Le roman est-il capable de restituer le réel ?
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Le roman est avant tout une histoire à caractère fictif.
Ainsi, ce type de définition nous éloigne a priori de l'idée que le genre du
roman est capable de restituer le réel.
Mais il convient de noter que certains auteurs désirent plus ou moins nous faire croire à la
vraisemblance de leur récit, voire que certains romans sont par essence autobiographiques.
En somme, ils sont inspirés de faits réels.
Toutefois, il se pourrait que l'objet du roman repose sur le mélange de la fiction et de la réalité, sur l'union de l'un et l'autre.
De la sorte, si le roman est capable de peindre le réel, dans quelle mesure cette réalité est-elle objective ou historique ?
L'auteur parvient-il toujours à dissocier le réel du fictif ? Enfin, le roman représente-t-il seulement une vision édulcorée et fantasmée
des événements ou plutôt une vérité propre à l'écrivain?
I/ Le réel : l'un des moteurs de l'écriture du roman
Du fait de sa complexité et du nombre de récits que l'on peut référencer dans la catégorie des romans, on s'aperçoit très
nettement que ce genre est le plus délicat à définir.
En effet, le roman évolue et se métamorphose au gré du temps et des courants
littéraires.
Il s'agit d'un genre protéiforme dont l'aptitude principale consiste à s'enrichir de tous les autres, tels que le théâtre ou
l'épopée… Cette caractéristique propre au roman permet ainsi d'affirmer que selon les cas le genre est capable de restituer du réel.
Qu'il soit autobiographique ou historique, le roman a une visée typiquement mimétique, car son écriture cherche à reproduire
l'existence sous toutes ses formes et va jusqu'à entraîner le lecteur vers une représentation vraisemblable du réel.
C'est pourquoi il est
impossible de nier la présence de faits réels dans le roman, même si la norme consiste à définir le roman sous le terme de fiction.
Le
réel apparaît comme une source de création, un moyen pour l'esprit du lecteur de situer un ou plusieurs personnages au sein d'un
contexte familier, dans une histoire fictive.
Le roman galant, notamment la Princesse de Clèves composé par Mme de Lafayette au XVIIe siècle ou encore philosophique
comme Candide de Voltaire au XVIII e siècle, fonctionnent, par exemple, à la manière de manuels d'histoire, dans la mesure où ils
restituent à la mémoire « contemporaine » la réalité d'une époque révolue.
Ils offrent de rendre réel des temps anciens et de la sorte il
devient possible d'affirmer que ce type de roman utilise le réel comme un instrument au service d'une histoire fictive pour la rendre la
plus vraisemblable possible.
Que dire alors des romans naturalistes et réalistes qui naissent au XIX e siècles, des autobiographies,
diverses et variées, disséminées au cours de l'histoire littéraire ou encore des romans historiques, en résumé de ces romans qui ont
pour objet de témoigner le réel, sinon qu'ils s'articulent autour de la réalité.
Une réalité qui n'est autre que le moteur de l'écriture.
Si le roman est capable de restituer le réel, c'est également un moyen de mieux nous faire connaître le monde.
Toutefois, ce
propos connaît des limites, puisque le genre du roman subit de nombreuses métamorphoses.
Tous les romans n'utilisent pas
nécessairement « le réel ».
Les romans de Balzac (par exemple : la Comédie Humaine) ou de Flaubert (par exemple : L'éducation
sentimentale) dressent un véritable portrait de la société à cette période et sont en effet capables de restituer la vérité.
En revanche, le
roman d'aventure (notamment Robinson Crusoé de Daniel Defoe au XVIIIe siècle) ou le roman fantastique s'en éloignent car ils n'ont
pas pour intention de décrire une réalité, mais davantage une fiction : ils fonctionnent en quelque sorte comme de pures
représentations de l'esprit, comme des voyages imaginaires.
II/ Le roman ou la nécessité d'avoir recours à la fiction littéraire :
Le recours à la fiction est donc l'un des principes fondamentaux du roman.
Le genre ne peut pas exclusivement restituer le réel
et décrire des événements historiques.
Le roman n'est pas un article de presse.
