L'oeuvre de Romain ROLLAND
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LA JEUNESSE DE ROMAIN ROLLAND
Né à Clamecy d'une famille bourguignonne et nivernaise, Romain Rolland, après des études au lycée Louis-le-Grand,
entre à l'École normale supérieure en i886.
Il se lie avec André Suarès, correspond avec Tolstoï, découvre Spinoza,
s'enthousiasme pour la musique sous l'influence de sa mère et aspire à « la liberté absolue de vie et de pensée ».
Agrégé d'histoire en 1889, il est envoyé en mission à Rome par l'École française; il y noue amitié avec une
wagnérienne passionnée, Malwida von Meysenberg; puis il enseigne l'histoire de l'art à l'École normale et la
musicologie à la Sorbonne.
Il débute en littérature par des pièces de théâtre : il veut toucher un vaste public en
écrivant des drames historiques qui « rallument l'héroïsme et la foi de la nation »; mais ses deux cycles Tragédies de
la foi et Théâtre de la Révolution n'obtiennent qu'un accueil réservé.
Il rédige ensuite, avec plus de succès, des
Vies des hommes illustres (Beethoven, 1903; Michel-Ange, 1906; Haendel, 1910; Tolstoï, 1911).
JEAN-CHRISTOPHE (1904-1912)
De 1904 à 1912, Romain Rolland publie, dans les Cahiers de la Quinzaine, les dix volumes de Jean-Christophe,
biographie fictive d'un compositeur génial qui fait penser tantôt à Beethoven, tantôt à l'auteur lui-même.
Sinueuse
et ample comme une symphonie, cette oeuvre à la gloire du génie créateur connaît un grand succès.
C'est le
premier de nos « romans-fleuves » (l'expression est de Romain Rolland lui-même).
Jean-Christophe Krafft, né dans une petite ville de l'Allemagne rhénane, connaît de bonne heure la misère et les
humiliations, mais son enfance est illuminée par la révélation de la musique, où il sent revivre l'âme des génies
disparus (L'Aube).
Les Krafit sont ruinés : Christophe, à quatorze ans, devient chef de famille et donne des leçons
de piano.
Plus il se voue à des tâches médiocres, plus il aspire à l'indépendance.
Il fait la connaissance du jeune
Otto Diener et se donne tout entier à l'amitié; puis il s'éprend d'une de ses élèves, Minna; mais le mariage est
impossible.
La crise qu'il traverse trempe sa volonté (Le Matin).
Un nouveau cycle de jours commence, pleins de
fièvre et de mystère.
Le héros devient amoureux d'une veuve, Sabine, qui meurt, puis d'une demoiselle de magasin,
qui le trompe.
La jalousie révolte sa nature orgueilleuse (L'Adolescent).
Christophe, dont le talent de compositeur
s'affirme, s'insurge violemment contre le mensonge de l'art allemand.
Hors l'amitié du vieux musicien Schulz, il est
incompris, jalousé.
Il ne reste en Allemagne que pour ne pas quitter sa mère.
Cependant, compromis au cours d'une
rixe, il doit s'expatrier (La Révolte).
Il se réfugie à Paris, mais il est écoeuré par le désordre d'une société où règne
partout l'individualisme; où la musique est archaïque, la littérature immorale, la politique égoïste et
tyrannique (La Foire sur la Place).
Pourtant, Christophe s'est pris d'affection pour un jeune intellectuel timide et
tendre, Olivier Jeannin.
Ce dernier a vécu jusque-là auprès de sa soeur, Antoinette, qui, pour assurer son avenir,
s'est vouée à une vie de sacrifice (Antoinette).
Christophe 'habite à Montparnasse avec Olivier qui lui révèle la vie
profonde de la France, pays du travail et de l'héroïsme, sous une apparente frivolité (Dans la Maison).
Il acquiert
enfin la célébrité, mais Olivier se marie et Christophe a de la peine à vivre sans son ami.
Il a une liaison avec une
pianiste, devient le confident, puis l'amant d'une actrice.
Cependant la femme d'Olivier a quitté son foyer (Les
Amies).
Désespéré, Olivier fait le don de sa vie à une noble cause : il périt au cours d'une émeute, un premier mai;
Christophe, ayant tué un agent de police, se réfugie en Suisse chez des protestants, les Braun.
Anna Braun, qui
cache sous son puritanisme une âme frénétique, se donne à lui; Christophe est désespéré à l'idée d'avoir trompé un
ami.
Mais bientôt, le feu créateur renaît et brûle en lui (Le Buisson ardent).
Au terme d'une carrière mouvementée,
Jean-Christophe, qui a toujours trouvé un refuge dans la divine musique, goûte la sérénité.
Il meurt en évoquant son
Rhin natal, le grand fleuve auguste et paternel, le confident de ses pensées d'enfant (La Nouvelle Journée).
L'ÉVOLUTION DE ROMAIN ROLLAND
Romain Rolland, qui se trouvait en Suisse avant 1914, y resta pendant la guerre, pour garder sa pensée libre « audessus de la mêlée » et pour répandre, à travers l'Europe, des messages de fraternité.
Prix Nobel de littérature en
1916, il se détend en écrivant Colas Breugnon (1919), qui raconte la vie et les aventures d'un paysan nivernais sous
Louis XIII.
Il défend de nouveau la civilisation contre la guerre dans Clérambault, « histoire d'une conscience libre
pendant la guerre » (1920), puis il publie, de 1922 à 1927, un deuxième cycle romanesque, L' Ame enchantée,
inférieur à jean-Christophe.
Il revient à Beethoven, auquel il consacre une vaste somme en six volumes (Les Grandes
Époques créatrices, 1928-1944).
Il exalte les chefs de la révolution russe et les grands mystiques hindous, lutte
contre le fascisme et pour la paix universelle.
Il finit ses jours à Vézelay.
L'IDÉALISME DE ROMAIN ROLLAND
Romain Rolland a voué toute sa vie à un apostolat d'idéalisme héroïque.
Il stigmatise le bas matérialisme,
l'hypocrisie, l'égoïsme « prudent et vil », « la médiocrité de l'âme ».
« L'air est lourd autour de nous, s'écrie-t-il dans
la préface de sa Vie de Beethoven.
Le monde étouffe.
Rouvrons les fenêtres.
Respirons le souffle des héros.
» Les
héros, pour Rolland, ne sont pas ceux qui ont triomphé par la pensée ou par la force, mais « ceux qui furent grands
par le coeur »; au prix de luttes et de souffrances, de tels hommes sauvegardent les sources de joie et d'espoir : la
sincérité, le courage et, plus que tout, l'amour des hommes L'enthousiasme qui anime Romain Rolland lui a inspiré
des pages d'une émouvante beauté.
Au nom d'une exigence de sincérité absolue, l'écrivain proscrit toute recherche
: « Que le rythme du coeur emporte tes écrits.
Le style, c'est l'âme », déclare Jean-Christophe à son ami Olivier
Jeannin..
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- Romain ROLLAND, Au seuil de la dernière porte, Entretiens sur les Évangiles, Correspondances et inédits, Éditions du Cerf, 1989.