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Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, Acte II, scène 19

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Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, Acte II, scène 19 LA COMTESSE, assise, SUZANNE, LE COMTE LE COMTE sort du cabinet d'un air confus. Après un court silence. Il n'y a personne, et pour le coup j'ai tort. - Madame... vous jouez fort bien la comédie. SUZANNE, gaiement. Et moi, Monseigneur ? La Comtesse, son mouchoir sur la bouche, pour se remettre, ne parle pas. LE COMTE s'approche. Quoi ! madame, vous plaisantiez ? LA COMTESSE, se remettant un peu. Eh pourquoi non, monsieur ? LE COMTE. Quel affreux badinage ! et par quel motif, je vous prie ... ? LA COMTESSE. Vos folies méritent-elles de la pitié ? LE COMTE. Nommer folies ce qui touche à l'honneur ! LA COMTESSE, assurant son ton par degrés. Me suis-je unie à vous pour être éternellement dévouée à l'abandon et à la jalousie, que vous seul osez concilier ? LE COMTE. Ah ! madame, c'est sans ménagement. SUZANNE. Madame n'avait qu'à vous laisser appeler les gens. LE COMTE. Tu as raison, et c'est à moi de m'humilier... Pardon, je suis d'une confusion !... SUZANNE. Avouez, monseigneur, que vous la méritez un peu ! LE COMTE. Pourquoi donc ne sortais-tu pas lorsque je t'appelais ? Mauvaise ! SUZANNE. Je me rhabillais de mon mieux, à grand renfort d'épingles ; et Madame, qui me le défendait, avait bien ses raisons pour le faire. LE COMTE. Au lieu de rappeler mes torts, aide-moi plutôt à l'apaiser. LA COMTESSE. Non, monsieur ; un pareil outrage ne se couvre point. Je vais me retirer aux Ursulines, et je vois trop qu'il en est temps. LE COMTE. Le pourriez-vous sans quelques regrets ? SUZANNE. Je suis sûre, moi, que le jour du départ serait la veille des larmes. LA COMTESSE. Eh ! quand cela serait, Suzon ? j'aime mieux le regretter que d'avoir la bassesse de lui pardonner ; il m'a trop offensée. LE COMTE. Rosine !... LA COMTESSE. Je ne la suis plus, cette Rosine que vous avez tant poursuivie. Je suis la pauvre comtesse Almaviva, la triste femme délaissée, que vous n'aimez plus. SUZANNE. Madame ! LE COMTE, suppliant. Par pitié ! LA COMTESSE. Vous n'en aviez aucune pour moi. LE COMTE. Mais aussi ce billet... Il m'a tourné le sang ! LA COMTESSE. Je n'avais pas consenti qu'on l'écrivît. LE COMTE. Vous le saviez ? LA COMTESSE. C'est cet étourdi de Figaro... LE COMTE. Il en était ? LA COMTESSE. ... qui l'a remis à Bazile. LE COMTE. Qui m'a dit le tenir d'un paysan. Ô perfide chanteur, lame à deux tranchants ! C'est toi qui payeras pour tout le monde. LA COMTESSE. Vous demandez pour vous un pardon que vous refusez aux autres : voilà bien les hommes ! Ah ! si jamais je consentais à pardonner en faveur de l'erreur où vous a jeté ce billet, j'exigerais que l'amnistie fût générale. LE COMTE. Eh bien, de tout mon coeur, Comtesse. Mais comment réparer une faute aussi humiliante ? LA COMTESSE se lève. Elle l'était pour tous deux. LE COMTE. Ah ! dites pour moi seul. - Mais je suis encore à concevoir coment les femmes prennent si vite et si juste l'air et le ton des circonstances. Vous rougissiez, vous pleuriez, votre visage était défait ... D'honneur il l'est encore.

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