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Actant.. En sémiotique littéraire, on désigne par ce terme toute personne, tout groupe de personnes, toute chose qui occupe une fonction bien précise dans une intrigue (sujet de l’action, obstacle, aide...). Cette catégorie permet de dépasser la notion trop étroite de personnage et de décrire de façon plus fine le fonctionnement du récit ou du drame. Dans Le Cid, par exemple, la Castille, l’amour ou la gloire sont des actants du drame au même titre que le roi ou Rodrigue. Un même acteur peut être deux fois actant dans un récit donné : Chimène est à la fois la visée des actions de Rodrigue et l’obstacle qui est dressé contre leur aboutissement. Plusieurs théoriciens (É. Souriau, AJ. Greimas...) ont cherché à faire un dénombrement exhaustif des fonctions que ces actants peuvent avoir dans le récit pour les organiser dans un schéma.


Actant. Notion introduite par le sémioticien A. Greimas, à partir des travaux du grammairien L. Tesnière (Eléments de syntaxe structurale, 1965), de ceux de Propp sur le conte (Morphologie du conte, 1928), et de ceux de Souriau sur le théâtre (Les Deux Cent Mille Situations dramatiques, 1950), pour désigner la fonction d’un personnage de fiction, qu’il soit mythique, romanesque ou dramatique. Dans la mesure où Greimas désire établir un vocabulaire et une « syntaxe élémentaire » de la signification, la description sémantique précède nécessairement l’analyse stylistique. Les actants s’opposent deux à deux : le sujet à l’objet, le destinateur au destinataire, l’adjuvant à l’opposant. L’adjuvant, dans la terminologie de Greimas, .est celui qui aide à la réalisation du désir du sujet tandis que l’opposant s’oppose à cette réalisation. Ces fonctions entretiennent des relations mises en évidence par le « modèle actantiel », représenté ainsi par Greimas :

La simplicité de ce modèle actantiel réside, selon Greimas, « dans le fait qu’il est tout entier axé sur l’objet du désir visé par le sujet, et situé, comme objet de communication, entre le destinateur et le destinataire, le désir du sujet étant, de son côté, modulé en projections d’adjuvant et d’opposant ». Ex : dans Phèdre de Racine, l’objet du désir de Phèdre est Hippolyte. Œnone, par rapport à Phèdre, occupe la position d’adjuvant, tandis que Thésée et Aricie occupent celles d’opposant. L’intérêt de ce type de méthode est de ne plus séparer artificiellement le caractère d’un personnage et l’action, de traiter le personnage non comme un cas psychologique, mais comme une entité appartenant au système global des actions. Le danger qui la guette, à cause de sa trop grande généralité, est de sombrer dans le schématisme.

acte. Division du texte dramatique et de la représentation théâtrale (« un drame en quatre actes »). La division d’une pièce de théâtre en actes peut être appréhendée à partir de points de vue différents qui ne sont pas toujours conciliables. Du point de vue matériel, la représentation dramatique subit des contraintes diverses : nécessité de temps de repos pour les comédiens ou les chanteurs, exigence de fractionnement de la durée pour le public qui se fatigue. Certaines de ces contraintes sont liées à la fois au récit et à des obligations matérielles : nécessité de changer de décor si l’action l’exige. D’autres procèdent de la relation entre le récit dramatique et les règles et usages : le fractionnement de l’action en actes dans le théâtre classique permet de rendre compatibles la durée fictive de la représentation (qui peut s’étendre jusqu’à 24 heures) et sa durée réelle. L’entracte permet ainsi de laisser « échapper du temps ». La division en actes repose, comme on le voit, sur une conception de l’action. Selon Aristote, et alors même que les Grecs ne pratiquaient pas une césure réglée, l’action connaît un développement où l’on peut distinguer des phases (protase, épitase, catastrophe) dans lesquelles les théoriciens classiques ont trouvé une justification poétique. Ils ont pris appui sur deux vers de l'Art poétique d’Horace pour limiter une pièce à cinq actes. Dans le théâtre des XVIIe et XVIIIe siècles, la division entre les actes (eux-mêmes subdivisés en scènes) se marque par la sortie de tous les personnages et, à la représentation, par une transition musicale : on ne baisse pas le rideau et la lumière ne change pas puisque la salle reste éclairée tandis qu’on joue la pièce. Parfois la césure est marquée par un intermède. Le rideau ou le noir sur la scène marquent en général l’entracte actuellement. A partir du XIXe siècle, on a préféré souvent une division en tableaux. Dans le théâtre contemporain, la question de la césure de l’action (on joue souvent sans arrêt) est une décision esthétique qui relève du metteur en scène ou de l’auteur.


