perce le partisan..
»
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