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Commentez ce jugement de Théodore de Banville sur Beaudelaire: Il a accepté tout l'homme moderne avec ses défaillances, avec sa grâce maladive, avec ses aspirations impuissantes ?

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Le succès persistant des Fleurs du Mal démontre bien que l'on peut voir en Baudelaire le précurseur des poètes contemporains. Théodore de Banville, percevant chez lui ces accents nouveaux, pouvait dire sur sa tombe : « 11 a accepté tout l'homme moderne, avec ses défaillances, avec sa grâce maladive, avec ses aspirations impuissantes ». De fait, ce jugement met en lumière le ton souvent désespéré de l'oeuvre, source d'une esthétique nouvelle, mais aussi les tentatives de dépassement dont elle témoigne.

« INTRODUCTION Le succès persistant des Fleurs du Mal démontre bien que l'on peut voir en Baudelaire le précurseur des poètes contemporains.

Théodore de Banville, percevant chez lui ces accents nouveaux, pouvait dire sur sa tombe : « 11 a accepté tout l'homme moderne, avec ses défaillances, avec sa grâce maladive, avec ses aspirations impuissantes ». De fait, ce jugement met en lumière le ton souvent désespéré de l'œuvre, source d'une esthétique nouvelle, mais aussi les tentatives de dépassement dont elle témoigne. I.

LES « DÉFAILLANCES » DE L'HOMME MODERNE Cessant de magnifier l'homme, dont les poètes romantiques continuaient à exalter l'amour, la souffrance, la pensée, Baudelaire « accepte » la réalité, dans sa tristesse mesquine, que l'homme nie en vain. L'ennui Le mal du siècle, théâtral et parfois grandiloquent, devient chez lui « l'Ennui », le « Spleen » ; il le présente en ces termes au lecteur qui se défend en vain d'être lucide : « Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat, Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère ». De multiples poèmes analysent l'état de paralysie dans lequel le poète se trouve ainsi plongé, son inaptitude à l'action.

C'est ainsi qu'il se compare, dans La Cloche Fêlée, au « ...

blessé qu'on oublie Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts, Et qui meurt sans bouger, dans d'immenses efforts ». L'amour sensuel Chez Lamartine, c'est l'amour malheureux qui «dépeuplait» ainsi l'univers.

Celui que Baudelaire chante, même lorsqu'il est satisfait, c'est le plus souvent la manifestation de l'impureté, du péché.

C'est ainsi qu'il en évoque le « remords posthume » : « Et le ver rongera ta peau comme un remords ». Le mal Baudelaire ne se limite pas à cet aspect du mal.

Il approfondit sa peinture des «défaillances» humaines en y joignant des vices que nul jusque-là n'avait évoqués dans des ouvrages de bon aloi : cette franchise l'entraîne devant les tribunaux où furent condamnées des pièces telles que les Femmes Damnées.

En fait Baudelaire avait pris là un parti qui est celui de nombreux écrivains modernes, et quelle meilleure expression, avant la lettre, de la nausée sartrienne, que ces vers d'Un voyage à Cythère : « Je sentis... Comme un vomissement, remonter vers mes dents Le long fleuve de fiel des douleurs anciennes ». De tels vers posent évidemment le problème de la valeur esthétique que peut avoir une poésie consacrée à l'expression de la déchéance humaine. II.

LA « GRACE MALADIVE » Théodore de Banville caractérise ces aspects de l'œuvre baudelairienne en évoquant la « grâce maladive » qu'elle tire de sa modernité.

Le titre même des Fleurs du Mal — « fleurs maladives », écrivait Baudelaire à Théophile Gautier — autorise le lecteur à y voir une recherche consciente de l'auteur : n'affirmait-il pas vouloir « extraire la beauté du mal » ? Langueur Cette beauté naît d'abord d'un appel lancé aux sensations les plus vagues, les plus troubles, chez un lecteur énervé par le Spleen.

Le jeu des « correspondances » fait résonner subtilement chaque corde de la sensibilité, et la raison sombre dans un vertige crépusculaire au rythme des vers d'Harmonie du Soir : « Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir, Valse mélancolique et langoureux vertige ». Annonçant le Des Esseintes de Huysmans, cet homme moderne cultive les préoccupations raffinées et stériles que symbolisent ses esclaves « ...dont l'unique soin était d'approfondir Le secret douloureux qui me faisait languir ». La volupté Loin de célébrer l'équilibre et la clarté, cette poésie puise donc son charme dans les subtilités d'une sensibilité féline.

De cette rêverie langoureuse au culte de la volupté, il n'y a qu'un pas, et l'on sait avec quelle splendeur d'images Baudelaire évoqua la « déité noire » : « Statue aux yeux de jais, grand ange au front d'airain.

» De cette sensualité pleine de remords, qui tourmente ses semblables, Baudelaire tire l'univers magique du Parfum exotique, de la Chevelure.

Quelque malsain que puisse être le culte de ces sensations, on ne saurait en nier la valeur suggestive. L'horreur Mais elles créent un climat douloureux d'insatisfaction, d'aspiration au néant, qui envahit de multiples poèmes.

Le Pendu de Cythère, la Charogne, nous entraînent dans un monde morbide, où les spectacles horribles, macabres et hideux se succèdent.

Tout un aspect de la poésie moderne naît là, et les surréalistes sont redevables à Baudelaire de cette brèche gigantesque faite au rempart du bon goût traditionnel.

Et ce n'est pas, quoi qu'on en ait dit parfois, le point d'aboutissement de l'esthétique baudelairienne.

Ses poèmes s'insèrent dans une enquête plus vaste, qui n'omet pas les aspirations de l'homme vers l'idéal. III.

LES « ASPIRATIONS IMPUISSANTES » La pensée de Baudelaire est fondée sur la prise de conscience d'une dualité inhérente à l'homme : « Il y a dans tout homme, écrit-il, à toute heure, deux postulations simultanées, l'une vers Dieu, l'autre vers Satan ». La pureté Si les Fleurs du Mal peuvent annoncer par endroits les « déliquescences » du symbolisme, les images hallucinatoires du surréalisme, elles demeurent une œuvre classique ; certains vers traduisent dans une forme impeccable une aspiration douloureuse à la pureté.

Sans doute le cygne voit-il son plumage terni dans la poussière. »

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