Voltaire, l'historien

« Avant Voltaire, l'histoire est souvent le prétexte de développements superficiels ou de compilations laborieuses d'où l'esprit critique et l'intérêt sont absents.

Avec Voltaire, elle devient à la fois une science et un art. LE SAVANT. Voltaire applique à des recherches précises les règles de méthode posées par Bayle, Fontenelle et Montesquieu.

Il pense que l'historien doit réunir de nombreux documents, les critiquer les uns par les autres et chercher la signification des événements dans leur succession même, sans recourir à un principe transcendant.

Aussi a-t-il fait revivre en savant la destinée d'un guerrier comme Charles XII ou l'oeuvre d'un souverain comme Louis XIV. Mais sa grande originalité est d'avoir agrandi et approfondi le domaine de l'investigation historique.

Il .ne raconte pas seulement des événements militaires et politiques; il étudie l'âme d'un peuple, décrit ses institutions, ses moeurs, son économie, sa religion, sa culture.

Il étudie également les rapports des peuples entre eux et conçoit ainsi l'idée d'une histoire générale de l'humanité.

Constamment, la curiosité du savant est, chez lui, aiguillonnée et élargie par les préoccupations du philosophe. L'ARTISTE. Voltaire a créé l'histoire narrative et dramatique.

Il estime que les faits seuls doivent parler et bannit les procédés traditionnels de l'éloquence historique, les discours prétendus (< Pourquoi faire dire à un homme ce qu'il n'a pas dit ? »), les portraits hasardeux (« J'ai toujours pensé que c'était une espèce de charlatanerie de peindre autrement que par les faits les hommes publics avec lesquels on n'a pu avoir de liaison »).

En même temps, il imprime à son récit un mouvement qui fait songer à la progression d'un drame : la vie de Charles XII se déroule comme une tragédie où se succèdent exposition, noeud, péripéties et dénouement; et dans l'Essai sur les Moeurs, chaque époque nouvelle semble une phase du drame de l'humanité, déchirée par la lutte entre le fanatisme et la raison. L'OEUVRE HISTORIQUE DE VOLTAIRE. Les ouvrages historiques de Voltaire demeurent comme une tentative originale pour faire revivre dans sa vérité le passé des hommes.

Avec son souci d'information et de critique, sa curiosité pour les rapports internationaux et pour les documents de civilisation, Voltaire a légué à ses successeurs, les grands historiens du xixe siècle, d'excellents principes et de fécondes directions de recherche. Parfois, cependant, les partis pris du philosophe gâtent les mérites du savant et de l'artiste.

« Voltaire écrit pour son couvent », note Montesquieu.

Cela sera vrai surtout dans l'Essai sur les Moeurs.

Aussi préférons-nous aujourd'hui Le Siècle de Louis XIV, où le combat du philosophe ne compromet pas trop la reconstruction de l'historien ni l'expression émouvante de la sympathie que l'homme témoigne à une grande époque et à un grand roi.. »