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Que pensez-vous de ce jugement porté par Duhamel sur la publicité : « La publicité moderne marque, pour le public, un injurieux mépris. Elle traite l'homme comme le plus obtus des animaux inférieurs » ?

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LES DANGERS DE LA PUBLICITÉ En fait, dans les Scènes de la Vie future, le problème économique est évoqué, et l'auteur répond par avance à l'objection que nous venons de faire - objection fallacieuse selon lui. Un danger pour l'économie Si la publicité fait vendre, elle n'en est pas moins coûteuse : certaines entreprises ont publié des statistiques étonnantes, prouvant que la réclame nécessaire leur occasionnait des frais presque équivalents à ceux de la matière première. De plus, la concurrence crée dans ce domaine une surenchère : les produits destinés à un même usage se multiplient, et ne peuvent s'imposer et se maintenir sans des campagnes retentissantes de distribution gratuite, de prix réduits, de concours. A ce jeu, beaucoup de maisons se sont essoufflées, et plus d'un industriel au bord de la faillite s'est' amèrement plaint de n'avoir pu se maintenir en raison des frais qu'il aurait dû engager pour la publicité. Duhamel l'affirmait déjà : « ... c'est de l'énergie gâchée sans bénéfice pour le commun des hommes. De l'énergie que, cependant, nous devons tous payer en quelque façon ». Un danger pour l'individu Nous avons déjà vu à quel point notre liberté pouvait être réduite par l'intrusion de la publicité. Les conclusions des médecins sont aujourd'hui plus pessimistes encore ; soumis à des excitations répétées et intenses, nos sens sont peu à peu émoussés : nous avons besoin d'une lumière plus violente, de sons plus puissants pour que notre attention soit attirée. C'est là une progression peu souhaitable, qui ne rend pas l'homme plus heureux pour autant : on pourrait penser en effet que dans notre monde tout est fait pour accroître les possibilités de bonheur ; il n'en est rien, et l'on peut lire sous la plume de M.

« INTRODUCTION La publicité a pris, au cours du XXe siècle, une place de plus en plus grande dans la vie quotidienne : les entractes de cinéma, les murs des cités, les bas-côtés des routes, les chaînes de radiodiffusion vantent sans cesse tel produit ou telle marque.

Les procédés utilisés sont extrêmement variés, et mettent en oeuvre toutes les ressources de la technique audio-visuelle pour attirer l'attention du public.

Georges Duhamel jugeait avec sévérité cette situation dans Les Scènes de la Vie future : « La publicité moderne marque, pour le public, un injurieux mépris.

Elle traite l'homme comme le plus obtus des animaux inférieurs ».

Inspirée par le spectacle qu'offraient les États-Unis des années 30, cette réflexion peut s'appliquer aujourd'hui à notre monde, et nous amène à examiner d'un oeil critique une réalité que nous subissons en général passivement. I.

LE POINT DE VUE DE GEORGES DUHAMEL La critique de Duhamel porte principalement, dans cette phrase, sur les procédés employés par la publicité : il leur reproche leur caractère grossier, et évoque même la dégradation des sens qu'ils entraînent et qui rend l'homme inférieur à un chien. Des procédés simplistes Dans les Scènes de la Vie future, la réflexion de l'écrivain part du spectacle, extraordinaire à l'époque pour un Européen, de New York la nuit : les murs, les toits, les façades ruissellent de lumière, multiplient les affirmations, les conseils, les injonctions.

Tout est bon aujourd'hui pour attirer l'attention et forcer la volonté du consommateur : les couleurs agressives des affiches, leurs dimensions, les lignes plus ou moins insolites du dessin, nous frappent à notre insu.

La publicité radiodiffusée associe des noms de marque à des musiques célèbres, les présente par des phrases incongrues, les répète sans cesse.

Toutes les découvertes de la psychophysiologie sont appliquées à cette technique nouvelle mise au rang d'une véritable science tournée vers le déclenchement systématique de réflexes élémentaires.

Et Duhamel s'indigne : « Est-ce à moi que s'adresse, est-ce à moi qu'ose s'adresser cette publicité à éclipses, à répétitions, à explosions qui semble conçue pour exciter les réflexes d'un mollusque sédentaire ? » Des procédés avilissants A ce niveau, le problème est véritablement moral : les procédés de réclame ne s'adressent pas à l'activité cérébrale consciente, et ramènent l'homme au réflexe conditionné; semblable au chien de Pavlov, il réagit mécaniquement. Que devient en ce cas une dignité humaine que nous plaçons volontiers dans l'usage de la raison et du libre arbitre ? Mais il y a plus grave : les instincts auxquels on fait ainsi appel ne sont pas les plus nobles, tant s'en faut.

Les réclames les plus bénignes flattent la gourmandise, le goût des collections futiles.

D'autres utilisent le culte de la violence, conseillent des vêtements qui feront ressembler l'acheteur à tel héros célèbre du cinéma ou des bandes dessinées.

Le ressort essentiel cependant est la sexualité : il serait curieux de relever le nombre d'affiches qui représentent des « pin up girls » sans qu'elles aient rien à faire avec la banque ou le réfrigérateur recommandés. Des procédés mensongers En inhibant les facultés intellectuelles par la violence des sollicitations, la publicité annihile l'esprit critique du consommateur, alors que celui-ci en aurait particulièrement besoin pour se défendre.

Tout un vocabulaire de superlatifs, toute une fausse chimie ont été créés pour vanter les produits avec une exagération systématique. N'est-ce pas aussi mépriser l'homme que de lui promettre ainsi des miracles dont il sera toujours frustré ? Et l'avenir nous réserve des abus plus graves : certaines expériences ont permis de créer des images cinématographiques que seul le subconscient perçoit ; dès lors, on peut agir sur le spectateur totalement à son insu, en le persuadant sans effort.

C'est déjà le Meilleur des Mondes de Huxley que nous entrevoyons dans ce viol de la conscience individuelle — interdit pour l'instant par la loi.

Une analyse des faits nous permet donc de donner raison sur bien des points à Georges Duhamel.

Mais la vitupération des moeurs du temps est un lieu commun de la morale, et l'on peut reprocher à l'auteur des Scènes de la Vie future une opposition systématique aux divers aspects de la vie moderne. II.

LES AVANTAGES DE LA PUBLICITÉ Beaucoup de nos contemporains, au contraire, se sentent adaptés au monde dans lequel ils vivent, et n'hésiteraient pas à défendre la publicité contre les attaques dont elle fait l'objet. La publicité et l'esthétique Nous avons vu que les procédés utilisés ne font guère appel à l'intelligence, pour ne pas éveiller l'esprit critique du client éventuel.

Mais sur le plan esthétique, le résultat n'est pas toujours négatif.

Les palissades qui, surtout depuis la dernière guerre, entourent les chantiers, sont laides en elle-même, et les affiches bariolées qui les recouvrent les font oublier.

Les panneaux eux-mêmes sont parfois composés avec beaucoup de goût et avec un réel sens artistique : paysages, dessins stylisés, jeux de lignes et de couleurs mettent parfois sur nos murs une note imprévue de dépaysement poétique.

L'affiche a acquis droit de cité dans l'art.

Nul ne niera la gaieté que crée dans une grande ville la lumière ruisselant dans les artères principales au coeur de la nuit.

Il n'est pas jusqu'au cinéma qui n'ait tiré profit des recherches artistiques tentées dans les firmes pour les films publicitaires.

On peut rêver d'une cité idéale où les réclames seraient contrôlées par des décorateurs spécialisés et compétents, qui chasseraient impitoyablement la laideur et la vulgarité. La publicité et l'information. »

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