Tournier Michel 1924
Tournier Michel 1924
Romancier, né à Paris. Tournier est-il un esprit « classique »? Il le dit. Est-il un esprit «subversif» (et ce jusqu'à la provocation)? On le dit. Une chose est sûre, il s'efforce d'être lisible. Il rêve d'être lu par les enfants, aussi veille-t-il de très près à ce que son récit puisse leur parvenir directement; (du moins en substance, nous dit-il). Aussi lui arrive-t-il, et dès son premier roman, Vendredi ou les Limbes du Pacifique (1967), d'en faire une version spécialement conçue pour ce public: public privilégié, selon sa hiérarchie des valeurs. Et c'est Vendredi ou la Vie sauvage (1971); titre plus heureux peut-être, et qui semble témoigner, en effet, quatre ans après, de sa volonté d'écrire d'une façon de plus en plus accessible. Plus « simple», affirme-t-il. C'est dans le même esprit qu'il décline, pour son œuvre, la désignation si flatteuse aux yeux des auteurs modernes de « littérature de recherche» : je suis, proclame-t-il, un artisan. Vue sous cet angle, l'époque des débuts d'un écrivain de fiction, ingrate en principe, apparaît, bien au contraire, profitable à la formation «artisanale», justement, de ce futur romancier : pour vivre, Michel Tournier s'était voué à des travaux de traduction. Or, c'est là qu'il se perfectionna (entre autres) dans l'art de jouer avec les mots et les « modismes ». Au point de duper le lecteur (si nécessaire, bien sûr): Verlaine ne le lui avait-il pas enseigné dans son Art poétique? (« Il faut aussi que tu n'ailles point/ Choisir tes mots sans quelque méprise »). Et il s'en explique - ou, bien plutôt, il s'en félicite - dans son « autobiographie intellectuelle», Le Vent paraclet (1977) : En effet le maniement constant des pièces essentielles constituant l'automatisme de la langue apprend non seulement à s'en servir dans la traduction, mais à les gauchir [notons ce mot] ou à les éliminer dans l'œuvre originale. Car il y a de grandes ressources - en prose et plus encore en poésie - dans la distorsion des locutions usuelles.
Ne le croyons pas trop quand il se dit un« homme de métier », sans plus ; qui aurait acquis un certain « tour de main », et voilà tout. Car ce qu'il sacrifie de grand cœur, il n'y tient pas : la gloire du penseur. Il est un être d'imagination. Voilà sa fierté, et nous devons reconnaître qu'il est là à son affaire. Il simplifie la diction; mais il amplifie (il magnifie) la vision. Rien ne l'amuse autant que de travailler à partir d'un sujet d'intérêt en soi minime ; d'un personnage « insignifiant » au départ. Tel le médiocre héros de son deuxième roman, Le Roi des aulnes (1970) : Le garagiste Tiffauges, homme très ordinaire, à part sa haute taille, n'a qu'une seule singularité, perverse d'ailleurs ; il est « pédophile » r il divague dans la rue à l'heure de sortie des petits écoliers, avec un appareil photographique (on pense à Lewis Carroll, qui, quant à lui, préférait les écolières) et prend ici ou là, à la sauvette, la photo d'un enfant; il aime la chair fraîche, et nous voilà, bien au-delà du quotidien et replongé dans l'effrayante histoire, trois fois séculaire de l'ogre. Car bientôt, les circonstances très particulières de la Seconde Guerre mondiale l'amèneront à devenir le pourvoyeur d'une de ces écoles militaires nazies, pour lesquelles, clandestinement, l'on procédait, dans la rue, à l'enlèvement de jeunes garçons. Et notre garagiste fou nous apparaît métamorphosé; sa stature est devenue méconnaissable; son ombre portée, immense. Il chevauche, seul, la nuit, à travers la campagne, en quête de nouvelles victimes.
Mais à mesure que la Wehrmacht, en déroute désormais, reflue vers l'Ouest, d'autres processions passent devant lui: ce sont des hordes de détenus qui s'enfuient des camps de concentration; et parmi eux, un tout jeune enfant, laissé pour mort dans un fossé bordier, avec pour seul indice d'identité une étoile jaune. Un peu plus tard (mais écoutons ...
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