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Attendez-vous de la poésie qu'elle vous fasse voyager, découvrir autre chose que l'univers qui vous entoure au quotidien ?

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Le deuxième volet du sujet évoque une découverte d'autre chose que l'univers qui nous entoure au quotidien. On pourra poser, en effet, que la lecture de la poésie peut être comprise comme une exploration imaginaire, comme une découverte de manières de penser, de sentir, de voir le monde qui ne nous sont pas propres mais que nous avons plaisir à voir à l'oeuvre. Lire les poèmes de Senghor, par exemple, c'est découvrir des images de l'Afrique. L'argumentation de cette première partie se trouve limitée par le fait qu'elle ne pose pas la question de l'essence de la poésie : c'est cette question que la seconde partie va prendre en charge.     Poésie, art du langage et expression de soi   Les poètes ne définissent jamais leur art comme un moyen de divertir ou de faire découvrir aux lecteurs des choses dont ils ne sont pas coutumiers : cela pose problème, car le lecteur ne peut alors pas s'empêcher de penser qu'il manque quelque chose s'il réduit la poésie à un moyen de divertissement et de découverte. Les poètes insistent sur le fait qu'ils jouent sur la langue, qu'ils font de l'art avec les mots comme matériaux : de la Défense et illustration de la langue française de Du Bellay à l'Oulipo de Queneau, la langue apparaît comme un matériau et un souci essentiels pour les poètes ; ne pas prendre en compte cela, c'est manquer sans doute une large part de l'essence de l'art poétique. D'autre part, le matériau thématique travaillé par les poètes ne se réduit que difficilement à un matériau de divertissement. Si l'on prend l'exemple des poètes du XIXè siècle, Baudelaire, Nerval, Rimbaud, cherchent bien plus à saisir des singularités de la vie et du psychisme qu'à peindre des tableaux divertissants et instructifs pour leurs lecteurs. Il faut donc requalifier la notion de « voyage » proposée par le sujet, si l'on veut lui conserver une pertinence.   Le voyage proposé par la poésie n'est pas un voyage de découverte divertissant mais un voyage intérieur   Si la poésie fait voyager son lecteur, c'est à un voyage intérieur qu'elle le convie, bien plus qu'à un voyage divertissant qui lui fera découvrir autre chose que ce qu'il a l'habitude de voir.

« Définition des termes du sujet Ce sujet s'adresse directement à nous (« qu'attendez-vous ? ») en tant que lecteurs de poésie.

Il s'agit donc de nous interroger sur nos expériences de lecture poétique et sur les attentes que nous nourrissons à leur égard.

Mais il ne faudra pas limiter la réflexion à la restitution d'une expérience de lecture : il faudra aussi réfléchir à ce qu'est la poésie, et se demander notamment s'il est pertinent d'attendre de la poésie qu'elle « nous fasse voyager, découvrir autre chose que l'univers qui nous entoure », ou si c'est manquer l'essence de la poésie que de déclarer cela sans rien y ajouter. Il convient dans un premier temps de définir les termes du sujet.

« Faire voyager » est une expression ici employée d'une manière métaphorique et développée par l'expression qui la suit : « découvrir autre chose que l'univers qui vous entoure au quotidien ».

Le type de voyage évoqué ici se précise alors : il s'agit d'un voyage dans un « ailleurs », d'une forme de divertissement peut-être, ou d'éducation à de nouvelles choses – le mot « quotidien » peut être compris d'une manière peut-être assez péjorative, c'est ce que nous voyons en effet tous les jours, cette idée peut contenir celle d'une certaine monotonie ou d'une certaine fadeur.

La poésie aurait alors pour fonction de nous divertir, au sens étymologique du terme, c'est-à-dire de nous détourner de notre vie quotidienne envisagée comme morne peut-être.

Elle serait un moyen d'ouverture au monde, un moyen de découvrir d'autres choses.

Cette idée d'une « découverte d'autre chose » est problématique : c'est une notion extrêmement vague, qui, surtout, ne recoupe pas les esthétiques poétiques proposées par les poètes eux-mêmes.

Ceux-ci, en effet, semblent considérer la poésie avant tout comme un moyen d'expression d'eux-mêmes et du réel tel qu'ils le perçoivent, pas du tout comme un moyen de divertir un public.