acte de langage indirect. Il y a acte de langage indirect lorsqu’un énoncé n’a pas le statut qu’il affiche : « Pourriez-vous me dire l’heure ? » n’est pas une question mais une injonction. On a pu dire que l’énonciation littéraire constituait toujours un acte de langage indirect : sous couleur par exemple d’exprimer des émotions ou de raconter une histoire, le poème lyrique ou le roman viseraient un tout autre but, celui de donner du plaisir par un jeu sur les mots et sur l’imaginaire.



acteur. Celui ou celle qui joue et représente un personnage dans une pièce de théâtre ou dans un film. Au XVIIe siècle, acteur peut être synonyme de personnage : c’est le sens de ce mot lorsque est indiquée, avant le texte d’une pièce, la « liste des acteurs ». L’acteur est bien celui qui agit au sens aristotélicien. Mais le terme a déjà le sens moderne. Le sens d’acteur est à mettre en relation avec celui de comédien qui, dans la tradition, pouvait être distingué du tragédien et avait alors une signification plus large. Mais comédien désigne en général l’acteur dans sa profession, dans son statut social plutôt que dans sa fonction dramaturgique. Ce clivage, pertinent dès qu'il s’agit de théâtre, s’estompe lorsqu’il est question de cinéma : on ne parle pas de comédiens de cinéma mais d’acteurs de cinéma. Louis Jouvet opposait, dans une optique héritée de Diderot, l’acteur, qui modèle son rôle à son image, s’impose à lui et donc n’est pas susceptible de jouer tous les rôles, au comédien, homme de métier, capable par son habileté technique de jouer n’importe quel rôle.

action 1. L’action dans une pièce. La tradition aristotélicienne appelle « action » l’ensemble des faits et actions qui constituent l’histoire et le sujet d’une pièce de théâtre. Cette définition a pour corollaire le primat accordé par les classiques français du XVIIe siècle à l’unité d’action. Elle implique en effet une conception organique, étroitement liée à son origine aristotélicienne, celle d’un développement à partir d’un commencement, passant par un milieu et atteignant une fin. Dans cette perspective, l’action d’une pièce de théâtre regroupe dans un récit unique, qui a vocation à s’achever, les actions accomplies par les personnages, soit directement, soit à travers toutes les formes de langage. Elle se développe dans le temps théâtral selon différents moments qui organisent la séquence classique de l’exposition du nœud, des péripéties, du dénouement. Cette conception et l’approche classique qui la réalise ont fait l’objet de multiples remises en cause, dans la critique mais aussi dans l’écriture du théâtre : l’action est remise en question dès qu’on porte le regard au-delà du classicisme français (de Büchner à Brecht et de Musset à Beckett). L’action se réalise sur la scène, selon la modalité de présence caractéristique du théâtre (à telle enseigne que le mot drama désigne en grec aussi bien l’action qui se réalise sur la scène que la pièce de théâtre), mais elle ne se réduit pas à la somme des actes de parole ou des actions partielles qui la constituent et auxquelles assiste le spectateur. L’action se réalise dans une structure manifeste, l’intrigue, mise en œuvre par les personnages, mais elle peut se raconter dans une fable. Elle est en effet justiciable d’une approche narratologique et on peut la décrire selon un modèle actanciel. Elle peut être simple, unique, ou implexe, c’est-à-dire résultant de la rencontre, voire du parallélisme de plusieurs enchaînements événementiels distincts. Elle peut se déduire d’un montage de fragments. Elle peut même se déployer au travers de plusieurs pièces de théâtre formant diptyque, tri- ou tétralogie. C’est dire qu’il est impossible d’utiliser « naïvement » ce terme aujourd’hui. 2. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’action d’un discours, sermon ou plaidoirie, c’est le fait de les prononcer effectivement, au tribunal ou à l’église. C’est aussi le fait de jouer une pièce de théâtre et donc le jeu du comédien. La rhétorique codifie les principes de l’action oratoire (voir ci-dessous).