Ainsi, l'auteur utilise la fiction littéraire afin d'être
convaincant au yeux de son lecteur, sans pour autant encourir le risque d'être hermétique, il lui propose un « voyage littéraire ».
Dans
ce type de roman il est parfois difficile de mettre en lumière la fiction et la réalité, car ces deux dimensions ont besoin l'une de l'autre
pour enrichir l'oeuvre et la rendre plaisante.
Le message transmis se doit d'être abordable indépendamment du contexte ou du type de
littérature, car si les événements ou les personnages sont imaginaires ils ne doivent pas pour autant être irréalistes.
Pour réussir ce
pari, il semble évident que le public doit adhérer à l'histoire.
Des événements absurdes, des personnages incohérents sont autant
d'éléments qui éloignent le lecteur du récit.
Dans Madame Bovary, le personnage d'Emma se prend au jeu de l'invitation au voyage
« littéraire ».
Emma, qui vit dans un monde qu'elle ne supporte pas, incarne les possibilités offertes par la littérature de s'extirper du
monde.
Flaubert y signifie le pouvoir du roman, qui nous sauve de notre quotidien afin de nous faire pénétrer dans un univers
fantasmé.
Mais nous pouvons sans doute y voir également une mise en garde.
Par ailleurs, au début du XX e siècle, le recours à la fiction et aux éléments fantastiques est significatif du contournement de la
censure.
La dénonciation des crimes contre l'humanité s'exprime à travers des romans qui prennent une dimension politique
essentielle.
Certains romans décrivent un monde livré à la terreur ou à l'arbitraire de la dictature (les plus célèbres sont le Procès de
Kafka et 1984 d'Orwell).
Il est intéressant de souligner que le genre du roman évolue nécessairement avec l'histoire de l'humanité.
À
l'origine, s'il est un récit de fiction, il tend au XX e siècle à refléter largement la dimension tragique de l'Existence.
C'est la raison pour
laquelle le roman ne doit pas se résumer uniquement à la « fiction ».
III / Le roman ou le résultat d'un savant mélange entre réel et fictif
Afin de plaire et même d'enseigner, de convaincre ou de persuader, certains auteurs utilisent la fiction.
Mais si la fiction rend
l'histoire plus divertissante et lui assure un aspect ludique, elle permet surtout de montrer le monde tel qu'il est.
C'est donc un moyen
efficace pour persuader le lecteur en l'amusant et en l'intéressant à une histoire riches en rebondissements plutôt qu'en lui tenant des
discours sérieux.
La fiction littéraire use de nombreux ressorts plus ou moins puissants pour parvenir à convaincre et persuader.
Or il
arrive que celle-ci possède un caractère dangereux (lorsqu'elle devient trop convaincante) ou qu'elle soit mise en péril (si elle semble
trop hermétique).
Nous pouvons très brièvement évoquer les fictions littéraires à dessein politique et plus particulièrement xénophobe.
Le Mein Kampf d'Hitler (« Mon Combat »), rédigé alors qu'il était maintenu en détention, est une véritable apologie de l'idéologie
politique du nazisme, une logique de la haine.
Cet exemple démontre la puissance de persuasion (il s'agit ici d'une puissance
meurtrière) d'une fiction littéraire qui traduit aussi des intentions réelles.
En ce sens, le roman nous permet en effet de mieux connaître l'homme.
Les récits et témoignages de combattants, les anciens
déportés et rescapés de génocides traduisent cette volonté de restituer les faits tels qu'ils se sont passés ! Ceci n'a pas été sans
conséquence pour la forme romanesque, puisque l'on a vu apparaître des romans non fictionnels, utilisant pourtant la forme
romanesque (par exemple : Si c'est un homme, Primo Levi).
Il semble a priori que le roman permet d'orienter notre connaissance du
monde, et sans doute de mieux le connaître (notamment au XX e siècle).
Mais cette situation n'a pas toujours été le cas.
Le roman est
un voyage personnel, la transcription sur le papier de notre perception du monde, en cela il correspond à un voyage intérieur, qui
permet sinon de mieux connaître le monde, de mieux connaître l'évolution du genre humain, d'en peindre la réalité..
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