Pindare
Extrait du document
«
Pindare
Pindare né probablement en 518 avant notre ère, au lieu-dit les Têtes-de-chien, bourg dépendant de Thèbes en Béotie, mourut peut-être en 438 à Argos.
Avant lui, la Béotie n'avait fourni pour grand poète qu'Hésiode, l'auteur des Travaux et des Jours, et de la Théogonie.
Hésiode avait introduit, comme
élément typique parmi les forces agissantes de sa Théogonie, la figure de l'Amour, Éros, qui était honoré dans le bourg béotien de Thespies sous la forme
d'un aérolithe, et qu'on fêtait sur l'Hélicon.
Pindare, lui, sent vibrer et resplendir, dispensatrices des victoires en athlétisme, en poésie, en beauté ou
célébrité, en politique les Grâces, filles de Zeus, qu'on révérait, elles aussi, sous la forme d'aérolithes, à Orchomène, dans un canton indépendant du nord
béotien.
Le tout jeune homme avait fait son apprentissage de poésie à Athènes, à l'époque où cette cité, sous la conduite de Clisthène, s'aménageait une
constitution résolument démocratique et en faisait l'heureux essai.
Il y connut peut-être Eschyle, son aîné de sept ans.
Plein d'un respect intellectuel et de
tendres souvenirs pour Athènes, il n'approuvait pas cependant la tendance démocratique, mais son coeur le portait vers le gouvernement des meilleurs à
son sens et des moins nombreux, vers l'oligarchie traditionnelle chez les peuples doriens, et seule régnante à Sparte, à Argos, à Corinthe, en Béotie, en
Thessalie.
Tout entier attaché à l'esprit du VIe siècle, il aimait avant tout la dorienne Egine, l'île commerçante et rivale d'Athènes.
On disait en effet
qu'Égine et Thèbes étaient deux soeurs jumelles, nées du fleuve Asôpos.
Le Thébain Pindare avait donc, en quelque sorte, un second foyer à Egine.
Il ne
pouvait pas oublier que, dans les conflits heurtant Athènes à la Béotie, les Thébains, bénéficiant de l'aide navale des Éginètes, avaient ainsi échappé à une
pression victorieuse.
Puis, quand le roi des rois, Darius, envoya ses messagers dans les cités grecques pour demander "la terre et l'eau", les Éginètes lui
déclarèrent leur soumission, et, par recoupements, on conjecture que les Béotiens en firent autant.
C'était, vis-à-vis de l'idéal hellénique de liberté, une
trahison, d'abord inconsciente et motivée par des rivalités politico-économiques.
Athènes et Sparte ne s'y trompèrent pas.
D'une main rude, elles
ramenèrent Egine à résipiscence, tandis que Thèbes s'enfonçait dans le collaborationnisme ou "médisme" (politique pro-mède, pro-asiatique).
En 498 av.
JC, donc à vingt ans, Pindare composa son premier hymne connu, la Xe Pythique, pour le magnat thessalien Thorax.
Le ton et la manière en sont déjà,
exactement, pindariques.
En 490 av.
JC, les Athéniens sauvent la Grèce au "Champ du fenouil", Marathon.
C'est en 488 av.
JC que Pindare intronise dans
sa poésie les Grâces, dans le plus juvénile de ses hymnes, la délicieuse XIVe Olympique pour l'enfant Asôpikhos d'Orchomène.
Cependant, les jeux diplomatiques étaient encore confus, et les responsabilités, mal définissables.
En 480 av.
JC, l'attaque de Xerxès est brisée à Salamine
par l'héroïsme de la flotte hellénique.
Les marins et commerçants d'Égine s'étaient distingués au premier rang des Grecs.
Mais les magnats terriens de
Béotie, aveuglés par leur haine de la démocratie athénienne, avaient fait cause commune avec les Barbares.
En 479 av.
JC, les armées de terre se livraient
un combat décisif à Platée.
Les Perses et la cavalerie thessalo-béotienne furent écrasés.
L'heure du châtiment sonnait pour Thèbes.
On comprend que,
dans ces conditions, le chantre des guerres médiques ait été le poète ionien Simonide, et non pas le Thébain Pindare.
D'ailleurs, il s'irritait de l'ingratitude à
l'égard d'Égine, qui, malgré sa loyauté, se vit à nouveau molestée par l'impérialisme athénien.
Dans la Ve Isthmique, écrite probablement dans l'été 479 av.
JC, avant la défaite de Platée, il fait tourner court l'éloge des marins éginètes, pour n'avoir pas à célébrer aussi ceux d'Athènes.
En 476 av.