action 2. L’action est la cinquième et dernière partie de la rhétorique : ce terme désigne le fait de prononcer le discours, ce qui comporte à la fois l’art de la parole et celui des gestes qui l’accompagnent. C’est le moment crucial de Ta performance oratoire, qui a été préparé par toutes les autres parties. La théorie de l’action a été très développée chez les Anciens (Cicéron, Quintilien), et elle a eu une grande influence sur les conceptions du jeu théâtral à l’âge classique.

adage (n.m.). Proverbe, d’origine populaire ou savante, qui exprime d’une manière concise une idée morale ou religieuse. Le discours bref de l’adage recourt la plupart du temps à une forme imagée, qui demande à être expliquée. Au XVIe siècle, l’adage, le plus souvent latin, suscite l’intérêt des humanistes. Il apparaît comme le dépositaire ancestral d’une sagesse universelle. Érasme doit une partie de sa célébrité à son recueil d'Adagio, qui paraît pour la première fois en 1500 (818 adages) et dont la dernière édition (1536) comprend 4 151 entrées. Avec l’humaniste hollandais, le genre de l’adage annonce celui de l’essai car l’auteur commente, parfois très longuement, le proverbe qu’il a retenu. Le goût pour les adages est tout aussi grand à la fin du siècïe. L’œuvre la plus originale de Baïf est sans doute le recueil des Mimes, enseignements et proverbes (dernière édition : 1597). Elle rassemble, d’une manière plus ou moins discontinue, toutes sortes d’adages et de proverbes, dans une espèce de coq-à-l’âne et de charivari satirique.

adynaton (n. m., du neutre grec adunaton, « impossible»). Figure de pensée évoquant une idée à la fois impossible et hyperbolique comme point de comparaison avec une autre évocation. C’est ainsi que Céline décrit la banlieue dans Voyage au bout de la nuit : Il y a des usines qu'on évite en promenant, qui sentent toutes les odeurs, les unes à peine croyables et où l'air d'alentour se refuse à puer davantage.

