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ROLLAND Romain 1866-1944

ROLLAND Romain 1866-1944

Romancier et auteur dramatique, né à Clamecy dans la Nièvre. Il perd la foi de son enfance en lisant les philosophes et, toute sa vie, il cherchera une foi nouvelle : tantôt du côté de l’art, tantôt du côté de la révolution. La première de ces conversions se fera (grâce à sa mère d’abord et aussi grâce à la belle wagnérienne Malwida von Meysenberg) sous le signe de la musique, qui, seule, dit-il, sait faire vibrer l’âme. Reçu à l’agrégation d’histoire, il publie son premier ouvrage, qui est une thèse sur Les Origines du théâtre lyrique en Europe. Puis, il s’enthousiasme pour l’idée d’une résurrection de l’art tragique des Grecs, mais sur des thèmes « modernes ». Il en donne tout ensemble la théorie (Le Théâtre du peuple. Essai d’esthétique d’un théâtre nouveau,1903), et les premiers exemples : cycle dit du Théâtre de la Révolution, 1913 (représentés séparément : Les Loups, 1898 ; Quatorze-Juillet, 1902, etc.) et cycle des Tragédies de la foi, 1913 (séparément : Saint Louis, 1897 ; Aërt, 1898, etc.).
Entreprise en soi grandiose ; mais, sur le plan de l’art, Romain Rolland, du fait de l’époque où il produisait son œuvre de théâtre, pensait sincèrement que le public populaire ne pouvait saisir que des œuvres simplistes, écrites à larges traits, selon ses propres mots, et selon une optique et une esthétique infailliblement, inexorablement néo-romantiques. Au même moment, un véritable homme de théâtre, Firmin Gémier - qui était son ami, d’ailleurs -, affirmait que l’on devait donner au peuple « non le plus gros, mais le plus fin » et il faisait jouer dans les banlieues Racine, Marivaux, Musset. L’une et l’autre expérience échoueront. Si bien que nul à l’époque ne put savoir qui, des deux, avait raison ; pourtant, dans les années 50, le Théâtre national populaire (TNP) fondé par Gémier et resté fidèle au programme fixé par lui d’« éducation du peuple au stade de la jeunesse », a joué Racine, Musset et même Marivaux, mais on n’y a jamais joué Les Loups ni Quatorze-Juillet de Romain Rolland, considérés à juste titre comme écrits trop à larges traits. La trilogie biographique dite Vies des hommes illustres (1903-1911) est dédiée à ceux qui furent grands par le cœur: Michel-Ange, Tolstoï, Beethoven. À ce dernier héros, qu’il a chéri entre tous, il va consacrer un peu plus tard les sept volumes de Beethoven, les grandes périodes créatrices (1927-1946). Dans ses Musiciens d’autrefois (1908) il exalte le vertueux Gluck parce que la beauté de son art est surtout morale et, inversement, condamne Rameau parce que ce musicien de Versailles est le chantre de la sensualité. De même il louera Bizet, Berlioz, Wagner, et même Richard Strauss (auquel il consacre un livre entier), parce qu’ils sont, d’esprit, plébéiens, vigoureux, héroïques; et, inversement, condamnera Debussy et Ravel parce que leur art est hédoniste et aristocratique. Son roman-cycle, Jean-Christophe (10 volumes de 1904 à 1912), qui paraît d’abord dans la revue de Péguy, Les Cahiers de la Quinzaine, est l’émouvante histoire d’un musicien allemand, génial et bon. Cette fois, le succès récompensera Romain Rolland. Les premiers volumes (L’Aube, en particulier) révélaient une fraîcheur d’inspiration que le romancier, d’ailleurs, abandonnera très vite : à partir du Livre V, la musique, qui avait été le thème majeur des premiers tomes, devait céder le pas peu à peu aux sombres préoccupations personnelles de l’auteur en matière de morale (La Foire sur la place). Par chance, les lecteurs pouvaient retrouver son thème musical (Le Buisson ardent), et même son optimisme coutumier dans la vaste perspective ouverte in extremis sur l’avenir (La Nouvelle Journée).
En ce point de sa route, Romain Rolland est une des grandes figures de la vie littéraire européenne. Son indépendance, son mépris presque « rousseauiste » de la gloire mondaine, imposent le respect. Au demeurant il reste exempt de toute pose et ne croit pas déchoir en écrivant des ouvrages de pure fantaisie, comme la farce dramatique Liluli (commencée peu avant la guerre de 1914, mais publiée seulement en 1918 ; sans aucun doute son chef-d’œuvre, par la grâce d’un esprit et d’un style enfin affranchis de toute raideur) et Colas Breugnon (1919), tentative indéniablement couronnée de succès en direction de la franche gaieté gauloise (quoiqu’un peu moins heureuse sur le plan de l’art : du fait de recherches formelles trop peu appropriées à ses qualités personnelles d’écriture. Par exemple, le recours fréquent, et par là monotone, à un rythme systématique d’octosyllabes assonancés). Quand la guerre éclate, il passe en Suisse d’où il lâchera sur l’Europe un pamphlet téméraire, Au-dessus de la mélée (1915), qui va faire aussitôt scandale en France. On traite de lâche celui qui affirmait naguère avoir pour objectif de rallumer la foi de la nation. Ce sera pis encore lorsqu’il enverra, en 1917, un mémorable Salut à la Révolution russe. Aussi bien ne réussira-t-il jamais à réconcilier en son âme l’amour pour la révolution et la fascination qu’exerce sur lui l’idéal de non-violence (Vie de Mahatma Gandhi, 1923). Un deuxième et interminable cycle romanesque, L’Âme enchantée (7 volumes, de 1922 à 1933), où se retourne cruellement contre l’auteur le manque de respect qu’au nom de la morale il a trop longtemps professé pour la littérature en tant qu’art, est un échec, cuisant mais logique ; à quoi s’ajoute, à l’époque du Front populaire, l’accueil «poli» réservé à ses nouveaux drames héroïques (Quatorze-Juillet, deuxième version, 1937; Robespierre, 1938). À la veille de sa mort; il adresse aux mânes de Péguy, dans un très noble geste de reconnaissance envers le maître qui avait favorisé ses débuts, l’hommage d’une biographie aussi scrupuleuse que chaleureuse (2 volumes, 1944). - Le héros de Romain Rolland, Jean-Christophe, s’était exclamé : Le style, c’est l’âme. L’âme de Romain Rolland est belle par sa noblesse.

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