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Octave MIRBEAU, Le journal d'une femme de chambre

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Octave MIRBEAU, Le journal d'une femme de chambre Ah ! qu'une pauvre domestique est à plaindre, et comme elle est seule !… Elle peut habiter des maisons nombreuses, joyeuses, bruyantes, comme elle est seule, toujours !… La solitude, ce n'est pas de vivre seule, c'est de vivre chez les autres, chez des gens qui ne s'intéressent pas à vous, pour qui vous comptez moins qu'un chien, gavé de pâtée, ou qu'une fleur, soignée comme un enfant de riche… des gens dont vous n'avez que des défroques inutiles ou les restes gâtés : _- "Vous pouvez manger cette poire, elle est pourrie… Finissez ce poulet à la cuisine, il sent mauvais…" Chaque mot vous méprise, chaque geste vous ravale plus bas qu'une bête… Et il ne faut rien dire ; il faut sourire et remercier, sous peine de passer pour une ingrate ou un mauvais cœur… Quelquefois, en coiffant mes maîtresses, j'ai eu l'envie folle de leur déchirer la nuque, de leur fouiller les seins avec mes ongles… Heureusement qu'on n'a pas toujours de ces idées noires… On s'étourdit et on s'arrange pour rigoler de son mieux, entre soi.

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