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Corneille, Polyeucte, acte IV, scène 3.

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Corneille, Polyeucte, acte IV, scène 3. Polyeucte. Madame, quel dessein vous fait me demander ? Est-ce pour me combattre, ou pour me seconder ? Cet effort généreux de votre amour parfaite Vient-il à mon secours, vient-il à ma défaite ? Apportez-vous ici la haine, ou l'amitié, Comme mon ennemie, ou ma chère moitié ? Pauline. Vous n'avez point ici d'ennemi que vous-même : Seul vous vous haïssez, lorsque chacun vous aime ; Seul vous exécutez tout ce que j'ai rêvé : Ne veuillez pas vous perdre, et vous êtes sauvé. À quelque extrémité que votre crime passe, Vous êtes innocent si vous vous faites grâce. Daignez considérer le sang dont vous sortez, Vos grandes actions, vos rares qualités : Chéri de tout le peuple, estimé chez le prince, Gendre du gouverneur de toute la province ; Je ne vous compte à rien le nom de mon époux : C'est un bonheur pour moi qui n'est pas grand pour vous ; Mais après vos exploits, après votre naissance, Après votre pouvoir, voyez notre espérance, Et n'abandonnez pas à la main d'un bourreau Ce qu'à nos justes voeux promet un sort si beau. Polyeucte. Je considère plus ; je sais mes avantages, Et l'espoir que sur eux forment les grands courages : Ils n'aspirent enfin qu'à des biens passagers, Que troublent les soucis, que suivent les dangers ; La mort nous les ravit, la fortune s'en joue ; Aujourd'hui dans le trône, et demain dans la boue ; Et leur plus haut éclat fait tant de mécontents, Que peu de vos Césars en ont joui longtemps. J'ai de l'ambition, mais plus noble et plus belle : Cette grandeur périt, j'en veux une immortelle, Un bonheur assuré, sans mesure et sans fin, Au-dessus de l'envie, au-dessus du destin.

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