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Pascal et l'immortalité de l'âme.

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(...) L'immortalité de l'âme est une chose qui nous importe si fort, qui nous touche si profondément, qu'il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l'indifférence de savoir ce qui en est. Toutes nos actions et nos pensées doivent prendre des routes si différentes, selon qu'il y aura des biens éternels à espérer ou non, qu'il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement, qu'en la réglant par la vue de ce point, qui doit être notre dernier objet. Ainsi notre premier intérêt et notre premier devoir est de nous éclaircir sur ce sujet, d'où dépend toute notre conduite. Et c'est pourquoi, entre ceux qui n'en sont pas persuadés, je fais une extrême différence de ceux qui travaillent de toutes leurs forces à s'en instruire, à ceux qui vivent sans s'en mettre en peine et sans y penser. Je ne puis avoir que de la compassion pour ceux qui gémissent sincèrement dans ce doute, qui le regardent comme le dernier des malheurs, et qui, n'épargnant rien pour en sortir, font de cette recherche leurs principales et leurs plus sérieuses occupations. Mais pour ceux qui passent leur vie sans penser à cette dernière fin de la vie, et qui, par cette seule raison qu'ils ne trouvent pas en eux-mêmes les lumières qui les en persuadent, négligent de les chercher ailleurs, et d'examiner à fond si cette opinion est de celles que le peuple reçoit par une simplicité crédule, ou de celles qui, quoiqu'obscures d'elles-mêmes, ont néanmoins un fondement très solide et inébranlable, je les considère d'une manière toute différente. Cette négligence en une affaire où il s'agit d'eux-mêmes, de leur éternité, de leur tout, m'irrite plus qu'elle ne m'attendrit; elle m'étonne et m'épouvante, c'est un monstre pour moi.

INTRODUCTION Le fait que Pascal n'ait pas eu le temps de réunir, avant de mourir, les fragments épars de son oeuvre, lui a peut-être été plus favorable que défavorable : on apprécie d'autant mieux en effet la force de ces textes brefs, où s'illustrent admirablement les idées de l'auteur. Dans ce passage, il pose en principe le caractère essentiel du choix qui s'offre à chaque homme : doit-il croire ou non à l'immortalité de l'âme ? Pascal distingue alors ceux qui doutent et ceux qui refusent de se poser le problème, condamnant vigoureusement la seconde catégorie. La rigueur de « l'esprit de géométrie » donne au texte sa valeur logique, mais « l'esprit de finesse » y ajoute une subtilité personnelle et convaincante, tout cela étant mis au service des intentions apologétiques de l'auteur.

« Pascal et l'immortalité de l'âme. (...) L'immortalité de l'âme est une chose qui nous importe si fort, qui nous touche si profondément, qu'il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l'indifférence de savoir ce qui en est.

Toutes nos actions et nos pensées doivent prendre des routes si différentes, selon qu'il y aura des biens éternels à espérer ou non, qu'il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement, qu'en la réglant par la vue de ce point, qui doit être notre dernier objet.

Ainsi notre premier intérêt et notre premier devoir est de nous éclaircir sur ce sujet, d'où dépend toute notre conduite.

Et c'est pourquoi, entre ceux qui n'en sont pas persuadés, je fais une extrême différence de ceux qui travaillent de toutes leurs forces à s'en instruire, à ceux qui vivent sans s'en mettre en peine et sans y penser.

Je ne puis avoir que de la compassion pour ceux qui gémissent sincèrement dans ce doute, qui le regardent comme le dernier des malheurs, et qui, n'épargnant rien pour en sortir, font de cette recherche leurs principales et leurs plus sérieuses occupations.

Mais pour ceux qui passent leur vie sans penser à cette dernière fin de la vie, et qui, par cette seule raison qu'ils ne trouvent pas en eux-mêmes les lumières qui les en persuadent, négligent de les chercher ailleurs, et d'examiner à fond si cette opinion est de celles que le peuple reçoit par une simplicité crédule, ou de celles qui, quoiqu'obscures d'elles-mêmes, ont néanmoins un fondement très solide et inébranlable, je les considère d'une manière toute différente.

Cette négligence en une affaire où il s'agit d'eux-mêmes, de leur éternité, de leur tout, m'irrite plus qu'elle ne m'attendrit; elle m'étonne et m'épouvante, c'est un monstre pour moi. INTRODUCTION Le fait que Pascal n'ait pas eu le temps de réunir, avant de mourir, les fragments épars de son œuvre, lui a peutêtre été plus favorable que défavorable : on apprécie d'autant mieux en effet la force de ces textes brefs, où s'illustrent admirablement les idées de l'auteur.

