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Sous les moqueries légères, on trouve des idées profondes, sous les ruines visibles on trouve des bâtisses inaperçues. Commenter cette réflexion en vous appuyant sur des exemples précis du 18e siècle ?

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Symbole de la grâce et de l'esprit, le xviiie siècle est également considéré comme celui de la critique et du dénigrement. L'impression première mais superficielle qu'on en a est en effet celle d'une élégante et mordante épigramme. Pourtant les moqueries légères ou acerbes de ces hommes d'esprit qu'étaient les philosophes, leur politique de destruction, leur acharnement à combattre tant d'idées et de principes établis, ne furent pas des démarches seulement brillantes et stériles, elles répondaient à un idéal, quelquefois inavoué, de bonheur et de justice. Ainsi leur oeuvre ne fut pas exclusivement négative, et Taine, qui avait plaisir à la lire, nous explique ainsi l'intérêt qu'il y prenait : « Sous les moqueries légères on trouve des idées profondes ; sous l'ironie perpétuelle on trouve la générosité habituelle ; sous les ruines visibles on trouve des bâtisses inaperçues ».

« INTRODUCTION Symbole de la grâce et de l'esprit, le xviiie siècle est également considéré comme celui de la critique et du dénigrement.

L'impression première mais superficielle qu'on en a est en effet celle d'une élégante et mordante épigramme.

Pourtant les moqueries légères ou acerbes de ces hommes d'esprit qu'étaient les philosophes, leur politique de destruction, leur acharnement à combattre tant d'idées et de principes établis, ne furent pas des démarches seulement brillantes et stériles, elles répondaient à un idéal, quelquefois inavoué, de bonheur et de justice.

Ainsi leur œuvre ne fut pas exclusivement négative, et Taine, qui avait plaisir à la lire, nous explique ainsi l'intérêt qu'il y prenait : « Sous les moqueries légères on trouve des idées profondes ; sous l'ironie perpétuelle on trouve la générosité habituelle ; sous les ruines visibles on trouve des bâtisses inaperçues ». I.

«SOUS LES MOQUERIES LÉGÈRES ON TROUVE DES IDÉES PROFONDES » En réaction à l'austérité des dernières années du règne de Louis XIV, on remarque sous la Régence un renouveau de joie de vivre et de frivolité.

Dans cette atmosphère détendue s'épanouit une vie de salon brillante où l'on cultivait les jeux de la conversation, où gens de lettres et beaux esprits rivalisaient de verve aux dépens de l'autorité.

Ces salons, qui étaient alors avec les cafés et les clubs les foyers de ta vie intellectuelle et les centres de diffusion des idées nouvelles, furent fréquentés par la plupart des philosophes, et sans doute est-ce en partie à leur influence que certains d'entre eux durent ce goût de la boutade et de la moquerie légère qui devait faire le charme et le succès d'une partie de leur propagande.

En sacrifiant au goût du jour non seulement pour l'orientalisme et la galanterie, mais aussi pour la satire aimable et piquante, Montesquieu était sûr de vendre « comme du pain » ses Lettres Persanes.

Pourtant cette œuvre n'était pas seulement une badinerie.

Sous la désinvolture avec laquelle Rica donne à son ami Ibben ses premières impressions de Paris, sous la raillerie souriante de Montesquieu, se dessine non seulement une fine critique des mœurs parisiennes, caractérisées par une agitation absurde et une vanité déroutante, mais encore celle, plus audacieuse, du système politique français, arbitraire, exploitant la crédulité populaire, et celle enfin de la religion catholique, aussi despotique que la monarchie, source de troubles et de dissensions.

De même, les portraits pittoresques et les anecdotes piquantes qui rendent si agréable la lecture des Lettres recouvrent une mise en question de l'autorité et des institutions et révèlent la pensée déjà hardie de Montesquieu sur certains problèmes qui tiendront à cœur tous les philosophes, comme le fanatisme, l'esclavage, l'injustice des lois.

