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Racine est-il tendre ou féroce ?

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- LES JEUNES FILLES. - La douceur des jeunes filles est peut-être encore plus émouvante que celle des femmes. Junie confesse avec simplicité l'amour qui depuis l'adolescence la lie à Britannicus. Loin de rester éloignée de lui par sa disgrâce, elle lui voue le meilleur d'elle-même. Elle le console dans sa solitude, s'attache à lui faire oublier ses malheurs. Et quand après sa mort brutale elle se retire chez les Vestales c'est sans doute pour échapper à Néron, mais c'est aussi pour vivre dans la fidélité de son souvenir. Dans l'aveu pudique qu'elle fait à Xipharès des sentiments qu'elle éprouve pour lui, dans ses demi-aveux et dans ses silences, Monime manifeste toute la délicatesse de son âme. Quand, après le retour inattendu de Mithridate, elle renonce par honnêteté à celui qu'elle aime, elle ne peut s'empêcher d'évoquer encore une fois, sans révolte mais non sans mélancolie, l'affection qui depuis si longtemps les unit, de se plaindre de ce coup du sort et de lui laisser entrevoir le déchirement de son âme. Iphigénie est tendre et aimante. Elle reproche sans amertume à Agamemnon de se dérober à son affectueux accueil et lui demande d'oublier un instant pour elle la dignité et les soucis du pouvoir.

« PLAN DÉTAILLÉ Il est toujours séduisant de définir un talent par une formule.

Mais plus ce talent est grand, plus il confine au génie, et plus on s'aperçoit qu'il déborde de toutes parts les formules où l'on a voulu l'enfermer.

Voilà qui explique que l'on ait pu exprimer sur Racine des jugements non seulement différents, mais contradictoires.

Parler de la cruauté des personnages de Racine ou de leur douceur, ce n'est à chaque fois exprimer qu'un aspect de la vérité.

Car il a su avec un égal bonheur peindre côte à côte et se faisant valoir les uns les autres par le plus suggestif des contrastes, des personnages doux et tendres et des personnages cruels. I.

Douceur des personnages de Racine A.

— LES JEUNES PREMIERS.

— La forme la moins émouvante, peut-être, sous laquelle se retrouve cette douceur, apparaît chez ceux que l'on a appelés les «jeunes premiers » de Racine.

C'est par affection pour Atalide, pour éviter que la jalousie de Roxane ne s'appesantisse sur elle que Bajazet consent à taire ses véritables sentiments. Sa loyauté naturelle souffre de « ce silence perfide ».

Le combat intérieur dont il lui faut sans cesse triompher est la meilleure marque de sa tendresse.

Le bouillant Achille est plus ému, selon son propre aveu, devant celle qu'il aime qu'au milieu des plus graves périls.

Mais l'un et l'autre affadissent la délicatesse du sentiment qui les anime, sous la recherche des mots et la galanterie des formules.

Pour que l'on pût leur rendre pleinement justice, il faudrait que ces héros fussent un peu moins des « céladons ». B.

— LES FEMMES.

— La douceur des personnages féminins est autrement touchante dans sa simplicité.

Andromaque garde à son époux, par-delà la tombe, son affection intacte.

Elle évoque devant Géphise, avec une mélancolie discrète, les adieux que lui fit Hector au moment où il allait combattre contre Achille.

Elle vit dans la religion de son souvenir ; et au moment où elle ne sait quel parti prendre, elle va sur sa tombe chercher l'inspiration et ranimer son courage défaillant.

Sur ce fils qui est sa consolation et l'image du disparu elle a reporté toute sa tendresse.

Ingénument elle avoue sa tristesse de ne pouvoir être sans cesse à ses côtés, la joie qu'elle éprouve à le serrer dans ses bras.

Elle trouve, pour essayer de décider Hermione à intercéder auprès de Pyrrhus en faveur de son enfant, des accents d'une sincérité touchante.

Elle se résout en définitive avec sérénité à faire au bonheur d'Astyanax le sacrifice de sa vie.

Dans tous ses gestes, dans tous ses propos Bérénice témoigne de l'attachement qu'elle a voué à Titus.

Elle aime Titus pour lui-même, non pour les « grandeurs dont il est revêtu ».

Sans cesse elle a besoin de sa présence et s'il tarde un jour à venir la voir, il la trouve « tout en pleurs ».

Jusqu'au bout son affection s'illusionne : elle reste convaincue que celui qu'elle aime saura aplanir les obstacles qui les séparent.

Lors même qu'elle doit lui faire ses adieux, elle ne peut croire Que le jour recommence et que le jour finisse, Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice. Elle ne s'abandonne à aucune révolte brutale : elle est seulement en proie à un douloureux étonnement. C.

— LES JEUNES FILLES.

— La douceur des jeunes filles est peut-être encore plus émouvante que celle des femmes.

Junie confesse avec simplicité l'amour qui depuis l'adolescence la lie à Britannicus.

Loin de rester éloignée de lui par sa disgrâce, elle lui voue le meilleur d'elle-même.

Elle le console dans sa solitude, s'attache à lui faire oublier ses malheurs.