alexandrin. Nom du mètre de douze syllabes. L’alexandrin est employé pour la première fois au début du XIIe siècle, mais ce nom lui a été donné au XVe siècle d’après un poème en vers de douze syllabes sur Alexandre le Grand, composé à la fin du XIIe siècle. Relativement peu utilisé à l’époque médiévale à cause de son ampleur, il ne devient le grand vers français que sous la plume de Du Bellay et de Ronsard, donc à partir du milieu du XVIe siècle. Dès cette époque et pendant toute la période dite classique, il est divisé nettement en deux groupes de six syllabes (6/6), comme dans ce vers des Regrets de Du Bellay : Et les Muses, de moi, // comme étranges, s'enfuient. Chaque hémistiche se termine sur un « accent » fixe de groupe. A l’intérieur de chaque hémistiche, un « accent » mobile éventuel permet de marquer des variations internes de ce rythme de base. On peut donc, à chaque hémistiche, avoir pour rythme 6, 5/1, 4/2, 3/3, 2/4, ou 1/5, soit 36 combinaisons possibles. Le vers suivant de Baudelaire peut être scandé 2/4 // 2/4 : Rubens,/ fleuve d'oubli, // jardin/ de la paresse. Certains hémistiches peuvent être découpés en plus de deux mesures, comme dans ce vers de La Fontaine (« Les Femmes et le secret ») en 1/5 // 2/1/3 : Quoi !/j'accouche d'un œuf! // — D'un œuf?/ — Oui,/ le voilà ! On appelle abusivement (puisque les termes sont empruntés à la métrique latine, fondamentalement différente) « tétramètre » un alexandrin qui comporte quatre mesures, et « trimètre » l’alexandrin que les romantiques ont cultivé et dont les groupements syntaxiques favorisent un découpage ternaire (4/4/4), tel ce vers de Victor Hugo (La Légende des siècles) :
Ève ondoyante,/ Adam (//) flottant, / un et divers. Dès lors, la marque grammaticale soulignant la césure médiane tend à s’effacer, et les rythmes de l’alexandrin se diversifient, comme on peut en juger par ces quelques exemples pris dans les « Préludes autobiographiques » des Complaintes de Jules Laforgue (1885) : — 4/8 Obtus et chic,/ avec son bourgeois de Jourdain — 8/4 J’avais roulé par les livres, ! bon misogyne — 7/5 Où je brûlais de pleurs noirs / un mouchoir réel — 5/7 Aux mouvants bosquets / des savanes sous-marines — 5/4/5 Qui vibriez, /aux soirs d’exil, / sans songer à mal.
Outre le traitement de la césure, d’autres phénomènes viennent modifier la nature de l'alexandrin, tel le statut des e atones, des diérèses et synérèses (dans le dernier vers cité, synérèse archaïque sur vibriez!) et de l’hiatus. On parle d’alexandrin « libéré ». On le trouve toujours dans la poésie contemporaine : Massif et couronné de furieuses boucles (Jacques Réda, Amen, « Récit », 1968.) Certains préfèrent parler de dodécasyllabes pour des vers résolument non métriques :
Par le calme pourtant de l’été que nous par
Tageâmes plus léger au fond d’un autre orage
(Christian Dotremont, Ltation exa tumulte, 1970.)

allégorie (n. f., du grec allègoreïn, « parler autrement »). On désigne ainsi une image filée et animée qui, grâce à une isotopie cohérente dans un contexte narratif de portée symbolique, renvoie terme à terme, de manière le plus souvent métaphorique, à un univers référentiel d’une autre nature (abstractions philosophiques, morales, etc.) : La Débauche et la Mort sont deux aimables filles,
Prodigues de baisers et riches de santé,
Dont le flanc toujours vierge et drapé de guenilles Sous l'éternel labeur n a jamais enfanté. (Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, « Les deux bonnes sœurs ».)
Au Moyen Age, l’allégorie n’est pas seulement un procédé rhétorique (un trope), elle se veut un moyen de connaissance et d’explication du monde : elle repose en effet sur la théorie des quatre sens de l’Écriture, issue des traditions exégétiques. Selon l’exégèse biblique dite quadripartite, les Écritures saintes superposent quatre sens : sens littéral (ou historique : l’événement tel qu’il est relaté), sens tropologique (ou moral : le précepte qu’il suggère), sens typologique (ou spirituel), sens eschatologique (ce qu’il annonce des fins dernières). Elle s’émancipe progressivement de ce cadre théologique (seuls les bestiaires, lapidaires et plantaires commentent les créatures selon un principe analogue) pour envahir la littérature profane et illustrer des vérités mondaines (doctrine courtoise par exemple) : allégories descriptives (Armure du chevalier, selon laquelle chaque pièce de l’armement signifie une vertu ; Roman des Ailes de Courtoisie, où il en va de même pour chaque plume, XIIIe siècle), et surtout allégories narratives (au XIIIe siècle, Roman de la Rose, Bataille des Vices et des Vertus construite sur le modèle des psychomachies). Au XIVe et au XVe siècle, l’allégorie s’introduit dans le théâtre (moralités) et dans la poésie lyrique avant de s’épanouir chez Charles d’Orléans, où les personnifications servent à l’expression de la vie psychique et affective.




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