Bien que chez lui on ne retrouve pas la pénétrante psychologie d'un La Bruyère et que sa critique des mœurs reste finalement superficielle et bien qu'il feigne seulement de nous amuser, l'auteur des Lettres persanes aborde des sujets graves et nouveaux, attaque des principes jusqu'alors indiscutés et propose des idées d'avenir ; son tableau allégorique des Troglodytes offre les éléments de base d'une république idéale : la vertu morale et civique et la solidarité sociale.

Montesquieu esquisse ici les grandes thèses qu'il développera plus tard dans L'Esprit des Lois ; par ailleurs, en renouvelant la satire, en la rendant de grave qu'elle avait été jusqu'à lui, légère et spirituelle, il annonce l'ironie incisive et mordante de Voltaire." En effet Voltaire travestit de la même façon sa pensée sous l'humour, le pittoresque et la caricature.

Dans ses Contes qui constituent la partie la plus vivante de son œuvre, il met le divertissement au service de la propagande. Le récit qui se poursuit sans logique ni vraisemblance et sur un rythme endiablé dans un cadre de pure fantaisie, et les personnages, amusantes ou émouvantes marionnettes, esquisses plaisantes ou types fortement campés, semblent n'avoir été imaginés que pour notre plaisir, et pourtant ils ne servent en fait qu'à la démonstration des idées audacieuses de Voltaire et à une leçon de morale.

Sous l'apparence de la gaieté, Voltaire ou bien fustige les institutions et les vices de la société en faisant le procès des opinions fausses et des vains systèmes ou encore médite sur de grands problèmes comme la Destinée, le Mal, la Providence, l'Existence de Dieu.

Mais les aventures du Huron, l'homme de bon sens, de Zadig, le sage, et du timide Candide ne contiennent pas seulement une critique négative, elles offrent également une leçon de sagesse pratique qui est toujours actuelle : l'homme peut échapper aux souffrances inéluctables de sa condition en fondant sa réflexion et sa conduite sur la raison et en créant des œuvres durables et profitables à tous.

Ainsi, en nous divertissant, Montesquieu et Voltaire mènent un pathétique combat contre l'ignorance, les préjugés, la tyrannie et la guerre, pour l'information, la raison, la liberté et la paix.

La raillerie de l'un et l'ironie de l'autre camouflent une grave remise en question des principales valeurs humaines. II.

« SOUS L'IRONIE PERPÉTUELLE, ON TROUVE LA GÉNÉROSITÉ HABITUELLE » L'ironie, cette forme percutante et incisive de l'esprit, a été la grande arme des philosophes, la plus efficace et la plus séduisante.

Ce jeu piquant qui consiste à dire le contraire de ce qu'on pense ou à feindre d'être du parti de l'adversaire, et qui invite sans cesse le lecteur à lire entre les lignes, nul ne l'a pratiqué avec plus de brio que Voltaire.

Dans ses Contes, sa correspondance et ses pamphlets surtout, elle est omniprésente et s'exerce aux dépens de tout ce qui lui paraît condamnable, le gouvernement, l'organisation sociale, la religion et la métaphysique. Nul non plus n'a donc été plus destructeur que lui.

Pourtant, si nous retenons d'abord de son œuvre l'aspect de critique, une vue plus profonde nous permet de découvrir le mobile de la polémique voltairienne qui est loin d'être seulement l'amour de la bataille et de la controverse spirituelle.

Voltaire possède-un idéal de générosité qui est le trait commun à toutes les idées soutenues par les philosophes, à l'ensemble de leurs combats.

Cet idéal est le bonheur de l'homme sur la terre et les moyens de l'assurer.

Aussi luttent-ils pour la raison, la liberté, la justice, l'harmonie sociale, la paix.

Cet amour de l'homme avec ses possibilités et ses limites est la trame de toute leur action : Voltaire aime Candide comme Rousseau aime Julie, et tous deux avec Montesquieu sont à la recherche d'un art de vivre.

Ce dernier recommandait de proscrire les passions, d'accepter son destin et de tirer le plus d'agréments possibles de la vie, plaisirs frivoles ou joies plus hautes de l'esprit ; Voltaire prescrira le bon sens simple et modeste et l'action, Rousseau l'état de nature et l'éloignement de la société; l'équipe des Encyclopédistes enfin et leur chef. »

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