Devoir de Français

JEAN LEMAIRE DE BELGES

Extrait du document

Jean Lemaire illustre la sérénité de l'« ouvroir » poétique, le travail calme d'une inspiration sûre d'avoir dans la technique l'alliée la plus évidente. Servir les pouvoirs et la rhétorique Né à Bavai (Belges) dans le Hainaut, Jean Lemaire appartient à une province rattachée à la Bourgogne : son parrain, le rhétoriqueur Jean Molinet, est historiographe du duché. Il reçoit la tonsure et fait probablement des études à l'Université de Paris, avant d'être employé comme clerc de finances par Pierre II de Bourbon, mari d'Anne de Beaujeu. Celui-ci meurt bientôt et Lemaire, encouragé à la poésie par Guillaume Crétin, compose un prosimètre funéraire, le Temple d'Honneur et de Vertu (publ. 1504) : utilisant la riche tradition du mythe du Mont de Vertu (d'Hésiode à Boccace), ainsi que le genre pastoral médiéval, et subissant des influences plus récentes (pétrarquistes italiens, Molinet), il témoigne d'une vaste culture classique, d'un sens des nouveaux rythmes (première utilisation de la terza rima italienne en France) et d'une fidélité à l'allégorie qui compose déjà avec l'emblématique renaissante : des « images taillées », formant en acrostiches des devises et le nom du défunt, sont livrées à l'interprétation des personnages. La mort de son protecteur suivant, Louis de Luxembourg, lui inspire la Plainte du Désiré, où il trace d'élégants portraits de Nature et de Peinture ; sous les allégories, on peut sentir le réel impact de l'art flamand et particulièrement de Jean Pérréal (dit Jean de Paris), peintre et organisateur de fêtes. L'impuissance de dame Rhétorique à consoler peut être comprise comme une reconnaissance de la supériorité de la peinture dans la concurrence des arts, d'autant plus que Lemaire cite aussi des peintres italiens de l'époque comme Léonard. Passé au service de Marguerite d'Autriche, il a cette fois à déplorer la mort de Philibert de Savoie (1504) dans une Couronne margaritique plutôt adressée à sa femme : dix philosophes et poètes choisissent des pierres précieuses, des fleurs, des vertus et des femmes légendaires suivant les initiales de Marguerite, prétexte au déploiement d'une poésie allégorique et encyclopédique dont Rémy Belleau se souviendra. Les Épîtres de l'amant vert (1505) commencent aussi comme une (fausse) déploration... Puis Lemaire voyage en Italie et lorsque Philippe le Beau meurt, il écrit pour Marguerite les Regrets de la Dame Infortunée qui proposent des variations ingénieuses autour de la lettre M (comme Mort), dans un lettrisme de rhétoriqueur. À l'occasion de l'« Oraison funèbre de Molinet », il écrit ses premiers alexandrins, et il est alors historiographe à la cour de Bourgogne. Marguerite lui confie la construction de l'église de Brou, futur mausolée, mais il devra l'abandonner pour des raisons techniques. Après avoir écrit les Chansons de Namur (1507) qui se moquent de la déroute des Français, Lemaire se rapproche de la cour de France et se lie avec Symphorien Champier. En 1509, il obtient le privilège pour ses Illustrations de Gaule (L. I), qu'il publiera avec un Traité des Schismes, très gallican, et un Blason de Venise, antivénitien (1510-1511). Conseiller des Princes, il écrit une astucieuse Épître du Roi à Hector contre le pape et traduit l'histoire d'Ali, par laquelle il suggère d'utiliser les divergences entre les sectes mahométanes. Devenu chroniqueur de la reine Anne de Bretagne en 1512, il semble ne publier ensuite que les IIe et IIIe Livres des Illustrations (1513).

Liens utiles