« Je ne connais rien de plus délectable, a dit Sainte-Beuve, ni de plus profitable pour la connaissance des oeuvres littéraires qu'une biographie bien faite ». Commentez cette opinion.

« « Je ne connais rien de plus délectable, a dit Sainte-Beuve, ni de plus profitable pour la connaissance des oeuvres littéraires qu'une biographie bien faite ».

Commentez cette opinion. Introduction : a) A la critique dogmatique (Boileau, Voltaire, etc.) qui jugeait les oeuvres conformément à un idéal fondé sur la Raison, Sainte-Beuve a substitué une critique qui prétend les « expliquer ». b) Il n'est pas étonnant qu'il ait attaché tant d'importance aux biographies « bien faites ». c) Mais est-ce suffisant pour « expliquer » entièrement toute oeuvre d'art ? I.

— Qu'est-ce qu'une biographie bien faite ? : Sainte-Beuve lui-même nous l'explique.

Il s'agit de recueillir tous les renseignements sur la vie de l'écrivain pour : a) déterminer le milieu où il est né et les influences qui se sont exercées sur lui; b) savoir ensuite l'éducation qu'il a reçue et les études qu'il a faites; c) connaître les groupes qu'il a fréquentés et la société où il a vécu; d) étudier son caractère, ses goûts, ses idées, sa manière de vivre; e) enfin unir au souci de vérité des qualités d'art et de vie pour que la biographie soit non seulement exacte, mais aussi attrayante. Faut-il ajouter qu'elle ne doit pas se perdre dans les détails inutiles ? II.

— Plaisir de lire une biographie bien faite : a) A la lecture d'un roman, nous mesurons la marge qui sépare fantaisie et réalité : une biographie nous fait connaître un homme qui a réellement vécu. b) Nous avons le plaisir de découvrir un être exceptionnel. c) Un grand esprit étant mêlé aux événements de son temps, connaître sa réaction, c'est revivre l'époque où il a vécu.

Cette biographie aura l'avantage de susciter sympathie, admiration ou curiosité. III.

— Utilité de cette biographie : a) Déjà Diderot avait souligné l'influence du climat et du milieu physique.

Je suis bien de mon pays . b) L'influence du milieu familial et de l'éducation peut être décisive.

(Ex.

: Corneille est l'élève des Jésuites et Racine celui des Jansénistes.

Balzac prétend qu'il doit à sa mère son imagination). c) Comment nier l'influence des voyages sur Montaigne et sur son scepticisme.

Voltaire revient d'Angleterre plus mordant, plus optimiste et de Prusse plus anticlérical et antimilitariste que jamais ! d) La vie intime des grands lyriques explique leurs poèmes : la mort d'Elvire éveille Lamartine à la poésie. e) Enfin les circonstances historiques expliquent l'évolution d'un esprit comme Hugo dont les oeuvres sont plus humanitaires et plus sociales après 1830. IV.

— Discussion : a) L'influence de la vie n'est ni décisive ni certaine quand il s'agit d'oeuvres impersonnelles (Classiques ou Parnassiens) ou de genres par nature impersonnels. b) Un chef-d'oeuvre doit être largement humain et dépasser le cadre de l'individu du milieu et du moment. c) Un génie n'est pas une résultante (Taine), car il est en grande partie inexplicable.

Les circonstances expliquent le dessein d'une oeuvre, mais non sa qualité. d) L'oeuvre explique souvent la vie, car, alors, c'est l'oeuvre qui fait la vie (Montaigne, Michelet). Conclusion : Il faut se garder de systématiser.

L'oeuvre, c'est-à-dire "l'acte des Muses" comme dit Valéry, est encore plus importante que la vie.. »