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Émile VERHAEREN (1855-1916) (Recueil : Les villes tentaculaires) - Une statue (2)

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Émile VERHAEREN (1855-1916) (Recueil : Les villes tentaculaires) - Une statue (2) Au carrefour des abattoirs et des casernes, Il apparaît, foudroyant et vermeil, Le sabre en bel éclair dans le soleil. Masque d'airain, bicorne d'or ; Et l'horizon, là-bas, où le combat se tord, Devant ses yeux hallucinés de gloire ! Un élan fou, un bond brutal Jette en avant son geste et son cheval Vers la victoire. Il est volant comme une flamme, Ici, plus loin, au bout du monde, Qui le redoute et qui l'acclame. Il entraîne, pour qu'en son rêve ils se confondent, Dieu, son peuple, ses soldats ivres ; Les astres mêmes semblent suivre, Si bien que ceux Qui se liguent pour le maudire Restent béants : et son vertige emplit leurs yeux. Il est de calcul froid, mais de force soudaine : Des fers de volonté barricadent le seuil Infrangible de son orgueil. Il croit en lui - et qu'importe le reste ! Pleurs, cris, affres et noire et formidable fête, Avec lesquels l'histoire est faite. Il est la mort fastueuse et lyrique, Montrée, ainsi qu'une conquête, Au bout d'une existence en feu et en tempête. Il ne regrette rien de ce qu'il accomplit, Sinon que les ans brefs aillent trop vite Et que la terre immense soit petite. Il est l'idole et le fléau : Le vent qui souffle autour de son front clair Toucha celui des Dieux armés d'éclairs. Il sent qu'il passe en brusque orage et que sa destinée Est de tomber comme un écroulement, Le jour où son étoile étrange et effrénée, Cristal rouge, se cassera au firmament. Au carrefour des abattoirs et des casernes, Il apparaît, foudroyant et vermeil, Le sabre en bel éclair dans le soleil.

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