Devoir de Français

Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne

Extrait du document

Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne COELIO Ah ! Mon Dieu, le cœur me manque. OCTAVE Et à moi aussi, car je n'ai dîné qu'à moitié. Pour récompense de mes peines, dis en sortant qu'on me monte à souper. (Il s'assoit.) As-tu du tabac turc ? Tu me trouveras probablement ici demain matin. Allons, mon ami, en route ! Tu m'embrasseras en revenant. En route, en route ! La nuit s'avance. (Coelio sort.) OCTAVE, seul. - Écris sur tes tablettes, Dieu juste, que cette nuit doit m'être comptée dans ton paradis. Est-ce bien vrai que tu as un paradis ? En vérité, cette femme était belle, et sa petite colère lui allait bien. D'où venait-elle ? C'est ce que j'ignore. Qu'importe comment la bille d'ivoire tombe sur le numéro que nous avons appelé. Souffler une maîtresse à son ami, c'est une rouerie trop commune pour moi. Marianne ou toute autre, qu'est-ce que cela me fait ? La véritable affaire est de souper ; il est clair que Coelio est à jeun. Comme tu m'aurais détesté, Marianne, si je t'avais aimée ! Comme tu m'aurais fermé ta porte ! Comme ton bélître de mari t'aurait paru un Adonis, un Sylvain, en comparaison de moi ! Où est donc la raison de tout cela? Pourquoi la fumée de cette pipe va-t-elle à droite plutôt qu'à gauche ? Voilà la raison de tout. - Fou ! Trois fois fou à lier, celui qui calcule ses chances, qui met la raison de son côté ! La justice céleste tient une balance dans ses mains. La balance est parfaitement juste, mais tous les poids sont creux. Dans l'un il y a une pistole, dans l'autre un soupir amoureux, dans celui-là une migraine, dans celui-ci il y a le temps qu'il fait, et toutes les actions humaines s'en vont de haut en bas, selon ces poids capricieux. UN DOMESTIQUE, entrant. - Monsieur, voilà une lettre à votre adresse ; elle est si pressée que vos gens l'ont apportée ici ; on a recommandé de vous la remettre, en quelque lieu que vous fussiez ce soir. OCTAVE Voyons un peu cela. (Il lit.) “ Ne venez pas ce soir. Mon mari a entouré la maison d'assassins, et vous êtes perdu s'ils vous trouvent. ” “ MARIANNE. ” Malheureux que je sois ! Qu'ai-je fait ? Mon manteau ! Mon chapeau ! Dieu veuille qu'il soit encore temps ! Suivez-moi, vous et tous les domestiques qui sommes debout à cette heure. Il s'agit de la vie de votre maître. (Il sort en courant.)

Liens utiles