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La Fontaine (1621-1695), Fables, IX, 8 « Le Fou qui vend la sagesse »

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La Fontaine (1621-1695), Fables, IX, 8 « Le Fou qui vend la sagesse » Jamais auprès des fous ne te mets à portée. Je ne te puis donner un plus sage conseil. Il n'est enseignement pareil À celui-là de fuir une tête éventée1. 5 On en voit souvent dans les cours. Le Prince y prend plaisir ; car ils donnent toujours Quelque trait2 aux fripons, aux sots, aux ridicules. Un Fola allait criant3 par tous les carrefours Qu'il vendait la sagesse, et les mortels crédules 10 De courir à l'achat ; chacun fut diligent4. On essuyait force grimaces ; Puis on avait pour son argent, Avec un bon soufflet, un fil long de deux brasses5. La plupart s'en fâchaient ; mais que leur servait-il ? 15 C'étaient les plus moqués ; le mieux était de rire, Ou de s'en aller, sans rien dire, Avec son soufflet et son fil. De chercher du sens à la chose, On se fût fait siffler ainsi qu'un ignorant. 20 La raison est-elle garant De ce que fait un fou ? Le hasard est la cause De tout ce qui se passe en un cerveau blessé. Du fil et du soufflet pourtant embarrassé, Un des dupes un jour alla trouver un sage, 25 Qui, sans hésiter davantage, Lui dit : « Ce sont ici hiéroglyphes tout purs. Les gens bien conseillés, et qui voudront bien faire, Entre eux et les gens fous mettront pour l'ordinaire La longueur de ce fil ; sinon je les tiens sûrs 30 De quelque semblable caresse. Vous n'êtes point trompé : ce fou vend la sagesse. »

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