Les attentes du lecteur et celles du poète seraient-elles alors en inadéquation, par exemple parce que le lecteur aurait l'habitude d'attendre du roman, par exemple, un divertissement, ou faut-il considérer que c'est ce que le lecteur attend de la poésie quand il déclare qu'il y cherche le voyage ou la découverte de choses différentes de son quotidien qui est une conception erronée de la poésie, et peut-être de la littérature ? Autrement dit, la définition implicite de la poésie contenue dans le sujet n'est-elle pas particulièrement réductrice quant à l'essence de la poésie elle-même ? Eléments pour le développement Voyage et découverte : une attente légitime à l'égard de la poésie Une première partie pourra être consacrée à un argumentaire en faveur d'une réponse positive au sujet proposé : on pourra d'abord considérer l'activité de lecture en elle-même : on lit peut-être pour se détendre, pour se divertir, la lecture est une activité de plaisir ; la poésie ne dérogerait donc pas à cette règle, on en attendrait un amusement.

L'exemple des jeux poétiques des Salons précieux du XVIIè siècle, ne cherchant pas autre chose que l'agrément, sera pertinent ici. Le deuxième volet du sujet évoque une découverte d'autre chose que l'univers qui nous entoure au quotidien.

On pourra poser, en effet, que la lecture de la poésie peut être comprise comme une exploration imaginaire, comme une découverte de manières de penser, de sentir, de voir le monde qui ne nous sont pas propres mais que nous avons plaisir à voir à l'œuvre.

Lire les poèmes de Senghor, par exemple, c'est découvrir des images de l'Afrique. L'argumentation de cette première partie se trouve limitée par le fait qu'elle ne pose pas la question de l'essence de la poésie : c'est cette question que la seconde partie va prendre en charge. Poésie, art du langage et expression de soi Les poètes ne définissent jamais leur art comme un moyen de divertir ou de faire découvrir aux lecteurs des choses dont ils ne sont pas coutumiers : cela pose problème, car le lecteur ne peut alors pas s'empêcher de penser qu'il manque quelque chose s'il réduit la poésie à un moyen de divertissement et de découverte.

Les poètes insistent sur le fait qu'ils jouent sur la langue, qu'ils font de l'art avec les mots comme matériaux : de la Défense et illustration de la langue française de Du Bellay à l'Oulipo de Queneau, la langue apparaît comme un matériau et un souci essentiels pour les poètes ; ne pas prendre en compte cela, c'est manquer sans doute une large part de l'essence de l'art poétique. D'autre part, le matériau thématique travaillé par les poètes ne se réduit que difficilement à un matériau de divertissement.

Si l'on prend l'exemple des poètes du XIXè siècle, Baudelaire, Nerval, Rimbaud, cherchent bien plus à saisir des singularités de la vie et du psychisme qu'à peindre des tableaux divertissants et instructifs pour leurs lecteurs. Il faut donc requalifier la notion de « voyage » proposée par le sujet, si l'on veut lui conserver une pertinence. Le voyage proposé par la poésie n'est pas un voyage de découverte divertissant mais un voyage intérieur Si la poésie fait voyager son lecteur, c'est à un voyage intérieur qu'elle le convie, bien plus qu'à un voyage divertissant qui lui fera découvrir autre chose que ce qu'il a l'habitude de voir.

Il n'est donc pas pertinent de définir la poésie comme le fait le sujet, celui-ci faisant de la poésie une sorte de media divertissant qui n'aurait aucune singularité ni même aucune recherche esthétiques particulières.

Il faut, bien plutôt, partir de l'art pour remonter à son effet et à ses moyens, et interroger l'essence de l'art : la poésie invite alors à un voyage de mots, et à un voyage dans des bribes du monde saisies par l'œil singulier du poète. Baudelaire, au dernier vers du poème final des Fleurs du Mal, intitulé justement « Voyage », écrit : « Au fond de l'infini pour trouver du nouveau ».

C'est là une sorte de résumé de son travail poétique : un travail d'exploration personnelle du monde, qui ne concerne que lui, mais qui peut être reconnu par d'autres comme objet esthétique et être pris en charge par eux parce qu'il les renvoie à leur propre voyage intérieur. Conclusion Définir les attentes que nous entretenons à l'égard de la poésie en demandant qu'elle nous « fasse voyager, découvrir autre chose que l'univers qui nous entoure au quotidien? », c'est proposer une compréhension extrêmement réductrice de la poésie, qui manque à la fois sa nature d'art ayant pour matériau les mots, et sa nature de moyen d'expression artistique.

Si l'on prend en charge ces deux caractéristiques majeures, on remarque qu'il faut refuser les termes du sujet et leur préférer la notion de « voyage intérieur » entrepris par le poète, et auquel est convié le lecteur.. »

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