Et quand après sa mort brutale elle se retire chez les Vestales c'est sans doute pour échapper à Néron, mais c'est aussi pour vivre dans la fidélité de son souvenir.

Dans l'aveu pudique qu'elle fait à Xipharès des sentiments qu'elle éprouve pour lui, dans ses demi-aveux et dans ses silences, Monime manifeste toute la délicatesse de son âme.

Quand, après le retour inattendu de Mithridate, elle renonce par honnêteté à celui qu'elle aime, elle ne peut s'empêcher d'évoquer encore une fois, sans révolte mais non sans mélancolie, l'affection qui depuis si longtemps les unit, de se plaindre de ce coup du sort et de lui laisser entrevoir le déchirement de son âme. Iphigénie est tendre et aimante.

Elle reproche sans amertume à Agamemnon de se dérober à son affectueux accueil et lui demande d'oublier un instant pour elle la dignité et les soucis du pouvoir.

Avec une allégresse naïve elle confesse l'amour qu'elle porte à son fiancé, l'impatience joyeuse où elle était de le revoir, et ce rêve intérieur où sans cesse elle a son image devant les yeux.

Bien vite elle regrette d'avoir, sous l'aiguillon de la jalousie, accablé Ériphile.

Même dans cette prière suprême qu'elle adresse à son père au moment où on va la mener au sacrifice, elle fait preuve d'une mesure et d'une discrétion qui touche plus que les plus violents reproches. II.

Cruauté sous l'effet de l'exaltation En face de ces personnages doux et tendres, Racine a placé des personnages « cruels » qui prennent par contraste un saisissant relief.

Les uns — comme Roxane, Phèdre, Hermione, Oreste — sont le jouet de la passion qui les entraîne.

Roxane, sous l'effet de son ressentiment, lorsqu'elle a découvert que Bajazet ne l'aime pas et se joue d'elle, prononce son arrêt de mort et se plaît à bafouer le désespoir d'Atalide, sa rivale.

Phèdre, pour perdre celui qu'elle aime et qui la repousse, se fait, dans son exaltation, la complice d'un honteux mensonge.

Hermione prononce l'arrêt de mort de Pyrrhus, coupable de l'avoir délaissée pour Andromaque.

Avec une joie sauvage, elle se voit ellemême se plonger les mains « dans le sang du Barbare » et par un dernier raffinement, pour lui ôter la consolation suprême, «cacher sa rivale à ses regards mourants ». Oreste n'est qu'un jouet entre les mains d'Hermione.

Dans l'affolement de sa jalousie il a tôt fait d'imposer silence à ses scrupules et ne veut laisser à personne, à Hermione moins qu'à toute autre, le plaisir de tuer Pyrrhus.

Et c'est encore sur Pyrrhus qu'il s'acharne lorsque dans sa folie il croit voir, toujours vivant, ce rival détesté. III.

Cruauté froide Mais plus cruels encore apparaissent dans leur froid calcul des êtres comme Narcisse, Agrippine, Néron.

Narcisse est le mauvais génie de Néron, dont il se plaît à développer tous les mauvais instincts, attiser la passion pour Junie, la jalousie et la haine pour Britannicus.

Il le dresse contre sa mère, en exaspérant chez lui l'appétit du pouvoir et le désir d'indépendance.

Dans l'ivresse du triomphe, devant Britannicus mourant d'un poison qu'il a lui-même préparé, cet homme si maître de lui laisse percer toute sa joie cynique.

Quant à Néron, froidement et sciemment il torture Junie coupable de ne pas répondre à son amour.

Il se plaît avec une joie sadique à voir couler ses larmes.

Il l'oblige à jouer à celui qu'elle aime la plus honteuse et la plus redoutable des comédies.

Il assassine Britannicus.

Bientôt — on le pressent — il assassinera sa mère. Agrippine sacrifie tout à son ambition.

Elle ne brandit les principes vertueux que quand elle voit les moyens de les faire servir a sa politique.

Devant Néron elle évoque complaisamment, avec un calme effrayant, tous les crimes qu'elle a commis pour s'assurer le pouvoir.

Elle a tôt fait d'oublier 1 assassinat de son fils.

Après un premier moment d'émotion ration e le va s efforcer de profiter du désarroi momentané où elle voit le coupable pour reconquérir son ascendant sur lui et par delà cet ascendant, le pouvoir. Conclusion TeIs nous apparaissent les personnages de Racine.

Tantôt ils témoignent, avec un sens exquis des nuances, de la délicatesse de leurs sentiments, tantôt sous l'effet d'une passion qui fait table rase du meilleur d eux-mêmes, ils ne reculent devant aucun geste répréhensible et vont parfois jusqu'au crime.

Tantôt enfin dans leur perversité froide et lucide, sans scrupules et sans remords Us accomplissent jusqu'au bout leurs ténébreux desseins Ne cherchons donc pas, en dernière analyse, à définir s'ils sont plus cruels que tendres ou plus tendres que cruels.

Mais admirons plutôt avec quelle profondeur et quelle maîtrise Racine a su exprimer en eux toute la richesse tour à tour émouvante et décevante de l'âme humaine.. »

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