Théophile GAUTHIER
Extrait du document
La plaine, un jour, disait à la montagne oisive :
Rien ne vient sur ton front, des vents toujours battu.
Au poète, courbé sur sa lyre pensive,
La foule aussi disait : - Rêveur, à quoi sers - tu ?
La montagne en courroux répondit à la plaine :
C'est moi qui fais germer les moissons sur ton sol ;
Du midi dévorant, je tempère l'haleine,
J'arrête dans les cieux les nuages au vol.
Je pétris de mes doigts la neige en avalanches.
Dans mon creuset , je fonds les cristaux des glaciers,
Et je verse, du bout de mes mamelles blanches,
En longs filets d'argent, les fleuves nourriciers.
Le poète à son tour répondit à la foule :
Laissez mon pâle front s'appuyer sur ma main.
N'ai-je pas de mon flanc, d'où mon âme s'écoule,
Fait jaillir une source où boit le genre humain ?
Théophile GAUTHIER
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