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Ponce Denis Écouchard LEBRUN-PINDARE (1729-1807) - Ode sur l'enthousiasme

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Ponce Denis Écouchard LEBRUN-PINDARE (1729-1807) - Ode sur l'enthousiasme Aigle qui ravis les Pindares Jusqu'au trône enflammé des dieux, Enthousiasme, tu m'égares A travers l'abîme des cieux. Ce vil globe à mes yeux s'abaisse ; Mes yeux s'épurent, et je laisse Cette fange, empire des rois : Déjà, sous mon regard immense, Les astres roulent en silence, L'Olympe tressaille à ma voix. Ô muse, dans l'ombre infernale Ton fils plongea ses pas vivants : Moi, sur les ailes de Dédale Je franchis la route des vents. " Il est beau, mais il est funeste De tenter la voûte céleste. " Arrête, importune raison ! Je vole, je devance Icare, Dussé-je à quelque mer barbare Laisser mes ailes et mon nom. Que la colombe d'Amathonte S'épouvante au feu des éclairs ; Le noble oiseau qui les affronte Prouve seul qu'il est roi des airs. Je brûle du feu qui l'anime : Jamais un front pusillanime N'a ceint des lauriers immortels. L'audace enfante les trophées. Qu'importe la mort aux Orphées, Si leurs tombeaux sont des autels ? Silence, altières pyramides ! Silence, vains efforts de l'art ! Les oeuvres de ses mains timides N'ont rien d'un généreux hasard. Ô nature ! ta main sublime Dans les airs a jeté la cime De ces Etnas majestueux : L'art pâlit d'en tracer l'image ; L'oeil étonné te rend hommage Par un effroi respectueux. C'est de là qu'exhalant son âme Non loin des gouffres de l'enfer, Encelade vomit la flamme Contre les feux de Jupiter. De ses lèvres étincelantes, L'Incendie aux ailes brûlantes Fond dans les cieux épouvantés ; Ses étincelles vagabondes Couvrent l'air, la terre et les ondes De leurs foudroyantes clartés. Vaste Homère ! de ton génie Ainsi les foudres allumés, Avec des torrents d'harmonie, Roulent dans tes vers enflammés. Des feux de ta bouillante audace Jaillissent la force et la grâce De tes divins enfantements, Comme des mers le dieu suprême Vit éclore ta beauté même Du choc de ses flots écumants. A mes accords, l'aigle charmée Ralentit son vol orageux, Et de sa foudre désarmée S'assoupissent les triples feux. Tes chants, divine poésie ! Parfument encor l'ambroisie Que verse aux dieux la jeune Hébé ; Ton charme atteint le sombre empire Et devant ta puissante lyre Le triple monstre s'est courbé. Qu'il aille aux gouffres du Tartare De Typhon subir le destin, Le coeur jaloux, le coeur barbare, Qui dédaigne cet art divin, Ce fils des nymphes de mémoire Qui de la honte et de la gloire Trace un immortel souvenir, Et de palmes chargeant sa tête, Se fait une illustre conquête De tous les siècles à venir ! Ô génie ! ô vainqueur des âges, Toi qui sors brillant du tombeau, Sous de mystérieux nuages, Souvent tu caches ton berceau. C'est dans la solitude et l'ombre Que ta gloire muette et sombre Prépare ses jours éclatants : L'oeil profane qui vit ta source Ne se doutait pas que ta course Dût franchir la borne des temps. Tel on voit, dans l'empire aride Des fils basanés de Memnon, Le Nil, de son berceau liquide S'échapper sans gloire et sans nom. Du haut des rocs ses flots jaillissent, Et quelque temps s'ensevelissent Parmi des gouffres ignorés ; Mais tout à coup à la lumière Il renaît pour Memphis entière ; Et ses flots en sont adorés...

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