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Lecture linéaire de Giton : Les caractères de la Bruyère

Publié le 02/05/2023

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« OE3 : La littérature d'idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle Jean de La Bruyère, Les Caractères 1688, 1694 Parcours : la comédie sociale Lecture linéaire n° 15 Rédigée Jean de La Bruyère, Les Caractères, VI, 83 : le portrait de Giton Le chapitre « Des biens de fortune » précède ceux qui nous font parcourir les différentes classes sociales, indiquant ainsi la place prépondérante occupée par l’argent et le rôle qu’il joue dans les rapports sociaux.

Dès la deuxième remarque du chapitre, « Une grande naissance ou une grande fortune annonce le mérite et le fait plus tôt remarquer.

», La Bruyère marque le lien entre l’argent et le « mérite », c’est-à-dire le regard mélioratif porté sur celui qui a cet avantage.

Avec les portraits contrastés de Giton et de Phédon, le chapitre se ferme sur cette même relation : comment l’élaboration du portrait de Giton met-il en place la critique d’un comportement lié à une classe sociale ? Je propose de découper mon explication en 4 mouvements. Mouvement 1 : le portrait physique (lignes 1 et 2) Le portrait met d’abord l’accent sur le visage, avant de s’élargir progressivement comme pour reproduire l’entrée en scène du personnage, à la façon d’un acteur au théâtre. Son visage reflète sa vie aisée, qui lui permet de bien manger : « Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes ».

Son regard, son « œil fixe et assuré », traduit, lui, son sentiment de supériorité, confirmé par sa carrure et la façon dont il se tient.

Il impose ainsi sa présence : « les épaules larges, l’estomac haut ».

Le rythme de la première phrase semble reproduire, par l’énumération, le dernier trait mis en valeur à la fin, « la démarche ferme et délibérée » du personnage qui affirme sa présence à chaque pas. Mouvement 2 : un comportement grossier (des lignes 2 à 6) La Bruyère passe ensuite à la peinture du comportement de Giton, en multipliant les verbes d’action qui, par petites touches, confirment le sentiment de supériorité du personnage. Cela se révèle d’abord dans la conversation, qui joue un rôle essentiel dans la vie sociale du XVIIème siècle, comme l’a d’ailleurs indiqué, par le connecteur « et », le titre du chapitre précédent, « De la société et de la conversation ».

La gradation rythmique des trois propositions de la phrase fait progresser la critique : « Il parle avec assurance » ne concerne, en effet, que le locuteur, sûr de lui, mais « il fait répéter » ne peut que gêner « celui qui l’entretient », en donnant à son interlocuteur l’impression qu’il s’exprime mal ou que sa pensée est confuse.

Enfin, la négation restrictive met en valeur l’hyperbole qui suit, signe du mépris qu’il exprime ouvertement : « et il ne goûte que médiocrement tout ce qu’il lui dit.

» Les gestes accumulés par la parataxe qui les juxtapose, contredisent totalement les règles de bienséance attendues de "l’honnête homme", fondées sur la discrétion.

Au contraire, chez Giton, tout est amplifié, dans l’espace, « il déploie un vaste mouchoir », « il crache fort loin », comme pour le niveau sonore : il « se mouche avec grand bruit », « il éternue fort haut », et même « il ronfle en compagnie ».

De plus, alors qu’à cette époque, la bienséance exige de ne pas manifester ce qui relève des fonctions corporelles, Giton, pour sa part, ne fait preuve d’aucune gêne pour les manifester en public.

C’est sa grossièreté que La Bruyère met ainsi en relief. Le parallélisme, « Il dort le jour, il dort la nuit », associe le comportement grossier en public, à une sérénité plus générale, signe d’une vie sans soucis sur laquelle insiste l’ajout « et profondément ». Mouvement 3 : Giton en société (des lignes 6 à 14) On remarque la toute-puissance de Giton.

Une phrase générale introduit la façon dont Giton s’impose en société, dans les activités mondaines : « Il occupe à table et à la promenade plus de place qu’un autre.

» La Bruyère reproduit ensuite, en juxtaposant les propositions, le rythme de la promenade, en soulignant à nouveau le rôle prépondérant de Giton, par l’opposition des pronoms.

Le pronom « il » fait de Giton le sujet de toutes les actions : « il tient le milieu », « il s’arrête », « il continue de marcher », « il interrompt, il redresse », « il veut parler », « il débite ».

Face à lui, les pronoms indéfinis, « on » ou « tous », renvoient à un groupe d’assistants, tous soumis, comme le souligne la conjonction « et », qui marque la conséquence dans le contraste symétrique : « il s’arrête, et l’on s’arrête ; il continue de marcher, et l’on marche ». Toutefois, si La Bruyère blâme ce personnage irrespectueux des règles sociales, son blâme vise aussi une société qui lui reconnaît cette supériorité, d’autant plus scandaleuse à ses yeux que rien ne la justifie dans l’ordre hiérarchique : il est « avec ses égaux », et pourtant « tous se règlent sur lui.

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