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Miguel Angel Asturias

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Que ce soit dans l'étroit bureau du journal radiophonique de Guatemala " Diario del Aire ", où je l'ai connu jadis, dans un restaurant du Quartier latin ou dans le grand appartement de Buenos Aires toujours empli de livres et d'amis choisis, Miguel Angel Asturias donne une impression de puissance tranquille et réfléchie, puisée aux sources mêmes de la Nature américaine au sein de laquelle il est né. C'est dans ce Guatemala de la Asunción que naquit l'écrivain, dans la quiétude bourgeoise d'une petite ville semi-espagnole, semi-coloniale, baignée de mysticisme et de sensualité baroque et colorée, superstitieuse et traversée de brusques fièvres modernistes. Il s'en évade pour connaître une jeunesse rurale chez les paisibles Indiens Mayas, avec les chasses étranges, l'incendie des bois pour donner du terrain aux semeurs de maïs, les incantations des sorciers aux bords des lacs mystérieux ou des énormes fleuves tropicaux, dans les villages primitifs où rien n'a changé depuis le peuplement du monde. Puis l'adolescence inquiète et turbulente sous des dictatures diverses mais également implacables, les grèves estudiantines, le dégoût d'une société pourrie et la création de groupes rebelles qui l'amène plus souvent en prison qu'à la Faculté.

« Miguel Angel Asturias Que ce soit dans l'étroit bureau du journal radiophonique de Guatemala " Diario del Aire ", où je l'ai connu jadis, dans un restaurant du Quartier latin ou dans le grand appartement de Buenos Aires toujours empli de livres et d'amis choisis, Miguel Angel Asturias donne une impression de puissance tranquille et réfléchie, puisée aux sources mêmes de la Nature américaine au sein de laquelle il est né. C'est dans ce Guatemala de la Asunción que naquit l'écrivain, dans la quiétude bourgeoise d'une petite ville semiespagnole, semi-coloniale, baignée de mysticisme et de sensualité baroque et colorée, superstitieuse et traversée de brusques fièvres modernistes. Il s'en évade pour connaître une jeunesse rurale chez les paisibles Indiens Mayas, avec les chasses étranges, l'incendie des bois pour donner du terrain aux semeurs de maïs, les incantations des sorciers aux bords des lacs mystérieux ou des énormes fleuves tropicaux, dans les villages primitifs où rien n'a changé depuis le peuplement du monde.

Puis l'adolescence inquiète et turbulente sous des dictatures diverses mais également implacables, les grèves estudiantines, le dégoût d'une société pourrie et la création de groupes rebelles qui l'amène plus souvent en prison qu'à la Faculté. Il s'en évade en 1923 pour gagner Londres, puis Paris, qui sera pendant dix ans le centre de ses activités intellectuelles. Mais les cours de la Sorbonne sont traversés de nostalgiques souvenirs qu'il réunit sous le titre de Légendes du Guatemala.

Déjà il prépare en lui ce livre magistral de Monsieur le Président, dans lequel il concentrera ses révoltes, ses élans visionnaires et cet amour infini pour la liberté de son pays.

Nombreux voyages à travers le monde ; fréquentation assidue des grands écrivains de ce temps, d'Anatole France à Valéry, Unamuno, Pirandello, Benedetto Croce, Maeterlinck et Alfonso Reyes.

Il participe dès le début au mouvement surréaliste d'André Breton et se mêle à tous les mouvements révolutionnaires de l'esprit et de l'art. De retour chez lui, en 1933, il s'installe en Argentine comme attaché culturel dès 1947 et là, il écrit ses meilleurs ouvrages : Hombre de maïz, Viento fuerte, El papa verde, Los ojos de los Enterrados et Week-end au Guatemala, tantôt représentant officiel de son pays, tantôt exilé politique.

Et c'est à nouveau en Europe qu'il mûrit actuellement son oeuvre de romancier ou de pamphlétaire. Il est certainement de nos jours le conteur le plus original des écrivains d'outre-Atlantique.

Prose et poésie s'ajustent harmonieusement dans ses récits où la richesse plastique de la forme, l'orchestration des aventures, les formules dynamiques de chaque image ou de chaque phrase font de lui un poète narrateur d'avant-garde d'une originalité inimitable. Il sait, mieux que personne, transvaser les vieilles cultures européennes dans celle des vieux peuples pré- colombiens dont les sangs divers bouillonnent en lui.

Il capte aussi bien les savants artifices des classiques du Siècle d'Or espagnol que les musiques ancestrales des livres sacrés des Mayas.

Ce faisant, il dévoile l'incommensurable richesse de ce parler hispano-américain, fortement soudé à la vieille souche ibérique, mais riche d'une faune exotique d'images et d'idées qui lui donnent une valeur poétique unique dans la littérature moderne. En bon fils de la race maya, Asturias sait bien que " les mots sont comme un masque qui recouvre les choses ".

De là, le mystère incantatoire de ses récits, l'envoûtement de ses descriptions servant de cadre à une intention sociale qui donne une généreuse noblesse à tout ce qui sort de la plume de l'écrivain. Ne parlons pas de littérature engagée.

Asturias est trop artiste pour s'astreindre à prêcher un credo politique.

Mais il est des types d'homme qu'il faut clouer au pilori, des puissances sociales malfaisantes qu'il faut dénoncer pour tout le mal qu'elles font depuis des siècles.

C'est pourquoi le romancier n'hésite jamais à défendre une thèse lorsqu'elle lui paraît juste et son art est toujours prêt à s'attaquer aux néfastes bastilles dont rien ne justifie la permanence. Sans doute l'écrivain goûte-t-il un plaisir contemplatif à ciseler son oeuvre, mais il veut que celle-ci soit un outil utile, indispensable, destiné à aider l'homme à se libérer.

Ainsi, se mêlent en ses ouvrages une esthétique neuve et un effort réaliste et vaillant pour mieux comprendre et mieux résoudre les problèmes de son Amérique.

Les poètes, a-t-il dit, ont souffert de la souffrance de tous les hommes dont ils sont les " dépositaires infiniment sensibles ". C'est pourquoi, sous le titre de Trilogie de la Compagnie bananière, il s'attaque, dans ses trois romans de Viento fuerte, El papa verde et Los ojos de los Enterrados, au conflit essentiel qui oppose la masse indienne rurale, esclave et affamée, aux puissances économiques étrangères soutenues par les plus infâmes dictateurs. En 1955, Asturias est attiré par le théâtre et écrit Soluna, sorte de ballet-poème, voyage au pays de la magie qui rejoint les préoccupations des Mayas, soumis aux influences du soleil et de la lune qui étaient pour eux les guides des destinées humaines.

L'anecdote, menue en soi, ne tend qu'à dépeindre la façon de vivre d'un peuple en réalisant le miracle d'intégrer sa réalité quotidienne dans le rêve où baigne l'essence même de son esprit. Mais conteur émouvant, biographe attentif et précis de sa race, Miguel Angel Asturias est avant tout un grand poète.

Il en a la vision cosmique et les images grandioses.

Il sait exprimer le message général de son monde à lui qu'il transfigure sans le dénaturer.

Il reprend à son compte les généreuses rêveries d'un Bartolomé de las Casas ou d'un Bolivar et leur redonne une réalité poignante.

Et si les fresques émouvantes qu'il brosse à la gloire de son peuple et de son pays touchent le lecteur par le torrent de poésie qu'elles dégagent, Asturias ne s'en déclare satisfait que si elles servent à émouvoir la conscience universelle en faveur de ses malheureux frères de race trop longtemps accablés sous la loi de fer des institutions et des hommes.. »

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