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LE GÉNIE DE ROUSSEAU

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Rousseau est présent dans tous ses écrits; mais il se raconte et se décrit directement dans ses oeuvres autobiographiques : Les Confessions, les Dialogues, les Rêveries; et aussi dans sa correspondance. Grâce à ces témoignages, qui se complètent, une personnalité étrange et complexe se découvre à nous. LES CONTRADICTIONS DU TEMPÉRAMENT. Rousseau apparaît comme un génie magnifiquement pourvu par la nature des dons du coeur et de l'esprit, mais aussi foncièrement inapte à les utiliser en société pour assurer sa fortune et son bonheur. Les dons naturels. Rousseau possède « un tempérament très ardent, des passions vives, impétueuses »; ses émotions procèdent souvent de ses sens, et il se proclame touché fortement par « de beaux sons, un beau ciel, un beau paysage, un beau lac, des fleurs, des parfums, de beaux yeux, un beau regard »; mais elles ont souvent aussi une origine morale, et il signale le plaisir qu'il éprouve à « voir des visages contents »; à l'égard de ses semblables, il témoigne d'une « bienveillance » spontanée, et un instinct le pousse à souffrir pour la vérité, à travailler pour le bien public.

« Rousseau est présent dans tous ses écrits; mais il se raconte et se décrit directement dans ses oeuvres autobiographiques : Les Confessions, les Dialogues, les Rêveries; et aussi dans sa correspondance.

Grâce à ces témoignages, qui se complètent, une personnalité étrange et complexe se découvre à nous. LES CONTRADICTIONS DU TEMPÉRAMENT. Rousseau apparaît comme un génie magnifiquement pourvu par la nature des dons du coeur et de l'esprit, mais aussi foncièrement inapte à les utiliser en société pour assurer sa fortune et son bonheur. Les dons naturels.

Rousseau possède « un tempérament très ardent, des passions vives, impétueuses »; ses émotions procèdent souvent de ses sens, et il se proclame touché fortement par « de beaux sons, un beau ciel, un beau paysage, un beau lac, des fleurs, des parfums, de beaux yeux, un beau regard »; mais elles ont souvent aussi une origine morale, et il signale le plaisir qu'il éprouve à « voir des visages contents »; à l'égard de ses semblables, il témoigne d'une « bienveillance » spontanée, et un instinct le pousse à souffrir pour la vérité, à travailler pour le bien public.

Il a l'imagination aussi vive que la sensibilité; persuadé qu'« il n'y a rien de si beau que ce qui n'existe pas », il se laisse emporter consciemment par son goût des chimères.

Mais, à l'occasion, il exerce à l'étude du réel un esprit vigoureux et presque universel : « Je suis né avec quelque talent », a-t-il écrit en plusieurs endroits; quelles dispositions naturelles ne lui a-t-il pas fallu, en effet, alors qu'il fut toujours livré à lui-même ou mal dirigé, pour acquérir une culture immense, et pour mener de front, pendant les périodes les plus fécondes de sa vie, tant d'oeuvres diverses! L'inaptitude à la vie sociale.

Rousseau, pourtant, malgré ses facultés éminentes, demeura presque constamment incompris; les dispositions morales qui le condamnèrent à la solitude procèdent en partie de ses dons eux-mêmes. Sa « vivacité de sentir » le rend sensible à l'excès aux blessures d'amour-propre; on restait difficilement en béons rapports avec lui; il est incapable de supporter la moindre contrainte extérieure; il possède « un indomptable esprit de liberté que rien n'a pu vaincre »; l'idée d'une obligation quelconque lui est odieuse : « Sitôt que je sens le joug, soit de la nécessité, soit des hommes, je deviens rebelle, ou plutôt rétif »; et il ne se sent vraiment libre que quand il est seul.

Son goût des chimères entraîne une incapacité profonde à accepter la société telle qu'elle est; il s'est déclaré parfois « dégoûté de tout ce qui l'entourait ».

Enfin, son esprit est moins vif qu'il est profond : il note dans ses Confessions que ses idées sont « lentes à naître, embarrassées »; et s'il était habile à en débrouiller le chaos quand il rédigeait, il n'avait pas le même recours dans la conversation; faute de présence d'esprit, il était lourd et maladroit : « Cette insupportable contrainte m'eût seule dégoûté de la société.

» LES CONTRADICTIONS DE LA CONDUITE Rousseau accomplit des actes noblement désintéressés et commit des fautes déconcertantes.

La nature, en lui, commande de beaux élans; pourtant, il est capable, en société, de commettre les pires lâchetés. Les élans de l'homme naturel.

Rousseau fut souvent, comme il l'a proclamé en tête de ses Confessions, « bon, généreux, sublime ».

Maintes circonstances nous le révèlent hautement estimable : il éprouve une joie sincère à faire le bien; il refuse pensions et sinécures, gagne sa vie en copiant de la musique; il ne manque pas de courage, et, seul parmi les écrivains militants de son siècle, signe tous ses écrits. Les faiblesses de l'homme social.

Parfois aussi, cependant, il se montre « misérable et vil ».

Que de faiblesses dans sa vie! Il eut l'humilité ou l'orgueil de n'en cacher aucune.

Certes, les fautes de sa jeunesse s'expliquent par une éducation négligée, par des fréquentations malsaines.

Mais comment justifier, dans son âge mûr, l'abandon des cinq enfants que lui avait donnés Thérèse ? Il a tenté de faire apparaître son acte comme raisonnable et sagement médité; mais les justifications qu'il en donne sont difficilement recevables. LE DRAME DE ROUSSEAU Cette inaptitude à la vie sociale est aussi à l'origine du drame qui s'est joué dans son âme perpétuellement inquiète du bonheur.

Rousseau fit constamment effort pour s'abandonner à ses pensées et à ses rêves; mais il réussit rarement à s'évader de la servitude à laquelle le condamnait la vie parmi les hommes Le bonheur de la solitude.

Lorsque Rousseau put être vraiment seul, il fut vraiment heureux, car il jouissait de ses richesses intérieures.

Il connut le bonheur aux Charmettes : « Je ne désirais rien que la continuation d'un état si doux.

» En arrivant à l'Ermitage, il s'écrie : « Enfin tous mes voeux sont accomplis »; il se livre sans arrière-pensée à son « délire champêtre ».

Dans l'île Saint-Pierre, il s'adonne librement aux plaisirs de la botanique, aux joies de la rêverie. Les misères de la vie sociale.

Au contraire, Rousseau souffrit jusqu'à la démence de ses contacts avec les hommes.

Ses aventures sur les routes furent souvent amères.

Son séjour à Paris fut mêlé de déceptions.

Sa vie à l'Ermitage lui fut vite rendue intolérable par un entourage indiscret ou malveillant.

Il dut faire front contre des ennemis de plus en plus nombreux, connut l'exil, la vie errante, et finit par concevoir une défiance irraisonnée à l'égard de la société tout entière.

Dans les deux dernières années de sa vie seulement, le drame se dénoue : Rousseau renonce à la lutte et trouve la paix dans un isolement farouche, qui ne manque pas de grandeur. Ainsi, la vie de Rousseau illustre l'opposition qui est au centre de son système entre la bonté primitive de l'homme et les vices de l'état civil.

Nous comprendrons mieux le sens profond de ce système si nous avons pu entrer dans la familiarité de l'homme qui l'a conçu.. »

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