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Victor HUGO (1802-1885) (Recueil : Religions et religion) - Conclusion

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Victor HUGO (1802-1885) (Recueil : Religions et religion) - Conclusion Il est ! Mais nul cri d'homme ou d'ange, nul effroi, Nul amour, nulle bouche, humble, tendre ou superbe, Ne peut balbutier distinctement ce verbe ! Il est ! il est ! il est ! il est éperdument ! Tout, les feux, les clartés, les cieux, l'immense aimant, Les jours, les nuits, tout est le chiffre ; il est la somme. Plénitude pour lui, c'est l'infini pour l'homme. Faire un dogme, et l'y mettre ! ô rêve ! inventer Dieu ! Il est ! Contentez-vous du monde, cet aveu ! Quoi ! des religions, c'est ce que tu veux faire, Toi, l'homme ! ouvrir les yeux suffit ; je le préfère. Contente-toi de croire en Lui ; contente-toi De l'espérance avec sa grande aile, la foi ; Contente-toi de boire, altéré, ce dictame ; Contente-toi de dire : - Il est, puisque la femme Berce l'enfant avec un chant mystérieux ; Il est, puisque l'esprit frissonne curieux ; Il est, puisque je vais le front haut ; puisqu'un maître Qui n'est pas lui, m'indigne, et n'a pas le droit d'être ; Il est, puisque César tremble devant Patmos ; Il est, puisque c'est lui que je sens sous ces mots : Idéal, Absolu, Devoir, Raison, Science ; Il est, puisqu'à ma faute il faut sa patience, Puisque l'âme me sert quand l'appétit me nuit, Puisqu'il faut un grand jour sur ma profonde nuit! - La pensée en montant vers lui devient géante. Homme, contente-toi de cette soif béante ; Mais ne dirige pas vers Dieu ta faculté D'inventer de la peur et de l'iniquité, Tes catéchismes fous, tes korans, tes grammaires, Et ton outil sinistre à forger des chimères. Vis, et fais ta journée ; aime et fais ton sommeil. Vois au-dessus de toi le firmament vermeil ; Regarde en toi ce ciel profond qu'on nomme l'âme ; Dans ce gouffre, au zénith, resplendit une flamme. Un centre de lumière inaccessible est là. Hors de toi comme en toi cela brille et brilla ; C'est là-bas, tout au fond, en haut du précipice. Cette clarté toujours jeune, toujours propice, Jamais ne s'interrompt et ne pâlit jamais ; Elle sort des noirceurs, elle éclate aux sommets ; La haine est de la nuit, l'ombre est de la colère ! Elle fait cette chose inouïe, elle éclaire. Tu ne l'éteindrais pas si tu la blasphémais ; Elle inspirait Orphée, elle échauffait Hermès ; Elle est le formidable et tranquille prodige ; L'oiseau l'a dans son nid, l'arbre l'a dans sa tige ; Tout la possède, et rien ne pourrait la saisir ; Elle s'offre immobile à l'éternel désir, Et toujours se refuse et sans cesse se donne ; C'est l'évidence énorme et simple qui pardonne ; C'est l'inondation des rayons, s'épanchant En astres dans un ciel, en roses dans un champ ; C'est, ici, là, partout, en haut, en bas, sans trêve, Hier, aujourd'hui, demain, sur le fait, sur le rêve, Sur le fourmillement des lueurs et des voix, Sur tous les horizons de l'abîme à la fois, Sur le firmament bleu, sur l'ombre inassouvie, Sur l'être, le déluge immense de la vie ! C'est l'éblouissement auquel le regard croit. De ce flamboiement naît le vrai, le bien, le droit ; Il luit mystérieux dans un tourbillon d'astres ; Les brumes, les noirceurs, les fléaux, les désastres Fondent à sa chaleur démesurée, en tout En sève, en joie, en gloire, en amour, se dissout ; S'il est des coeurs puissants, s'il est des âmes fermes, Cela vient du torrent des souffles et des germes Qui tombe à flots, jaillit, coule, et, de toutes parts, Sort de ce feu vivant sur nos têtes épars. Il est ! il est ! Regarde, âme. Il a son solstice, La Conscience ; il a son axe, la Justice ; Il a son équinoxe, et c'est l'Egalité ; Il a sa vaste aurore, et c'est la Liberté. Son rayon dore en nous ce que l'âme imagine. Il est ! il est ! il est ! sans fin, sans origine, Sans éclipse, sans nuit, sans repos, sans sommeil. Renonce, ver de terre, à créer le soleil.

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