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Provence, garde-moi - Colette, la Naissance du jour.

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Provence, garde-moi - Colette, la Naissance du jour. Quel pays! L'envahisseur le dote de villas et de garages, d'automobiles, de faux « mas » où l'on danse ; le sauvage du Nord morcelle, spécule, déboise, et c'est tant pis, certes. Mais combien de ravisseurs se sont, au cours des siècles, épris d'une telle captive? Venus pour concerter sa ruine, ils s'arrêtent tout à coup, et l'écoutent respirer endormie. Puis, doucement, ils ferment la grille et le palis (1), deviennent muets, respectueux ; et, soumis, Provence, à tes vœux, ils rattachent ta couronne de vigne, replantent le pin, le figuier, sèment le melon brodé, et ne veulent plus, belle, que te servir et s'y complaire. Les autres, fatalement, te délaisseront. Auparavant, ils t'auront déshonorée. Mais tu n'en es pas à une horde près. Ils te laisseront, ceux qui sont venus sur la foi d'un casino, d'un hôtel ou d'une carte postale. Ils fuiront, brûlés, mordus par ton vent tout blanc de poussière. Garde tes amants buveurs d'eau à la cruche, buveurs du vin sec qui mûrit dans le sable ; garde ceux qui versent l'huile religieusement, et qui détournent la tête en passant devant les viandes mortes ; garde ceux qui se lèvent matin et se bercent le soir, déjà couchés, au petit halètement des bateaux de fête, sur le golfe, — garde-moi...

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