JC, Pindare fit un grand voyage en Sicile, l'île des millionnaires du temps, le grenier à blé où régnaient les Dames de la moisson, Déméter
(Cérès) et Koré (Proserpine).
Il fut reçu royalement à la cour des tyrans Hiéron de Syracuse, et Théron d'Agrigente.
Il composa en leur honneur des hymnes
qui comptent parmi les plus somptueux.
Dans la IIe Olympique ou Ode des Bienheureux, dédiée à Théron, à cet homme soucieux, semble-t-il, des
destinées humaines dans l'au-delà, on peut lire une strophe qui ramasse en bref la théorie pindarique de la Grâce, et qui se trouve concerner la coupable
race des rois légendaires de Thèbes.
Le rapport avec la politique récente est net :
Des oeuvres accomplies
En justice ou contre justice
Rien, pas même le Temps, père de toutes choses,
Ne saurait abolir la consécration.
Mais il peut naître quelque oubli
De par un heureux sort.
Car sous la Grâce de joies pures,
La peine meurt, domptée en son ressentiment.
En 472 av.
JC meurt Théron d'Agrigente.
Son fils Thrasydée une fois renversé, la démocratie s'installe.
Bientôt ce sera le règne spirituel d'Empédocle.
Ainsi
vont les choses en Sicile.
Sur le continent, après un retour de flamme pour Athènes, Pindare constate que toute conciliation entre l'oligarchie et la
démocratie est impossible.
Résolue d'en finir, Athènes accable les Éginètes.
Les Béotiens, comme toujours, se trouvent mêlés à ce conflit.
En 457 av.
JC,
profitant de l'absence des Spartiates, les Athéniens écrasent l'armée thébaine à OEnophyta ; durant l'hiver qui suit, les Éginètes capitulent.
Le monde
politique de Pindare croulait.
Aucun succès ne le pouvait relever.
Le vieux prophète béotien de l'Apollon delphique, cette espèce de demi-dieu Pindare
exhale en ces temps-là, dans la VIIIe Pythique (an 446 av.
JC), la plainte fameuse et lamentable :
Éphémères !
Qu'est-ce que de quelqu'un, qu'est-ce que de personne ?
Rêve d'une ombre, voilà l'homme !
De l'oeuvre de Pindare, immense, on n'a conservé intégralement que le tiers ou le quart peut-être : quarante-quatre épinicies ou odes triomphales (hymnes)
célébrant les vainqueurs des Jeux Olympiques (patron Zeus, couronne d'olivier), Pythiques (patron Apollon, couronne de laurier), Isthmiques (patron
Poséidon, couronne d'ache), Néméens (patron Zeus, couronne d'ache).
Pindare exalte l'arétè, vertu innée, bravoure qui se transmet de génération en génération au long de la lignée des bons.
Il y a la race des lions et celle des
renards.
L'individu à lui seul ne compte guère.
Il transmet chez les lions la graine de feu, la bonne semence, venue, à Rhodes en tout cas (VIIe Olympique),
du "Père procréateur des rayons pénétrants, maître des chevaux qui soufflent le feu", le Soleil.
Malgré des égarements passagers, voire des crimes, les
bonnes lignées, engagées sur le "pur chemin des travaux inspirés", réalisent une fois l'arétè, de par le regard solaire de la Grâce ou Victoire (Kharis), qui
procure la Joie ou Fruit de Grâce (Kharma).
C'est comme une rosée d'or qui bénit et transfigure le triomphateur des Grands Jeux.
Zeus est le garant de
l'ordre universel.
De même que ce dieu maintient à grand peine le monstrueux Typhon qui gronde au fond de l'Etna, ainsi le vainqueur en gymnastique, en
poésie, en politique, n'a droit au succès durable que par une vigilance constante, dompteuse des désordres.
En outre et surtout, il ne peut rien sans la
Grâce, fille de Zeus.
D'où l'immense piété de Pindare, d'où son orgueil et son humilité.
L'oligarque, ou magnat d'extraction semi-divine, a pour devoir de
soutenir la vie de l'esprit, la vertu héroïque.
Ce n'est pas une morale de facilité, que celle de Zeus et de son fils, le musical et pur Apollon.
Pindare est pleinement conscient de son génie, qu'il situe à mille lieues au-dessus du talent.
C'est la puissance d'envol de ce génie qui le fera si bien
nommé "l'aigle de Béotie"..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Ponce Denis Écouchard LEBRUN-PINDARE (1729-1807) - Ode
- Ponce Denis Écouchard LEBRUN-PINDARE (1729-1807) - Ode sur l'enthousiasme