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Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661) - La pluie

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Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661) - La pluie Enfin la haute Providence Qui gouverne à son gré le temps, Travaillant à notre abondance Rendra les laboureurs contents : Sus ! que tout le monde s'enfuie, Je vois de loin venir la pluie, Le ciel est noir de bout en bout Et ses influences bénignes Vont tant verser d'eau sur les vignes Que nous n'en boirons point du tout. L'ardeur grillait toutes les herbes, Et tel les voyait consumer Qui n'eût pas cru tirer des gerbes Assez de grain pour en semer. Bref, la terre, en cette contrée, D'une béante soif outrée, N'avait souffert rien de pareil Depuis qu'une audace trop vaine Porta le beau fils de Climène Sur le brillant char du soleil. Mais les dieux mettant bas les armes Que leur font prendre nos péchés, Veulent témoigner par des larmes Que les nôtres les ont touchés : Déjà, l'humide Iris étale Son beau demi-cercle d'opale Dedans le vague champ de l'air Et, pressant mainte épaisse nue, Fait obscurcir à sa venue Le temps qui se montrait si clair. Ces pauvres sources épuisées Qui ne coulaient plus qu'en langueur, En tressaillent comme fusées D'une incomparable vigueur ; je pense, à les voir si hautaines, Que les eaux de mille fontaines Ont ramassé dedans ces lieux Ce qui leur restait de puissance Pour aller par reconnaissance Au devant de celles des cieux. Payen, sauvons-nous dans ta salle Voilà le nuage crevé ; O, comme à grands flots il dévale ! Déjà, tout en est abreuvé. Mon Dieu ! Quel plaisir incroyable ! Que l'eau fait un bruit agréable Tombant sur ces feuillages verts ! Et que je charmerais l'oreille Si cette douceur non pareille Se pouvait trouver en mes vers ! Çà, que l'on m'apporte une coupe : Du vin frais, il en est saison ; Puisque Cérès boit à la troupe, Il faut bien lui faire raison ! Mais non pas avec ce breuvage De qui le goût fade et sauvage Ne saurait plaire qu'aux sablons Ou à quelque jeune pucelle Qui ne but que de l'eau comme elle Afin d'avoir les cheveux blonds. Regarde à l'abri de ces saules Un pèlerin qui se tapit : Le dégoût perce ses épaules Mais il n'en a point de dépit. Contemple un peu dans cette allée Thibaut à la mine hâlée Marcher froidement par compas ; Le bonhomme sent telle joie Qu'encore que cette eau le noie, Si ne s'en ôtera-t-il pas. Vois déjà dans cette campagne Ces vignerons tout transportés Sauter comme genets d'Espagne Se démenant de tous côtés ; Entends d'ici tes domestiques Entrecouper leurs chants rustiques D'un fréquent battement de mains ; Tous les coeurs s'en épanouissent Et les bêtes s'en réjouissent Aussi bien comme les humains.

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