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Peut-on considérer Montaigne comme un humaniste ?

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Pascal, qui s'est par ailleurs appliqué à exprimer un humanisme autrement exigeant, l'accusa d'inspirer « une nonchalance du salut, sans crainte et sans repentir. » L'individualisme Si la sagesse des Essais est humble et généreuse, elle se confine un peu trop dans les limites du moi. On a pu reprocher à Montaigne d'être trop souvent demeuré à l'écart des hommes pendant sa longue retraite dans sa «librairie». Certaines expressions de son individualisme comme la célèbre formule : « Il faut se prêter à autrui et ne se donner qu'à soi-même », paraissent bien apporter quelques restrictions à son humanisme. Le grand seigneur qu'était Michel de Montaigne ne pouvait sans doute pas prendre conscience d'un quelconque « problème social » en un temps où cette notion même était inconcevable, mais il semble bien de nos jours qu'un humaniste, à quelque tendance philosophique qu'il appartienne, ne saurait se dispenser d'une action sur ce plan et ne peut affirmer comme Montaigne que : « la société publique n'a que faire de nos pensées » (I, 23). L'humanisme de Montaigne ne serait-il donc qu'une demi-mesure, ou, pire encore, un faux semblant ? Les limites mêmes que nous venons de dénoncer ne pourraient-elles pas être considérées cependant comme le témoignage d'un profond respect de l'homme ? Montaigne refuse d'ériger ses opinions en un système, il juge plus sage de ne pas trop « s'engager », comme nous le dirions aujourd'hui, parce qu'il se méfie de toute entreprise qui pourrait par ses conséquences porter finalement atteinte à l'homme. L'histoire, depuis le XVIe siècle, est venue maintes fois justifier ses scrupules. CONCLUSION Digne continuateur des grands esprits de son siècle, Montaigne a contribué à transmettre jusqu'à nous le flambeau de la culture antique.

« INTRODUCTION La Renaissance française fut avant tout chez les lettrés l'expression d'une attitude nouvelle à l'égard du legs de l'Antiquité.

Des hommes comme Dorât, Budé, Lefèvre d'Étaples ou Rabelais, par le culte fervent dont ils honorèrent les civilisations grecque et latine, ont contribué à un renouveau de l'intérêt pour la sagesse des Anciens : c'est ce qu'on a appelé l'humanisme.

De nos jours ce terme est souvent repris par de nombreux écrivains et penseurs qui veulent insister sur la valeur profondément humaine de leurs oeuvres.

Il semble bien que Montaigne puisse en partie satisfaire à ces deux définitions du mot humanisme. I.

MONTAIGNE EST UN HUMANISTE AU SENS DU XVIe SIÈCLE Les Essais sont par bien des aspects l'oeuvre d'un « humaniste », érudit imprégné de culture antique.

L'auteur nous montre au cours du chapitre « De l'institution des enfants» la place importante que le latin avait prise dans sa première éducation.

« Nous nous latinisâmes tant qu'il en regorgea jusques à nos villages tout autour » écrit-il.

S'il pratiqua moins la langue grecque, ses abondantes lectures lui ont fourni cependant une connaissance approfondie de la civilisation hellénique.

Les citations qu'il « sème » à profusion dans son texte, les références constantes aux philosophes et écrivains anciens témoignent d'une fréquentation intime et suivie des plus grands d'entre eux, Socrate, Platon, Sénèque, Plutarque, pendant toute la durée de son existence. Cette culture antique ne fut pas à sa propre vie seulement pour Montaigne un vernis honorable.

En parfait humaniste, il a voulu sans cesse l'intégrer à sa propre vie en s'arrêtant d'abord tour à tour à des attitudes morales dont il avait trouvé l'exemple chez Épictète, Sénèque puis Horace.

Ce chrétien a sans doute apporté beaucoup de nuances personnelles aux systèmes philosophiques que ces noms évoquent.

Il semble bien pourtant que l'idéal constant de Montaigne ait été celui d'un retour à un certain style d'existence «à l'antique».

Sa conception d'une éducation qui doit tendre à la fois à «raidir l'âme» et «les muscles» (I, 25), sa participation désintéressée aux affaires publiques, son goût de la réflexion morale, les « gaillardes escapades » du style même de ses écrits qu'il calque sur celui de Platon ou de Plutarque en offrent le témoignage. Mais ce qui rapproche sans doute le plus Montaigne des grands humanistes qui l'ont précédé, c'est surtout la qualité de son esprit critique.

Faisant preuve sans cesse d'une remarquable honnêteté intellectuelle, il a su revenir sur ses convictions premières et appliquer sa réflexion aux données essentielles de son époque, s'efforçant de repenser certains problèmes comme la torture, les guerres de religion, le Nouveau Monde, en fonction de son expérience.

Le mouvement d'ensemble des Essais semble bien s'orienter vers une approche constante de la vérité.

Mais l'attitude de Montaigne ne se limite pas à cette soif de la connaissance pour la connaissance, qui animait les grands humanistes. II.

MONTAIGNE EST UN HUMANISTE AU SENS LARGE Comme ceux de nos contemporains qui se veulent humanistes, Montaigne aurait pu se réclamer du vers de Térence : « Homo sum : humani nihil a me alienum puto ».

Les Essais constituent en effet, par-delà leur fin « domestique et privée », une étude approfondie de la nature humaine.

C'est sur ce point que Voltaire a insisté, en réponse aux reproches de Pascal.

Montaigne lui-même n'avait-il pas précisé que « Chaque homme porte en soi la forme entière de l'humaine condition » ? Au cours de son livre il a tenté d'appréhender l'homme sous ses multiples formes.

Sa curiosité s'applique à tout ce qui porte le sceau de l'humanité.

Il voyage pour mieux connaître les hommes dans leur diversité.

Il note avec intérêt tout ce qu'il peut apprendre sur les usages des pays qu'il traverse, les coutumes des peuples qu'il rencontre.

Les légendes qu'on lui rapporte constituent pour lui autant de témoignages précieux.

Il s'interroge sur tous les grands problèmes qui engagent le destin des hommes : la pédagogie, la justice, la politique, la morale, la mort. Nous retrouvons ainsi chez lui les grandes valeurs communes aux principaux courants de l'humanisme.

Chaque fois qu'il est amené à porter un jugement sur une attitude morale qui lui est étrangère, l'auteur des Essais nous donne une remarquable leçon de tolérance.

Il examine avec une étonnante ouverture d'esprit les arguments de ceux qui sont favorables à la torture, et la condamnation qu'il prononce est l'effet d'un désir constant de bonté.

Il se révolte surtout contre l'aspect inhumain de ces pratiques : « A peine me pouvais-je persuader, dit-il, avant que je l'eusse vu, qu'il se fût trouvé des âmes si monstrueuses.

» Malgré ces réalités décevantes, il conservera jusqu'à la fin de son existence une profonde confiance en la nature humaine.

« Nature est un doux guide, mais non pas plus doux que prudent et sage.

» L'homme selon lui demeure maître de son bonheur : « La vie n'est de soi ni bien ni mal : c'est la place du bien et du mal selon que vous la leur faites.

» Cet optimisme suffirait sans doute à ranger Montaigne au nombre des humanistes.

Il se complète par une sagesse parfaitement à la mesure des hommes : « Les plus belles vies sont à mon gré celles qui se rangent au modèle commun et humain.

» (III, 13).

La philosophie de Montaigne part d'une étude de la nature humaine et ne se propose pour objet que l'homme lui-même.

Cette attitude généreuse et réaliste peut cependant paraître un peu limitée.. »

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