Miguel de Cervantes
Extrait du document
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Miguel de Cervantes
Cervantes naquit à Alcala de Henarès (Castille) dans une famille d'origine sociale modeste ; son père était un
chirurgien apothicaire.
Devenu soldat, il combattit en 1571 dans la bataille navale de Lépante où il perdit sa main
gauche.
Il participa à plusieurs combats dans les années suivantes.
En 1575, sa galère tomba aux mains des
Barbaresques qui le capturèrent et l'emmenèrent en Algérie comme esclave.
Au terme de cinq années de captivité,
émaillées d'intrépides tentatives d'évasion, il recouvrit la liberté.
Soldat vaincu et manchot, il se mit à écrire des
comédies, publia sa pièce pastorale La Galatée et épousa Catalina de dix-huit ans sa cadette.
Génie tardif, il n'écrira
son oeuvre maîtresse (et l'une des plus belles de la Renaissance), Don Quichotte de la Mancha, qu'au terme de sa
longue expérience, en 1608.
A peine était-elle publiée que des copies pirates fleurirent, favorisant la diffusion du
livre.
Don Quichotte relate l'aventure rocambolesque d'un chevalier âgé, sillonnant les routes en compagnie de son
valet Sancho Pancha, pour venir en aide aux pauvres gens.
Cervantes voulait parodier la chevalerie.
Les aventures
alimentèrent les conversations des hommes sur le sens de l'existence.
En 1612, il rejoignit l'Academia Selvaje, cercle
littéraire dont Lope de Vega était membre.
Deux ans plus tard, le Voyage du Parnasse, ouvrage humoristique sur les
poètes de son temps parut.
Cervantes, qui apporta dans son travail beaucoup d'humanité, mourut dans sa maison à
Calle de Leon en 1616.
De la vie et de la destinée littéraires de Miguel de Cervantes Saavedra, on peut longuement rêver sur la page
ouverte du livre, quand on vient de lire une Nouvelle exemplaire ou un chapitre des Aventures de l'ingénieux Hidalgo
don Quichotte de la Manche.
Nulle vie, nulle destinée n'offrent une plus riche matière aux interrogations.
Tout
semble, dans cet écrivain, contradictoire et paradoxal, aussi bien la médiocrité, les misérables débats de son
existence matérielle toujours harcelée que son obscurité, besogneuse jusqu'au seuil de la vieillesse, et la gloire
éclatante, immense, indestructible qui s'amorce peu avant sa mort et, au cours des siècles, ne fera que grandir,
s'amplifier presque démesurément.
Illustration de la langue espagnole, son oeuvre, par un rare prodige, ne dépend
plus d'elle.
Miguel de Cervantes a créé un monde si cohérent, des types si fortement individualisés que, même si
l'idiome qui les a peints disparaissait de la surface de la terre, ils ne périraient pas pour autant.
Cela n'arrive qu'à
fort peu d'élus parmi les romanciers et les poètes ; on compte ceux qui ont fourni à la postérité un adjectif ou un
substantif capable de traverser les frontières et les âges, de susciter une atmosphère caractéristique, une forme
humaine personnalisée : homérique, shakespearien, balzacien, don quichottisme.
Et chez les peuples les plus séparés
par l'histoire, l'évolution politique, la religion, les guerres ou, bien pis, les barrières pacifiques de l'indifférence.
Huit villes se disputèrent longtemps l'honneur d'avoir donné le jour à Cervantes.
Alcala de Hénarès, ville de Castille,
non loin de Madrid, l'a finalement emporté.
Issu d'une famille pauvre mais honorable, catholique, de bonne race, de
sang vieux-chrétien, sans mélange d'hérétique ni de musulman, ainsi qu'en témoigne un acte authentique, il a pour
père un chirurgien ambulant ; et le mot de chirurgien me paraît un peu noble, au sens actuel, il faudrait plutôt dire
une sorte de barbier distingué ; employons, afin de nous tirer d'affaire, comme le subtil Francis de Miomandre qui a si
merveilleusement traduit notre auteur, le mot de phlébotomiste : le grec sauve tout.
Des volumes suffiraient à
peine, et on les a déjà publiés, à conter en détail la carrière de Cervantes, monotone, accablée de soucis sordides,
avec seulement, à son aurore, quelques éclats et hasards de guerres et de captivités, quelques éclaircies héroïques
ou tragiques.
Elle semblait fort romanesque à nos pères ; elle a perdu beaucoup de son originalité à nos yeux.
Évidemment l'illustre et spectaculaire bataille de Lépante, le modèle des grandes victoires inutiles, l'abordage des
pirates barbaresques, le bagne d'Alger, les évasions manquées, les sévices des gardes-chiourmes, les occupations,
comme soldat, des villes d'Italie, ces incidents de la jeunesse de notre homme lui assuraient naguère le respect et
l'admiration, l'envie refoulée peut-être des fils adolescents de bourgeois paisibles, des héritiers assurés d'une étude
de notaire ou d'un fonds de pharmacien ; mais, pour nous, ces sortilèges n'opèrent plus ; les massacres, les
occupations, les travaux forcés, la famine, les mutilations, leur souvenir ou leur perspective font partie de notre vie
courante, et le romanesque se détruit de lui-même par sa consommation quotidienne, sa vulgarisation ; dix ans de
ces tribulations ne constituent que le pourcentage normal du déboire sur la somme de nos années ; n'en demeure
que manchot, comme le rejeton du phlébotomiste, s'estime heureux.
La biographie de Cervantes, dont nous connaissons bien les grandes lignes, présente des trous ; il convient que trop
de précision ne corrompe pas entièrement le mystère qui lui sied, que nous ayons, en dehors de tout document,
quelques lacunes à meubler, que nous puissions, à défaut de l'exactement authentique, du certifié par le labeur des
érudits, imaginer le vrai.
Une enfance assez nomade dans les bagages du père, des études hachées il y aura
toujours de l'autodidacte chez Cervantes d'assez vagues débuts littéraires et, aussitôt, le départ pour l'Italie, soit
parmi la flatteuse domesticité d'un cardinal diplomate et ami des humanités, soit à la suite d'une fâcheuse affaire
d'honneur qui aurait mal tourné, les critiques en discutent ; bientôt l'engagement et l'habit bariolé du soldat
espagnol.
Le voici, comme on surnommait alors les fantassins des fameux tercios, papagayo, perroquet.
Il me plaît
de penser qu'il a servi sous les ordres de ce légendaire don Lope de Figueroa que, plus tard, Calderon a choisi pour
un des principaux personnages de son Alcade de Zalaméa et dont il nous a légué une silhouette haute en couleur
d'homme de guerre austère, loyal, coléreux, brave, tourmenté de rhumatismes, terriblement pointilleux sur la
discipline et les privilèges de l'armée, insupportable et plein de coeur.
Des marches, des contremarches, des
embarquements, des débarquements, des rembarquements, l'hôpital à Messine, l'ordinaire du métier.
Le jour de
Lépante, une heure d'élan et d'enthousiasme extraordinaires, une heure qui marquera tout son avenir, illuminera.
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