Devoir de Français

Mme de Staël

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Coiffée de son turban en cachemire, d'où débordent ses riches boucles noires, armée de sa seule plume d'oie, ou du sceptre symbolique que ses mains nerveuses agitent perpétuellement (rouleau de papier, éventail, branche d'arbuste), Mme de Staël forme, jusque par son apparence, un parfait contraste avec son ennemi l'empereur. Et il n'est pas interdit de supposer qu'il pensait à elle, le jour où il déclarait qu'à la longue le sabre est toujours vaincu par l'esprit. Tout avait préparé Germaine Necker, née de parents suisses, protestants et anglomanes, à ce rôle. Au commencement, il y a une petite fille brune, extraordinairement éveillée, qui assiste, assise sur un tabouret, aux "salons" de Mme Necker, et qui reçoit précocement la leçon de libéralisme du XVIIIe siècle. Puis une adolescente ivre de romans anglais, qui tient son journal, et qui apprend à ses dépens le prix de l'intolérance. Car Germaine a beau être une des plus riches héritières de France, dès qu'elle pense au mariage, elle comprend que son choix sera limité : depuis la Révocation de l'Édit de Nantes ­ et jusqu'en 1788 ­ les protestants sont privés d'état civil. Fille d'un ministre de Louis XVI, Mlle Necker ne peut que difficilement épouser un Français. En fait, les prétendants que lui prête la légende sont tous étrangers : William Pitt, le prince de Mecklembourg, et ce Fersen promis à un autre destin... A vingt ans, Germaine épouse sans enthousiasme l'ambassadeur de Suède, Eric-Magnus de Staël-Holstein.

« Mme de Staël Coiffée de son turban en cachemire, d'où débordent ses riches boucles noires, armée de sa seule plume d'oie, ou du sceptre symbolique que ses mains nerveuses agitent perpétuellement (rouleau de papier, éventail, branche d'arbuste), Mme de Staël forme, jusque par son apparence, un parfait contraste avec son ennemi l'empereur.

Et il n'est pas interdit de supposer qu'il pensait à elle, le jour où il déclarait qu'à la longue le sabre est toujours vaincu par l'esprit. Tout avait préparé Germaine Necker, née de parents suisses, protestants et anglomanes, à ce rôle. Au commencement, il y a une petite fille brune, extraordinairement éveillée, qui assiste, assise sur un tabouret, aux "salons" de Mme Necker, et qui reçoit précocement la leçon de libéralisme du XVIIIe siècle.

Puis une adolescente ivre de romans anglais, qui tient son journal, et qui apprend à ses dépens le prix de l'intolérance.

Car Germaine a beau être une des plus riches héritières de France, dès qu'elle pense au mariage, elle comprend que son choix sera limité : depuis la Révocation de l'Édit de Nantes et jusqu'en 1788 les protestants sont privés d'état civil.

Fille d'un ministre de Louis XVI, Mlle Necker ne peut que difficilement épouser un Français.

En fait, les prétendants que lui prête la légende sont tous étrangers : William Pitt, le prince de Mecklembourg, et ce Fersen promis à un autre destin...

A vingt ans, Germaine épouse sans enthousiasme l'ambassadeur de Suède, Eric-Magnus de Staël-Holstein. "La gloire pour une femme n'est que le deuil éclatant du bonheur" ; la formule célèbre ne doit pas nous abuser.

Si sa vie conjugale est terne et triste, la baronne de Staël sera toujours entourée de dévouements absolus et d'amitiés amoureuses, ceux de Mathieu de Montmorency, Mme Récamier, l'historien Sismondi, l'Allemand Guillaume Schlegel qui se proclame lui-même son esclave.

Pour premier amant, elle a le beau comte de Narbonne.

Au début de sa longue et orageuse liaison avec Benjamin Constant, elle connaît les joies raffinées d'une parfaite communion intellectuelle.

A cinquante ans, enfin, elle se remariera avec son jeune ami Rocca, officier suisse qui a vingt-deux ans de moins qu'elle. Car l'esprit, chez Mme de Staël, n'est pas seulement plus fort que le sabre : il est plus fort que tous les obstacles.

Il lui tient lieu de beauté, il lui prête son charme, son piquant, son irrésistible jeunesse.

Elle manie les idées et s'en sert, comme une coquette use de ses fards.

A une époque où les femmes de lettres, telle Mme Cottin, sont surtout romancières, elle s'affirme comme "penseur".

A part Delphine, roman écrit dans la manière du XVIIIe siècle, ses livres sont tous consacrés à de grands sujets.

Pendant trente ans, depuis ses Lettres sur Rousseau (1787), jusqu'aux Considérations sur la Révolution française, l'oeuvre de Mme de Staël se développe dans trois directions parallèles : la lutte contre la dictature, l'appel pour la libération des "nationalités" (le mot est d'elle) et le féminisme avant la lettre. Depuis que Bonaparte a pris le pouvoir, elle mène la vie errante qu'elle peindra dans Dix années d'exil, traînant partout la nostalgie du "ruisseau de la rue du Bac" : à Coppet, où elle réunit une cour d'exilés, en Allemagne où elle passe comme un tourbillon, affolant les philosophes et mettant Goethe en faite, en Russie où elle est un des derniers voyageurs à contempler Moscou intact, en Suède où elle complote avec Bernadotte.

Sur chacun des pays traversés, elle nous laisse un témoignage : son chef-d'oeuvre est sans doute Corinne ou l'Italie (1807), qui traite un double sujet : le drame d'un pays morcelé, et le conflit de l'amour et de la vocation chez une femme de génie.

La merveilleuse Corinne meurt brisée par la passion, "cette griffe de vautour sous laquelle le bonheur et l'indépendance succombent".

On reconnaît l'auteur sous le voile transparent de l'héroïne : pendant qu'elle écrit Corinne, Benjamin l'inconstant commence à rédiger Adolphe.

Cependant le plus célèbre des livres de Mme de Staël reste De l'Allemagne, mis au pilon sur l'ordre de l'empereur en 1810. Quelques années plus tard, quand elle peut enfin revenir librement à Paris, Mme de Staël n'en aura aucune joie : si elle est rue Royale, c'est parce que "les Cosaques sont rue Racine", écrit-elle mélancoliquement.

Elle ne profitera pas non plus de son dernier amour : elle meurt en 1817, un an après s'être remariée, et, par un dernier symbole, à l'aube du 14 juillet.. »

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