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François de MALHERBE (1555-1628) - C'est assez, mes désirs, ...

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François de MALHERBE (1555-1628) - C'est assez, mes désirs, ... C'est assez, mes désirs, qu'un aveugle penser, Trop peu discrètement vous ait fait adresser Au plus haut objet de la terre ; Quittez cette poursuite, et vous ressouvenez Qu'on ne voit jamais le tonnerre Pardonner au dessein que vous entreprenez. Quelque flatteur espoir qui vous tienne enchantés, Ne connaissez-vous pas qu'en ce que vous tentez Toute raison vous désavoue ? Et que vous m'allez faire un second Ixion, Cloué là-bas sur une roue, Pour avoir trop permis à son affection ? Bornez-vous, croyez-moi, dans un juste compas, Et fuyez une mer, qui ne s'irrite pas Que le succès n'en soit funeste ; Le calme jusqu'ici vous a trop assurés ; Si quelque sagesse vous reste, Connaissez le péril, et vous en retirez. Mais, ô conseil infâme, à profanes discours, Tenus indignement des plus dignes amours Dont jamais âme fut blessée ; Quel excès de frayeur m'a su faire goûter Cette abominable pensée, Que ce que je poursuis me peut assez coûter ? D'où s'est coulée en moi cette lâche poison, D'oser impudemment faire comparaison De mes épines à mes roses ? Moi, de qui la fortune est si proche des cieux, Que je vois sous moi toutes choses, Et tout ce que je vois n'est qu'un point à mes yeux. Non, non, servons Chrysante, et sans penser à moi, Pensons à l'adorer d'une aussi ferme foi Que son empire est légitime ; Exposons-nous pour elle aux injures du sort ; Et s'il faut être sa victime, En un si beau danger moquons-nous de la mort. Ceux que l'opinion fait plaire aux vanités, Font dessus leurs tombeaux graver des qualités, Dont à peine un Dieu serait digne ; Moi, pour un monument et plus grand et plus beau, Je ne veux rien que cette ligne : L'exemple des amants est clos dans ce tombeau.

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