Dans ce passage, il pose en principe le caractère essentiel du choix qui s'offre à chaque homme : doit-il croire ou non à l'immortalité de l'âme ? Pascal distingue alors ceux qui doutent et ceux qui refusent de se poser le problème, condamnant vigoureusement la seconde catégorie.

La rigueur de « l'esprit de géométrie » donne au texte sa valeur logique, mais « l'esprit de finesse » y ajoute une subtilité personnelle et convaincante, tout cela étant mis au service des intentions apologétiques de l'auteur. I.

LA RIGUEUR DE L'ARGUMENTATION Voulant entraîner l'adhésion de son lecteur, libertin passablement rationaliste, Pascal compose dans ces quelques lignes une démonstration rigoureuse. Le mouvement d'ensemble.

L'ensemble du passage fait progresser le raisonnement en plusieurs étapes qu'introduisent des mots de liaison logiques, presque scientifiques.

Le premier paragraphe définit le point de départ du texte, et de toute l'entreprise pascalienne : il s'agit d'intéresser le lecteur au problème de l'immortalité, grâce à une affirmation nette, appuyée sur une brève démonstration.

La conclusion en est aussitôt tirée, au début du deuxième paragraphe que commence le mot « ainsi ».

Une seconde conclusion découle de la première : elle constitue une distinction qui s'impose à Pascal : « c'est pourquoi...

» écrit-il avant de l'énoncer.

Chacun des deux paragraphes suivants développe le jugement que porte l'auteur sur les catégories ainsi délimitées : «...

pour ceux qui gémissent sincèrement...

» « Mais pour ceux qui passent leur vie sans penser à cette dernière fin...

» Cette clarté de conception et d'expression caractérise toute l'œuvre : la célèbre distinction des trois ordres dérive de la même recherche. La logique interne.

A l'intérieur de chaque démarche du raisonnement nous retrouvons des qualités semblables.

Si nous examinons la définition qui sert de principe, nous constatons que rien n'y est laissé au hasard : l'importance de l'immortalité de l'âme, considérée comme indiscutable dès le départ, a pour conséquence l'accusation de folie portée contre ceux qui n'y croient pas.

Pascal soutient aussitôt son affirmation, en montrant l'engagement double que suppose le choix : « Toutes nos actions et nos pensées...

» ; nous rejoignons alors la proposition précédente, le «sens» et le «jugement» s'opposant à la perte de « tout sentiment ».

Ce point étant bien établi, nous parvenons à la distinction essentielle du texte, celle qui doit s'imposer à l'esprit du lecteur et l'obliger à se placer lui-même dans l'une des catégories.

A l'égard des premiers Pascal éprouve une « compassion » qu'il justifie en une seule phrase solidement charpentée : ils acceptent de douter, mais contrairement à Montaigne, ils souffrent de ce doute, « le dernier des malheurs », et n'épargnent « rien pour en sortir ».

La condamnation du second groupe est expliquée avec autant de vigueur et de netteté : ils se découragent paresseusement « par cette seule raison qu'ils ne trouvent pas en eux-mêmes les lumières qui les en persuadent », renoncent à toute recherche ; Pascal va plus loin, et dénonce ce qui est à ses yeux l'illusion rationaliste, la confusion entre la crédulité et la foi.

Après avoir ainsi en une phrase fait ressortir l'orgueil, la paresse, la fausse logique des agnostiques et des athées satisfaits de leur sort, l'auteur conclut en rappelant le caractère essentiel de l'enjeu, avant de renouveler sa condamnation.

La clarté et la concision du passage en font un modèle de raisonnement convaincant.

C'est seulement au niveau des prémisses que la critique pourrait se glisser. II.

UN TON PASSIONNÉ Mais cette logique impeccable n'a pas la froideur d'une démonstration scientifique : Pascal s'engage profondément dans la thèse dont il veut convaincre son lecteur. Une obligation générale.

Dès le début du texte, le « nous » qu'emploie l'écrivain nous le montre désireux de faire entrer son interlocuteur dans le jeu, en se mettant sur le même plan que lui, en élargissant son dessein à l'humanité tout entière.

Il s'agit ensuite d'établir, pour la collectivité ainsi définie, un certain nombre d'obligations auxquelles personne ne saurait échapper.

Pascal les exprime à l'aide d'une série de verbes au sens impératif : « il faut », «. »

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