Pensez vous que, face aux grands problèmes de la vie, le rôle des écrivains soit plutôt d'avertir leurs semblables ou bien de les divertir ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet et problématisation
Ce sujet porte sur le rôle de la littérature en général et est énoncé en termes très vagues qu'il s'agit de
préciser.
L'expression « grands problèmes de la vie » désigne d'une part les problèmes de la vie personnelle, les
questions existentielles propres à l'épanouissement de chaque individu (la question du bonheur, la question de la
connaissance de soi, etc…) et, d'autre part les problèmes de la vie sociale, de la communauté ( problèmes
politiques, sociaux, économiques, moraux, etc…).
Les verbes « avertir » et « divertir » sont deux composés antithétiques de la même racine latine vertere,
versus (« tourner »), verbe de mouvement.
Ils qualifient deux mouvements opposés de la pensée : « avertir » (ad
vertere : « tourner vers ») indique plutôt un mouvement convergent, alors que « divertir » (divertire : se séparer
de) est plus évidemment divergent .
Le verbe « avertir » signifie donc informer, prévenir d'un danger, d'une
difficulté.
Le verbe « divertir » signifie étymologiquement « détourner l'attention ou l'activité de quelqu'un sur un
autre objet, une nouvelle occupation » (Trésor de la langue française) et, plus généralement, « distraire, procurer
un passe temps agréable ».
Problématique : La littérature doit-elle avoir pour fonction de prévenir ses lecteurs des dangers de la vie ou
plutôt de les en détourner en les distrayant ?
I)
Certains écrivains conçoivent leurs oeuvres comme des avertissements adressés
aux lecteurs
Ces avertissements peuvent être de plusieurs types, essentiellement, politiques, moraux ou intellectuels.
- Certains auteurs veulent participer à l'action politique en prévenant leurs lecteurs des problèmes et dangers
dans ce domaine.
On peut ici faire référence à un écrivain « engagé » politiquement au XIXe siècle : Victor Hugo.
Victor Hugo est élu représentant du peuple à Paris en 1848 et va lutter pour l'avènement d'une démocratie
libérale et humanitaire.
Le coup d'État du 2 décembre 1851 agit directement sur la vie et l'œuvre de Victor Hugo,
puisqu'exilé jusqu'en 1870, l'écrivain entreprit un terrible bras de fer contre Napoléon III.
Adossé à son île comme
Gilliatt à son rocher, Hugo brava les tempêtes d'un régime et, jour après jour, bâtit une œuvre dont chaque texte
était destiné à ébranler le Second Empire, et au-delà, tous les régimes anti-républicains.
(cf.
Les Châtiments)
- Des avertissements moraux et religieux sont souvent prétextes à de nombreuses œuvres littéraires.
Les
écrivains cherchent ainsi à guider esprits égarés de leurs lecteurs vers le droit chemin moral.
Ex :
·
Les Sermons de Bossuet, divisés en deux parties : sermons de doctrine (
qui prêchent avant tout « Jésus crucifié ») et les sermons de morale, eux-mêmes
rattachés à l'enseignement du dogme, car « la morale chrétienne est fondée sur les
mystères du chsristianisme ».
Bossuet adapte la leçon à son auditoire : il invite les
riches à la charité dans le Sermon sur l'Eminente Dignité des pauvres dans l'Eglise ;
devant les courtisans il prêche sur l'Honneur du Monde , sur l'Ambition ( où il dénonce
les trahisons de la fortune qui nous donne l'illusion de la puissance mais nous rend
esclaves de nos passions), etc…
·
Les Pensées où Pascal avertit l'homme contre les puissances trompeuses ,
« principes d'erreur » qui faussent le jugement de la raison, que sont l'imagination, la
coutume et l'amour propre.
Notons aussi la critique du divertissement chez Pascal qui
conçoit donc la littérature seulement comme un avertissement.
- Certains écrivains produisent des œuvres destinées à éveiller l'esprit du lecteur à des idées philosophiques
nouvelles et à mettre en garde contre des idées archaïques freinant le progrès humain.
C'est en quoi certaines
œuvres se présentent comme de véritables avertissements intellectuels ou philosophiques.
Ex :
·
Montaigne dans Les Essais, tente de prévenir ses lecteurs contre le malheur
et la non réalisation de soi en leur proposant une philosophie du bonheur fondée sur les
philosophies antiques ( stoïcisme, épicurisme et scepticisme) .
·
Primo Levi, dans Si c'est un homme, fait un témoignage qui est en même
temps un avertissement intellectuel : il prévient les hommes de la cruauté de leur
semblables afin que l'on se serve de la leçon de l'expérience concentrationnaire pour
qu'elle ne se reproduise jamais..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Une société qui se mécanise a plus que jamais besoin, pour sauver les personnes, de la poésie libératrice » écrit Jean Onimus dans La Connaissance poétique. Pensez-vous que la poésie, dans ses expressions les plus variées, peut jouer un tel rôle dans la vie moderne ? Justifiez votre réponse par des exemples précis.
- Les ennemis de Boileau : Cotin, Boursault, Pradon, etc., lui ont violemment reproché d'avoir choisi le plus misérable des métiers, celui de satirique. Boileau s'est justifié dans la satire IX, A son esprit, où il démontre qu'il a toujours épargné les personnes, la vie privée; mais que c'est son droit et même son devoir, puisque c'est son tempérament, de dénoncer les méchants écrivains. Que pensez-vous de cette justification ?
- Montesquieu (1689-1755) confie dans ses Cahiers : « L'étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts, n'ayant jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture ne m'ait ôté. » Qu'en pensez-vous? Quel rôle assignez-vous vous-même à la lecture dans votre vie d'adolescent d'aujourd'hui (divertissement, enrichissement intellectuel, moral, connaissance de l'homme et de son destin, connaissance des hommes, appel à l'imaginaire...)?
- Montesquieu confie dans ses Cahiers : « l'étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts, n'ayant jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture ne m'ait ôté ». qu'en pensez-vous ? Quel rôle assignez-vous vous-même à la lecture dans votre vie d'adolescent d'aujourd'hui (divertissement, enrichissement moral, intellectuel...) ?
- Dans ses Réflexions sur le roman, publiées en 1938, le critique Albert Thibaudet distingue les «lecteurs» qui « ne demandent au roman qu'une distraction, un rafraîchissement, un repos de la vie courante» et les «liseurs» pour qui le roman existe « non comme un divertissement accidentel, mais comme une fin essentielle». En vous fondant sur votre expérience personnelle et en vous aidant d'exemples précis, vous direz ce que vous pensez d'une telle distinction.