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Vous direz si selon vous le roman et le genre narratif ont seulement pour fonction de distraire le lecteur ?

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Dans son essai intitulé Le plaisir du texte, Roland Barthes déconstruit le plaisir procuré par la lecture d'une narration, qu'il ne craint pas d'assimiler à un strip-tease : en effet, le langage est érotique dans son dévoilement progressif, et toujours partiel. L'intrigue, mais aussi la phrase elle-même n'énoncent pas une réalité, elle ne font que l'évoquer, pour permettre au lecteur de se construire une représentation intime de la situation décrite, bien plus évocatrice, plus touchante que la même situation vécue.   II L'écriture narrative en tant qu'engagement dans le réel.   _Il va de soi que, de même que n'importe quel plaisir, cette faculté de l'écriture narrative n'est pas sans danger. On peut citer le cas des personnes atteintes d'un curieux syndrome, qui les rends littéralement malades et dépendantes à une certaine écriture. Les milieux littéraires comptent ainsi des individus à qui la lecture de tout autre auteur que Marcel Proust est devenue insupportable. Le principe de composition presque architectural de la phrase proustienne s'imprime si bien dans son lecteur qu'il en acquiert une puissance monomaniaque. Sans aller jusqu'à de telles extrémités, force est de constater que quiconque s'engage trop intensément dans un monde fictionnel ne s'en dégage par la suite  qu'à grand peine. Ici le terme de « distraction » laisse apparaître son insuffisance : lire une prose narrative c'est dans une certaine mesure abdiquer le sens du réel. _Toutefois, la question posée, comprise dans son sens le plus immédiat, doit évidemment recevoir une réponse négative.

« On entend ordinairement par « distraction » une étourderie de l'esprit, souvent synonyme d'une légèreté, d'une indifférence de la conscience aux problèmes concret qui lui sont posés.

La tournure restrictive « ne que » dévalorise visiblement cette attitude, et interroge par extension le genre narratif lui-même.

De plus, le recours au terme de « distraction » renvoie implicitement au concept de « divertissement » mis en place par Pascal, et achève de donner à la fonction ludique du genre narratif une valeur négative.

C'est une tendance coutumière de la doxa que de vouloir racheter la vanité du divertissement par d'autres fonctions romanesques, que le plaisir du récit ne ferait que dissimuler.

Pourtant, ne pourrait-on envisager la distraction sans y attacher de jugement négatif, et ne la juger que pour ce qu'elle est, à savoir un principe de diversion, attaché à détourner la conscience du lecteur de ses préoccupation coutumière, pour l'amener à s'ouvrir à des mondes inconnus ? I Le plaisir du récit _Le genre narratif, à sa création et pendant longtemps, a été la principale forme de divertissement.

A l'inverse du texte savant, rédigé en latin, le récit s'écrit en langue « romane », c'est-à-dire qu'il utilise le langage courant ou populaire, et cherche avant tout à se rapprocher du discours oral.

De ce point de vue, le conte populaire, seulement parlé dans un premier temps, puis fixé par l'écriture (chez les frères Grimm, Andersen, Charles Perrault, Henri Pourrat...) témoigne de la fonction fondamentalement récréative du genre narratif. _La puissance de distraction d'une narration ne saurait se limiter à la pratique sociale qui en est faite : au contraire, tout récit est distrayant par essence, puisqu'il se construit en fonction de données qui ne sont plus dictées par la nécessité première, mais par le désir.

Un axe essentiel de la littérature libertine, telle qu'elle est définie dans Les Liaisons dangereuses de Laclos (sur un mode critique) ou dans Les égarements du cœur et de l'esprit de Crébillon (sur un mode apologétique), est de construire le récit lui-même sur le modèle d'une séduction amoureuse. _Ainsi, comprendre la nature de la distraction créée par la lecture exige que l'on comprenne la nature exacte du désir qu'elle sollicite.

Dans son essai intitulé Le plaisir du texte, Roland Barthes déconstruit le plaisir procuré par la lecture d'une narration, qu'il ne craint pas d'assimiler à un strip-tease : en effet, le langage est érotique dans son dévoilement progressif, et toujours partiel.

L'intrigue, mais aussi la phrase elle-même n'énoncent pas une réalité, elle ne font que l'évoquer, pour permettre au lecteur de se construire une représentation intime de la situation décrite, bien plus évocatrice, plus touchante que la même situation vécue. II L'écriture narrative en tant qu'engagement dans le réel. _Il va de soi que, de même que n'importe quel plaisir, cette faculté de l'écriture narrative n'est pas sans danger.

On peut citer le cas des personnes atteintes d'un curieux syndrome, qui les rends littéralement malades et dépendantes à une certaine écriture.

Les milieux littéraires comptent ainsi des individus à qui la lecture de tout autre auteur que Marcel Proust est devenue insupportable.

Le principe de composition presque architectural de la phrase proustienne s'imprime si bien dans son lecteur qu'il en acquiert une puissance monomaniaque.

Sans aller jusqu'à de telles extrémités, force est de constater que quiconque s'engage trop intensément dans un monde fictionnel ne s'en dégage par la suite qu'à grand peine.

Ici le terme de « distraction » laisse apparaître son insuffisance : lire une prose narrative c'est dans une certaine mesure abdiquer le sens du réel. _Toutefois, la question posée, comprise dans son sens le plus immédiat, doit évidemment recevoir une réponse négative.

Quoique toute prose recèle un principe de plaisir, le genre narratif ou le roman peuvent endosser une infinité d'autres fonctions : Tristes tropiques, roman de Levi-Strauss, est avant tout destiné à faire comprendre au lecteur ce qu'est l'attitude anthropologique.

Si c'est un homme de Primo Levi, exemple extrême, n'est en aucun cas un récit fait pour être plaisant, puisqu'il relate l'expérience de l'auteur prisonnier à Auschwitz.

On peut encore citer le roman politique (Les communistes d'Aragon), le roman ludique, le récit de voyage...

Tout récit non fictionnel, en particulier, n'use du plaisir que procure la narration que pour encourager le lecteur à découvrir le contenu du texte, selon la parabole de Sénèque qui comparait la rhétorique au miel dont on enduisait le bord de la coupe remplie d'un remède amer, pour encourager l'enfant à la boire. III La distraction comme fin en soi _Faut-il donc que le plaisir du texte soit racheté par son utilité concrète ? La tendance générale de l'écriture romanesque, en particulier moderne et contemporaine, semble être au contraire d'affirmer le texte comme un système parfaitement détaché des préoccupations communes.

De ce point de vue, George Perec fait avec Un homme qui dort l'expérience de l'indifférence radicale, au sein de laquelle le personnage principal se voit amené à percevoir tous les maigres évènements qui composent sa vie sur le mode de la fiction : il existe sans jamais marquer de préférence pour une valeur ou un spectacle, tout lui semble égal, également curieux, également banal.

Le principe de distraction est ici poussé jusqu'à se muer en une complète indifférence. _Pourtant, cette attitude n'a rien d'un échec, puisqu'elle s'avère finalement être l'expérience préalable à une sorte de renaissance, à un état dans lequel l'individu retrouve la possibilité de définir des valeurs, des préférences, sans que ces valeurs ne soient dictées par les exigences du monde trop fébrile qui l'entourait primitivement, et dont il souffrait.

Se distraire, c'est se dégager des luttes et des enjeux dans lesquels on est plongé.

La distraction est plus qu'une détente, elle répond au besoin profond de prendre congé de soi-même en même temps que du monde.. »

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