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Corneille, Cinna, acte 4, scène 2

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Corneille, Cinna, acte 4, scène 2 Auguste Ciel ! à qui voulez-vous désormais que je fie Les secrets de mon âme et le soin de ma vie ? Reprenez le pouvoir que vous m'avez commis, Si donnant des sujets il ôte les amis, Si tel est le destin des grandeurs souveraines Que leurs plus grands bienfaits n'attirent que des haines, Et si votre rigueur les condamne à chérir Ceux que vous animez à les faire périr. Pour elles rien n'est sûr ; qui peut tout doit tout craindre. Rentre en toi-même, Octave, et cesse de te plaindre. Quoi ! Tu veux qu'on t'épargne, et n'as rien épargné ! Songe aux fleuves de sang où ton bras s'est baigné, De combien ont rougi les champs de Macédoine, Combien en a versé la défaite d'Antoine, Combien celle de Sexte, et reçois tout d'un temps Pérouse au sien noyée, et tous ses habitants. Remets dans ton esprit, après tant de carnages, De tes proscriptions les sanglantes images, Où toi-même, des tiens devenu le bourreau, Au sein de ton tuteur enfonça le couteau : Et puis ose accuser le destin d'injustice Quand tu vois que les tiens s'arment pour ton supplice, Et que, par ton exemple à ta perte guidés, Ils violent des droits que tu n'as pas gardés ! Leur trahison est juste, et le ciel l'autorise : Quitte ta dignité comme tu l'as acquise ; Rends un sang infidèle à l'infidélité, Et souffre des ingrats après l'avoir été. Mais que mon jugement au besoin m'abandonne ! Quelle fureur, Cinna, m'accuse et te pardonne, Toi, dont la trahison me force à retenir Ce pouvoir souverain dont tu me veux punir, Me traite en criminel, et fait seul mon crime, Relève pour l'abattre un trône illégitime, Et, d'un zèle effronté couvrant son attentat, S'oppose, pour me perdre, au bonheur de l'État ? Donc jusqu'à l'oublier je pourrais me contraindre ! Tu vivrais en repos après m'avoir fait craindre ! Non, non, je me trahis moi-même d'y penser : Qui pardonne aisément invite à l'offenser ; Punissons l'assassin, proscrivons les complices. Mais quoi ! toujours du sang, et toujours des supplices ! Ma cruauté se lasse, et ne peut s'arrêter ; Je veux me faire craindre et ne fais qu'irriter.

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